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Affaire Manirumva : perpétuité pour Ndayizamba, le ras-le-bol de la défense

05/05/2013 Commentaires fermés sur Affaire Manirumva : perpétuité pour Ndayizamba, le ras-le-bol de la défense

La Cour d’appel a confirmé la condamnation à perpétuité pour Hilaire Ndayizamba et pour deux autres prévenus. Pour l’avocat du principal condamné, ce jugement prouve une fois de plus l’incompétence de notre justice gérée par l’exécutif.

<doc7026|right>« Nous restons courageux pour porter cette affaire en cassation en espérant que d’ici là, la justice burundaise aura retrouvé l’image qu’on attend d’elle » a déclaré Isidore Rufyikiri, avocat de l’homme d’affaires Hilaire Ndayizamba dans le dossier dit « Ministère public contre Hilaire Ndayizamba et consorts». L’avocat de la défense a, une fois de plus, relevé les incohérences de cette affaire et la mauvaise foi de la justice, puisque la Cour d’appel de Bujumbura, siégeant en instance de recours, a confirmé la condamnation à perpétuité de son client, et de deux autres prévenus. Cette même cour a diminué les peines des autres prévenus, passant de la perpétuité à 20 ans, tandis que d’autres encore étaient libérés.

Pour Me Rufyikiri, la cour s’est basée sur les allégations du ministère public selon lesquelles les affirmations d’Hilaire Ndayizamba contenaient des contradictions. Selon le principal témoin du ministère public, un certain Ange Irambona, Hilaire Ndayizamba a menacé feu Ernest Manirumva (ex-numéro 2 de l’Olucom et cadre à l’Autorité de Régulation des Marchés Publics), et il a échangé des appels incessants avec la victime quelques instants avant sa mort. D’après ce témoin, qui n’a jamais comparu en audience publique, il existait un conflit entre Ernest Manirumva et Hilaire Ndayizamba, d’où l’intérêt à le tuer.

« Tout en constatant l’absence totale de preuves à l’appui de ces accusations, la cour a pourtant condamné Hilaire Bdayizamba », s’indigne son avocat. Pourtant, s’étonne-t-il, elle a reconnu la demande de la défense au ministère public d’apporter la moindre preuve de sa culpabilité.

"Une accusation sans preuves" …

La défense de Ndayizamba a notamment demandé la démonstration du mobile du crime, la preuve des contacts entre Hilaire Ndayizamba et Gabriel Nduwayo, alias Sésé, visant le complot d’assassiner Ernest Manirumva, la preuve de la promesse de paiement de 5 millions d’un groupe de démobilisés, la preuve des menaces proférées par Ndayizamba à l’égard de Manirumva ainsi que la preuve de la relation de cause à effet entre les appels téléphoniques et la mort d’Ernest Manirumva. « Le ministère public en a été totalement incapable, et n’a pas pu amener à la barre son unique témoin dont le témoignage n’est valable que s’il est public », ajoute le bâtonnier.

Le mobile du crime n’est toujours pas établi, il pourrait même être… inexistant ! En effet, le dossier d’Hilaire Ndayizamba n’est arrivé sur le bureau d’Ernest Manirumva que deux mois après sa mort, et le premier jugement avait douté des relations entre les deux hommes. Pourtant, on omettant ce manque de mobile, il en a seulement conclu qu’Hilaire Ndayizamba a menti en affirmant être en relation avec la victime.

Quant aux appels de la nuit du crime, les qualifier d’ « incessants » semble exagérer. Il n’y a eu que trois : deux du prévenus à la victime, et un d’Ernest Manirumva au prévenu. « Pourtant, le premier juge, confirmé dans ses dispositions par celui d’appel, n’a pas eu froid aux yeux pour conclure, après un échafaudage de motivations aussi obscur que sibyllin, que le prévenu Hilaire NDayizamba n’était pas ami avec la victime et ne manquait pas de mobile pour vouloir sa mort », poursuit Me Rufyikiri.

D’incohérences en condamnations gratuites

Dans cette affaire, le ministère public accusait Gabriel Nduwayo d’avoir reçu 5 millions d’Hilaire Ndayizamba pour mettre en place un groupe de démobilisés afin qu’ils prennent le dossier d’avenant du prévenu Ndayizamba dans le bureau d’Ernest Manirumva et de le tuer. Ce que Sésé a toujours nié. Par ailleurs, aucun prévenu n’a jamais déclaré une quelconque relation avec le prévenu Ndayizamba. Pourtant, Sésé a vu sa peine diminuer, passant de la perpétuité à 20 ans. Sans vouloir l’accuser, on peut pourtant être étonné puisque le Code pénal punit de la même peine le meneur et les participants au crime. Ndayizamba aurait-il donc exécuté lui-même Ernest Manirumva ? Puisqu’il n’existe aucune relation établie entre le prévenu Ndayizamba et les autres deux autres prévenus condamnés à la réclusion à perpétuité, ce qui est troublant.

Autre fait étonnant : les trois personnes qui, selon l’accusation, étaient de garde au bureau de Manirumva cette nuit-là et qui auraient donc laissé entrer dans le bureau la victime et ses assassins, ont été relâchées. Logiquement, ils devraient connaître l’identité des tueurs. On peut se demander s’ils n’ont pas monnayé leur libération.

De toute façon, indique Me Rufyikiri, une fois de plus, un jugement vient de condamner gratuitement des personnes sans preuves minimales ni indices matériels de culpabilité. Pour lui, ni le ministère public, ni le premier juge ou celui d’appel, personne n’a eu le courage de chercher la vérité, préférant accuser des innocents pour protéger les probables vrais criminels. « C’est la conséquence d’une justice où les juges sont nommés et gérés par l’exécutif, lui-même prédateur principal des droits humains. »

Dans son arrêt dans l’affaire opposant le ministère public et Ndayizamba Hilaire et consort, la Cour d’appel a déclaré non fondé l’appel interjeté par Hilaire Ndayizamba, Nduwayo Gabriel , alias Sésé, Albert Sibomana, Joseph Ntirampeba, alias Birara, Obède Ndikuriyo et Jean Claude Ciza. Partiellement fondé pour Déo Bigirimana, Léonard Nkurunziza, Rugerinyange Herménégilde, et fondé pour Bigirindavyi Prosper Mérimée. La cour confirme le jugement des prévenus Hilaire Ndayizamba, Obède Ndikuriyo et Jean Claude Ciza. Elle atténue la peine de Gabriel Nduwayo, alias Sésé,Albert Sibomana et Joseph Ntirampeba et les condame à 20 ans de service pénal principal. Quant aux prévenus Déo Bigirimana, Herménégilde Rugerinyange et Léonard Nkurunziza et les condamne à atrois mois de servitude pénale. Déclaré non coupable, Prosper Mérimée Bigirindavyi est acquitté.

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