Mardi 23 avril 2024

Editorial

Un nouveau plan de vol de l’Aigle

23/12/2022 7
Un nouveau plan de vol de l’Aigle

Au Palais des congrès de Kigobe, l’analyse du Projet de loi portant délimitation des provinces, des communes, des zones, des collines ou des quartiers de la République du Burundi a tenu en haleine la Chambre basse du Parlement burundais. Cet exercice citoyen s’est prolongé dans la soirée du 15 décembre pour se clôturer vers 21 heures.

Malgré toutes les assurances et toutes les bonnes intentions républicaines (au vu des motivations), le nouveau découpage territorial, va changer radicalement la carte administrative et différentes circonscriptions. Une opinion s’interroge sur de possibles visées ou calculs électoralistes.

Les plus sceptiques émettent des doutes et soutiennent qu’il s’agit là d’une des stratégies de contrôle, de recadrage et de quadrillage ourdi par le parti au pouvoir pour s’assurer une cinquième victoire électorale.
Ces « incrédules » expliquent : « On n’est pas dupe, on a tout compris, les élections se rapprochent et il est question d’un nouveau plan de vol de l’Aigle au moment où l’opposition bâillonnée bat de l’aile, avec ses cris à peine audibles, ses gémissements ou ses appels en sourdine ».

Dans son vol plané au-dessus des montagnes de Rukambasi pour avoir une vue d’aigle sur Makamba, Nyanza-lac et Rumonge au sud du Burundi, en survolant allègrement les plateaux centraux, les montagnes de Inanzerwe, Kaberenge, Birime, Mutumba, sur la Crête Congo-Nil, afin de mieux contrôler tout le territoire du sud au nord et de l’est à l’ouest, l’Aigle avec ses ailes déployées entend être maître dans les airs et sur toutes les aires : de Burunga à Butanyerera en passant par Gitega et de Buhumuza à Bujumbura.

Il faut pour cela s’assurer des courants ascendants pour être porté encore plus haut, manœuvrer ou éviter les trous d’air et les zones de turbulences électorales, les derniers bastions de résistance, ces fiefs des irréductibles, des indomptables, adeptes de certains caciques emblématiques. Une espèce en voie de disparition, à force d’être laminée.

L’Aigle en chef ne cesse de trompéter : « Notre parti, c’est le Burundi. Le pays nous appartient. Rien ne doit nous échapper, il faut vous mettre en rangs ou en ordre de bataille. Il faut se battre pour son pays ».
Ce n’est pas tout comme message afin de galvaniser les foules comme cet appel lancé le 12 mars de cette année à l’ETS de Kamenge : « Tous les responsables du Cndd-Fdd jusqu’au niveau des collines et des quartiers sont invités à bien mener cette campagne sans relâche pour nous préparer à temps aux élections de 2025 et 2027. Pour la Mairie de Bujumbura, nous allons y mettre plus d’efforts pour gagner au moins à 70% en 2025 et à 80 % en 2027 ».

Avec le nouveau découpage territorial, certains fiefs seront noyés, saucissonnés, des circonscriptions refondues, des zones acquises à telle force politique chamboulées au profit d’un autre parti.

Ce n’est pas une invention burundaise, comme qui dirait que l’on n’invente pas la roue : lors de la présidentielle américaine de 1812, un gouverneur républicain de Massachusetts, Elbridge Gerry, a redécoupé les circonscriptions électorales de son Etat en faveur de son parti.

Après ce « charcutage électoral » ou redécoupage politique, les critiques fusent et parleront de « gerrymandering », un mot-valise créé à partir du nom de ce gouverneur, Gerry et du mot « salamander »(salamandre), en raison de la forme de la circonscription. Il y aura d’ailleurs une caricature dans le journal Boston Gazette dénonçant ces manœuvres. Un aigle aux ailes immenses couvrant le Burundi ferait une belle caricature pour le cas du Burundi. L’aigle s’apprête à voler de nouveau.

Forum des lecteurs d'Iwacu

7 réactions
  1. Nestor

    C’est encore, continuer de diviser les burundais. La politique du cndd-fdd est suicidaire pour un Burundi, victime de cycles de violence, imbibés en partie de massacres de masse, de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et de génocide. Tenez: feu Président Nkurunziza avec des messages 《mujeri》, 《tuzohurira mw’ijuru》, et Président Ndayishimiye, de donner au super Ministre de l’Energie et Mines d’alors, l’un des hommes aux minerais du Burundi, porteur dune valise remplie d’argent cash de son Ministère à la BRB pour soutenir les élections de Nkurunziza, l’ordre de donner un rapport, dans un délais donné, sur les manquements de la main d’oeuvre de la construction du barrage de Kajeke…Aujourd’hui, silence radio sur ce dossier…

  2. Siphion

    Rien ne se perd ,rien ne se crée !Le redécoupage présente bcp plus des avantages que des inconvénients selon la volonté et le degré d’entendement.Laisser le temps agir et si vous êtes capable de changer,le temps viendra #kubazoramba#

  3. Kira

    Cher Abbas,
    Médiatiquement parlant, un éditorial ou n’importe quel autre texte qui vise à approfondir un sujet d’actualité est publié soit concomitamment, soit après la publication du sujet par le média, pas avant. Or, votre éditorial daté du 23 décembre 2022, vient apporter un éclairage sur un sujet traité par votre média le 27 décembre 2002, soit quatre jours plus tard. Curieux, non?

  4. Tharcisse

    Ils peuvent manoeuvrer comme ils veulent mais il y a tjrs des surprises.
    En créant la province Rumonge, ils voudraient avoir une province qui les obéit entièrement, mais ils ont été surpris en découvrant que Rumonge votait moitié CNL.

  5. Ndirabika

    Bravo cher Abbas pour votre édito. Merci pour la derniere phrase où vous dites que l’aigle s’apprête à voler encore une fois.

  6. Jereve

    S’il y a une expression que j’ai à la longue appris à détester c’est « gupanga akarere ». Une expression en soi innocente qui exprime la volonté de veiller à la bonne marche des communautés et des affaires. Avez-vous remarqué comment la plupart de gens l’utilisent malignement? Ngiye gupanga akarere! Akarere gapanze neza!.. Pour le dire simplement, il y a derrière les sourires le sens de contrôler, soumettre et exploiter à sa guise une situation donnée. Et quand j’ai entendu que le gouvernement s’arcboute à effacer les frontières connues pour en imposer des nouvelles divisions territoriales sorties de je ne sais où, j’y vois l’objectif de « gupanga akarere » avec ses lourds sous-entendus.

  7. Ntakirutimana Pascal

    Une très bonne analyse. Merci beaucoup Abbas.

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