Vendredi 26 avril 2024

Économie

Le monopole, un mal qui ronge l’économie

17/01/2022 3
Le monopole, un mal qui ronge l’économie
Brarudi et Fomi, deux des entreprises exerçant un monopole.

Depuis plusieurs années, certaines industries bénéficient d’une situation de monopole dans différents secteurs. Les consommateurs et la Parole et action pour le réveil des consciences et de l’évolution des mentalités (PARCEM) ne décolèrent pas. Le ministère du Commerce promet de rectifier le tir.

« C’est une évidence. Plusieurs secteurs sont monopolistiques. Dans la plupart des cas, on trouve une seule ou deux industries au plus dans un secteur », relève, très remonté, un commerçant de la mairie de Bujumbura.
Le commerce du sucre, c’est la Sosumo qui gère tout. L’Eau et l’électricité, on trouve la Regideso. Pour le ciment, c’est la société Buceco. Concernant les engrais chimiques, l’entreprise Fomi est aux commandes. Pour les boissons, c’est une affaire de la Brarudi depuis belle lurette. Les pagnes et les tissus, c’est une chasse gardée de l’Afritextile. Quant aux produits pétroliers, aucune goutte d’essence ne tombe sans qu’Interpetrol ne soit au courant.

« Une seule entreprise assure souvent la production ou l’importation ainsi que la vente du produit. Cette situation n’est pas sans conséquences. Parfois elle met à mal le commerce », déplore un autre entrepreneur du quartier Asiatique en mairie de Bujumbura.

Selon lui, ces secteurs sont stratégiques et la demande ne cesse de croître, ce qui entraîne une forte demande. Sur ce, poursuit-il, cela fait que ces entreprises ne parviennent plus à produire ou à importer la quantité suffisante pour satisfaire la demande locale. « C’est un casse-tête. C’est insupportable. »

Le monopole, un mal à combattre

« La situation de monopole dans laquelle opèrent certaines entreprises est totalement préjudiciable pour le consommateur à plusieurs points », estime Pierre Nduwayo, président de l’Association burundaise des consommateurs (Abuco).

Pour lui, ces entreprises ont tendance à fixer unilatéralement les prix de leurs produits sans concertation avec les consommateurs et en faisant même fi des recommandations de l’autorité : « On se rappellera la tentative de la Brarudi, il y a bientôt deux ans et dernièrement la société Buceco. »
Bien que ces entreprises jouissent du monopole, indique-t-il, elles ne parviennent pas à satisfaire la demande, ce qui est source de diverses spéculations.

M. Nduwayo propose une vigilance accrue de l’autorité pour surveiller le respect des prix, mais également l’instauration d’un cadre d’échange entre toutes les parties prenantes afin d’apporter des solutions satisfaisantes tenant compte des intérêts des uns et des autres.

Faustin Ndikumana : « Pour bénéficier du monopole, comme dans d’autres pays, il doit y avoir de la corruption. »

Faustin Ndikumana, directeur national de la Parcem, trouve que pour bénéficier du monopole, comme dans d’autres pays, il doit y avoir de la corruption.

Il explique que parfois, les entreprises privées offrent certaines donations aux décideurs politiques et aux hauts cadres du pays. « Grâce à leurs positions stratégiques, ils laissent ces entreprises jouir du monopole ».

De plus, ajoute M. Ndikumana, certaines entreprises donnent l’occasion aux décideurs politiques de devenir actionnaires. Dans ce cas, poursuit-il, ils usent de leurs influences pour que ces entreprises bénéficient de ce monopole. « Cela permettra à l’entreprise d’en tirer plus de profit et le haut dignitaire va partager les dividendes avec les autres actionnaires. C’est une autre forme de corruption ».

Pour lui, le monopole est tolérable dans certains secteurs surtout dans les secteurs où les privés sont réticents à y investir : « Certains secteurs stratégiques comme la distribution de l’eau et de l’électricité, le gouvernement s’implique beaucoup dans la fixation du prix. Les commerçants n’y voient pas de gain. Dans ce cas, le monopole est compréhensible. »

M. Ndikumana indique que ce sont les consommateurs qui en paient le prix fort. « Ils ne seront plus libres de choisir dans une gamme diversifiée de produits. La qualité et le prix sont aussi imposés. Les droits des consommateurs sont en fait bafoués ».

Et d’ajouter que les produits se raréfient parce que ces entreprises qui détiennent le monopole se retrouvent parfois dans l’incapacité de satisfaire la demande. Ce qui entraîne alors, une spéculation.

Il fait savoir que ce phénomène entraîne des conséquences néfastes sur l’économie nationale du fait que les petites et moyennes entreprises sont évincées du marché.

Selon lui, le gouvernement devrait jouer le rôle de régulateur pour protéger les consommateurs et offrir une égalité de chances dans l’octroi des marchés publics. Il propose en outre la mise en place des lois qui répriment le monopole.

Le ministère du Commerce s’explique
Venant Ngendabanka, directeur général du commerce au sein du ministère du Commerce, du transport, de l’industrie et du Tourisme (MCTIT), admet que certains secteurs sont monopolistiques.

Il regrette que cette situation entraîne de nombreuses conséquences dont la rareté de certains produits et la spéculation. Selon lui, le ministère en charge du Commerce veille au respect strict des prix et certaines industries qui haussent les prix ont été obligés de garder les anciens prix. « Vous l’avez vu récemment pour Buceco ».

Désiré Musharitse, directeur général de l’Agence pour le développement du Burundi (ADB), tranquillise : « Cette situation va bientôt changer avec l’implantation de nouvelles industries. »

Il fait savoir notamment que les négociations sont en cours pour l’implantation de deux industries de cimenterie et deux industries pour la production des engrais chimiques.
D’après la porte-parole du ministère en charge du Commerce, son ministère est à l’œuvre et un code des investissements a été mis en place pour promouvoir les investissements.

Elle espère qu’avec les avantages qu’offre ce dernier, les investisseurs vont injecter leur argent dans différents secteurs et cela permettra de mettre fin au monopole qui s’observe dans différents secteurs.

Forum des lecteurs d'Iwacu

3 réactions
  1. giti

    De tous les cas cités plus haut, le cas de l usine FOMI et l’entreprise Interpetrol me paraissent les plus aberrants.
    1) On donne sciemment des devises à seulement INTERPETROL. Cette entreprise avait été pourtantcondamnée il y a peu pour malversations (Ministre du commerce Gahungu)
    2) La qualité des engrais FOMI est sujette à caution. Mais personne n’a le droit d’importer d’autres engrais. Les engrais standards: Urée, NPK ou KCL

  2. Stan Siyomana

    1.Vous écrivez: « Pour lui, ces entreprises ont tendance à fixer unilatéralement les prix de leurs produits sans concertation avec les consommateurs et en faisant même fi des recommandations de l’autorité … »
    Mon commentaire
    Le Burundi essaie tant bien que mal de libéraliser son économie, donc le prix va être fixé par le jeu de l’offre et la demande.
    « En dehors de cas particuliers, plus le prix augmente, plus la quantité offerte augmente et plus la demande diminue. Le prix d’un bien est considéré comme une quantité d’équilibre dépendant en particulier de l’offre et de la demande.
    Ce principe empirique s’appelle la loi de l’offre et la demande. Cette loi est souvent généralisée par une loi des marchés, dénomination utilisée pour désigner la loi qui régit un marché, avec ou sans intervention de l’État… »
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Offre_et_demande
    Et puis je ne crois pas que le gouvernement burundais va interdire la construction d’une nouvelle brasserie, nouvelle sucrerie, nouvelle usine textile (si les promoteurs de ces entreprises estiment que le marché burundais est assez grand ou que le pouvoir d’achat du citoyen burundais lambda est assez grand pour acheter leurs produits/services).

  3. Mbavu

    2 questions:
    1) Pourquoi est il défense d’importer des engrais au Burundi?
    2) Pourquoi donne t on le monopole à Interpetrol?
    La société vend juste du fuel.
    Les réponses du DG du commerce ne me satisfont pas.

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