Jeudi 10 octobre 2024

Editorial

Une responsabilité de trop

19/04/2024 3
Une responsabilité de trop

« Les décisions prises par la CVR ne sont pas susceptibles de recours juridictionnels. » C’est la disposition de l’article 11 du projet de loi portant réorganisation et fonctionnement de la Commission Vérité et Réconciliation analysée par l’Assemblée nationale et le Sénat au cours de leurs séances respectives du 8 et 17 avril. Dans son exposé des motifs, le ministre de la Justice a déploré que 35 mille dossiers avaient été ouverts par la Commission Nationale des Terres et autres Biens (CNTB). Ces derniers n’ont pas été clôturés alors que le mandat de cette institution est venu à terme depuis le mois de mars 2022. « Il s’est donc avéré la nécessité d’instaurer un mécanisme de gestion de ces dossiers dans l’esprit de la réconciliation. La CVR remplit toutes les normes requises pour traiter ce genre de dossiers. » Elle a expliqué que la gestion de ce genre de dossiers ne peut être laissée aux juridictions ordinaires au regard des principes du mécanisme de la justice transitionnelle qui diffèrent des principes procéduraux devant les juridictions ordinaires.

Ce projet de loi a suscité moult réactions. « Doter la CVR des compétences de rendre des décisions non susceptibles d’aucun recours sur une matière aussi sensible que les terres des Burundais est une véritable consécration de l’arbitraire au mépris des dispositions constitutionnelles qui sont pourtant claires », estime Maître Janvier Bigirimana. Pour Térence Mushano de l’AC-Cirimoso l’interdiction des recours juridictionnels contre les décisions de la CVR pourrait avoir des conséquences importantes pour la résolution de ces litiges et pour garantir les droits des propriétaires fonciers.

Par ailleurs, la Commission Vérité et réconciliation n’est pas un organe judiciaire. Il s’agit plutôt d’un organe technique dont les missions sont d’enquêter et d’éclairer les Burundais sur les périodes sombres que le pays a traversées. « Elle vise à trouver une voie non pénale pour résoudre des conflits nationaux profonds et ayant donné lieu à des violences graves. Il s’agit d’obtenir la vérité, à défaut de pouvoir rendre justice », explique un expert de la justice transitionnelle. Plus d’un estime que la nouvelle tâche lui confiée est de trop et ne rentre pas dans ses missions. Selon des sources proches de l’institution, la CVR manque des ressources financières et humaines suffisantes. En guise d’exemple, il était prévu des démembrements au niveau des provinces et des communes. Mais, seuls les commissaires basés à Bujumbura doivent sillonner tout le pays. C’est aussi le constat que fait Vianney Ndayisaba de l’Aluchot qui estime que les réalisations de la CVR restent en dessous de 50%. « Elle n’a déjà travaillé que sur la seule période de 1972-73 alors qu’elle est censée mener ses enquêtes depuis la période coloniale ». D’autres questions se posent. C’est notamment la compétence de la CVR en matière de contentieux.

Les nouvelles missions accordées à la CVR risquent d’être aux antipodes de son objectif qui consiste à la fois à chercher la vérité et à s’assurer la réconciliation des parties. Elle va aussi se disperser et risquera de ne rien mener à terme. « Qui trop embrasse, mal étreint », dit-on.

Forum des lecteurs d'Iwacu

3 réactions
  1. hakizimana jean capistran

     »and if they don’t do their job and satisfy the people they represent, they can get voted out of office in the next election ».
    Les burundais sont avancEs sur certaines choses mais je pense qu,en ce qui concerne le  » vote sanction », on y pas encore!

  2. hakizimana jean capistran

    Lorsque les choses ne sont pas claires et que l’on y peut rien, on aime dire » accordons le benefice du doute ». Cela etant, avec cette nouvelle mission, le probleme sera que la CVR risquera de ne pas avancer dans sa premiere mission puisqu’ il y a le volet justice qui s’invite et plus d’un resteront sur leurs soif de savoir la verite dans son entiertE. D’ailleurs, je trouve qu’il faudrait dans ces conditions modifier son appellation pour devenir  »Commission Verite, Justice et Reconciliation » (CVJR). Voila ce qui aurait ete l’une de mes propositions d’amendement si l’initiative populaire etait reconnue au burundi A cote de l’initiative gouvernementale et parlementaire.

    • Stan Siyomana

      @hakizimana
      1. Vous ecrivez:« Voila ce qui aurait ete l’une de mes propositions d’amendement si l’initiative populaire etait reconnue au burundi A cote de l’initiative gouvernementale et parlementaire… »
      2. Mon commentaire
      Aujourd’hui au Burundi, il y a des hauts dirigeants qui donne leurs numeros de telephone au grand public. Donc je m’imagine que le citoyen burundais lambda pourrait communiquer avec le « representant du peuple »/parlementaire si quelque chose ne va pas dans la societe burundaise.
      Aux Etats-Unis, il arrive que des activistes demandent que les gens entrent en contact avec leur « representant du peuple »/congressman. J’en suis temoin car, il y a plusieurs annees, pour m’aider, mon professeur a ecrit une lettre a l’un des deux senateurs qui representaient l’Etat ou se trouvait mon universite (mais je ne sais pas si le senateur a reellement intervenu pour resoudre mon probleme).
      « When you come across an issue you feel strongly about, instead of yelling at the television, you can actually do something about it–write your Congressman.
      “Why should my Congressman care what I think?” you may ask. Well, you are one of their constituents–that makes it their job to represent you in government. They work for you, and if they don’t do their job and satisfy the people they represent, they can get voted out of office in the next election.
      The First Amendment to the US Constitution guarantees the right of all citizens to communicate with their elected representatives:.. »
      https://www.artofmanliness.com/skills/how-to/how-to-write-your-congressman/#:

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