Vendredi 11 octobre 2024

Sports

Sport – Interview exclusive avec Adolphe Rukenkanya :« Pour l’intérêt de l’athlète, il faut privilégier le dialogue ».

18/05/2023 3
Sport – Interview exclusive avec Adolphe Rukenkanya :« Pour l’intérêt de l’athlète, il faut privilégier le dialogue ».

Le 3 mai, après que le CNO ait transmis aux fédérations la liste des athlètes en train de se préparer pour les JO 2024 de Paris, le président de la FAB et certains athlètes, parmi lesquels Francine Niyonsaba ont crié à l’injustice. Motif : ils accusent le CNO du manque de soutien et une opacité dans l’attribution des bourses de la solidarité olympique. De futiles querelles, fustige, l’ancien ministre des Sports, ancien Chef de délégation burundaise lors des JO de 1996.

Votre réaction par rapport aux différends entre le Comité National Olympique et la Fédération Burundaise d’Athlétisme.

D’un côté, c’est une bonne chose, parce que cela montre à suffisance que l’espace sportif n’est pas verrouillé. Qu’il y a une certaine démocratie au sein du mouvement olympique burundais, les sportifs peuvent s’exprimer librement. D’un autre, ceci ne peut que traduire un malaise. Et au vu de la tournure que sont en train de prendre les évènements, il importe que les parties prenantes s’asseyent ensemble pour vider leurs différends. Avec les JO de Paris en 2024 qui approchent à grands pas, je pense que cet épisode devrait être un point de départ pour amorcer un débat. Ceci dans l’optique non pas opposer mais de rassembler. Ainsi, tirer les conclusions qui puissent être bénéfiques pour le mouvement olympique burundais.

Mais, les accusations du président de la Fédération d’athlétisme du Burundi (FAB) sont très graves…

Certes, je peux comprendre la colère et l’indignation du président de la FAB. Effectivement l’athlétisme reste la discipline pourvoyeuse de médailles pour le pays. Mais, il ne faut pas oublier que le CNO dans ses prérogatives s’occupent des autres fédérations.

Sachant que l’attribution des bourses de la solidarité olympique se fait sur base de critères objectifs, notamment la fameuse table de performance internationale, après approbation de la liste des athlètes bénéficiaires par la FAB, je pense qu’un terrain devrait être trouvé en privilégiant le dialogue. Ceci dans l’intérêt premier de l’athlète.

Le président de la FAB accuse le CNO de ne pas s’impliquer davantage pour plaider la cause de Francine Niyonsaba. Votre commentaire.

En effet, avec la décision de l’IAAF (fédération internationale) de suspendre des athlètes dits transgenres et intersexués, Francine n’a pas été épargnée. A vrai dire, un débat qui fait couler beaucoup d’encre et de salive. Pour votre information, vous saurez que plusieurs études ont déjà été commanditées par l’IAAF. Tribunal arbitral du sport, Cour européenne, Onu, juristes, scientifiques de renommée internationale, etc. Tout ce beau monde s’y est déjà penché pour arriver à cette conclusion : seul le taux de testostérone comme indicateur peut être considéré pour identifier les athlètes par rapport à la norme physiologique.

La bonne nouvelle, c’est qu’avec l’actuel règlement au lieu de 2 ans, l’athlète peut maintenir à 6 mois son taux de testostérone. Un assouplissement, théoriquement qui permet à Francine de pouvoir être en forme avant les JO 2024 de Paris. La question : au vu de son esprit vindicatif, va-t-elle s’astreindre à prendre ces médicaments qui affectent son organisme et ses rendements sur le plan sportif. Tout ceci, pour vous dire que la FAB n’a aucune raison de condamner le CNO, parce que le débat a été mené au plus haut niveau.

Dans sa correspondance, le CNO a reproché la FAB d’une absence de la circulation d’information parce que les clubs ne font pas partie de l’Assemblée générale. Qu’en dites-vous ?

Une situation qui importe d’être changée. Certes, il arrive des fois, où les associations provinciales sont des ensembles vides. A chaque province, on lui offre sur plateau la possibilité de siéger à l’assemblée générale quand bien même cette province ne brille pas forcément par le nombre de clubs qui y évoluent. Ce qui fait de facto que l’on se retrouve des fois avec une province abrite plus de 5 clubs d’athlétisme avec une personne et une voix. Laquelle association va siéger avec une association qui ne compte qu’un club d’athlétisme. Les clubs qui sont les chevilles ouvrières doivent avoir une place de choix dans l’organigramme de la fédération. Qu’une association provinciale compte un club ou deux, l’essentiel, c’est de leur donner de la voix, un espace pour faire entendre leurs doléances. Parce que ce sont ces clubs qui sont les vrais acteurs peu importe leur importance du point de vue des résultats.

Vous avez été chef de délégation lors des JO d’Atlanta en 1996, qu’en est-il des allégations selon lesquelles le chef de la délégation burundaise lors des JO de Tokyo en 2021 ne se serait pas suffisamment activé pour plaider la cause de Francine qui venait d’être disqualifiée …

D’après M.Rukenkanya , Francine pouvait, elle-même introduire une réclamation,sans pour autant attendre le chef de la délégation

Un procès de très mauvaise intention. L’athlète, elle-même pouvait réclamer, tel que le stipule bien le règlement. En effet, il est dit qu’une fois la compétition terminée, l’athlète de façon préliminaire, peut introduire la réclamation ou toute autre personne (coach, président de la fédération) parlant au nom de l’athlète. Il faut savoir que par définition, le chef de mission supervise toute la délégation, participe dans différentes réunions, à tel point que quand une ampoule est endommagée dans une des chambres d’un membre de sa délégation, celui qui doit formellement le signaler. Tout cela pour dire qu’il ne reste pas les bras croisés à s’occuper seulement des athlètes qui concourent sur piste. C’est dommage que Francine n’ait pas eu cette inspiration. Sinon, à mon avis, le chef de la délégation ne doit pas en porter les responsabilités.

Votre commentaire par rapport à la récente naturalisation de Thierry Ndikumwenayo ?

Il faut savoir qu’un athlète qui remporte une médaille, sur le coup, acquiert un statut, un titre social qui va avec. Surtout que lorsque tu gagnes, il y a toujours une enveloppe consistante à la clé. Ceci pour dire que lorsque tu sens que ton talent n’est pas reconnu à la juste valeur et qu’un autre pays te fait les yeux doux, avec des avantages qui vont avec, il est tout à fait légitime qu’un athlète puisse avoir changer de nationalité.
Pour le cas, de notre pays, sans plan réinsertion socio-économique des athlètes après leurs carrières, il y a ce risque. Parce qu’aucun d’eux ne va pas passer toute sa vie à courir sur les pistes. Pour revenir au cas de Thierry, au lieu de condamner, cela devrait interpeller les parties prenantes (ministère, CNO, FAB), ainsi s’asseoir ensemble et trouver des réponses concrètes. Sinon, je ne doute pas qu’il y aura d’autres Thierry.

Plus d’une dizaine d’athlètes burundais issus de la FAB, s’entraînent actuellement en Italie. Une bonne nouvelle ?

Il faut savoir que la plupart des fois, les athlètes vont à l’étranger pour deux raisons : s’entraîner et gagner au plus vite un peu d’argent. Mais sur le plan de la préparation proprement dite, il n’est pas évident qu’elle soit la meilleure. La préoccupation des managers qui les accueillent, c’est leur condition physique. Leur obsession, c’est qu’ils puissent directement se retrouver sur pistes. Pour ces managers, nos athlètes sont des produits à vendre. Être en bonne forme physique pour directement rapporter de l’argent dans les meetings. Leurs préoccupations ne sont pas de les préparer pour les grandes compétitions internationales susceptibles de rapporter des médailles pour le pays. Au lieu de « se jeter des pierres », le CNO et la FAB doivent initier des camps d’entraînement de façon à les préparer de façon optimale en vue de grandes échéances. Les exemples à s’inspirer ne manquent pas, regardez au Kenya, en Ethiopie, partout la politique est celle-là, et les résultats sont plus probants. Le plus important, c’est que l’accent doit être mis sur la détection des talents, en organisant une structure qui permettent aux jeunes de vite éclore au plus haut niveau. Souvenez-vous des compétitions scolaires, c’est à travers ces dernières que des jeunes tels que Dieudonné Kwizera, Venuste Niyongabo ont été détectés.

Propos recueillis par Hervé Mugisha

Forum des lecteurs d'Iwacu

3 réactions
  1. Evode Kinama

    Soyons sérieux,Francine est un homme.C’est malhonnête de faire croire l’inverse.Le physique de Francine trahit.Les athlètes femmes à travers le monde se retrouvent avec des hommes déguisés en femme et une bonne partie de ces déguisés sont du continent afrcain.Est-ce le manque de moyens qui nous pousse à ces mensonges?S’il y a des personnes hermaphrodites qui veulent compétir alors il doit y avoir une équipe d’hermaphrodites pour ne pas mélanger les genres parce que cela n’est pas juste envers les femmes authentiques.Francine pourra alors trouver la bonne catégorie pour faire ses activités.

  2. Muda

    M. Adolphe parle d’un sujet qu’il maîtrise parfaitement. C’est à son honneur. Un passage qui m’intrigue est cette option ouverte aux athlètes féminins comme Francine de s’astreindre à prendre des médicaments pour baisser leur taux de testosterone pour pouvoir compétir. Est-ce juste? Le mot juste peut s’entendre comme faire du bien. Ainsi, une personne est juste par exemple quand elle aime Dieu, quand elle aime son prochain et quand elle s’aime. Dans cette veine, si Francine s’aime réellement, se ferait-elle du bien en se faisant administrer des médicaments dont elle ne connaît aucune conséquence sur le plan de sa santé? Sur un sujet comme celui-ci, la prudence est de mise. A sa place, je m’abstiendrai totalement de me soumettre à cette médication honteuse malgré que le coût d’opportunité (renoncement) soit élevé. En ce faisant, je serai juste envers moi-même car je ne me rendrai que du bien, cqfd!

    • Gugusse

      Compétir? Comment se conjugue ce verbe?

      Je compétis
      Tu compétis,..

      O.K. Je m’arrête là.

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