Samedi 27 avril 2024

Politique

Secousses au sein du FNL de Jacques Bigirimana

03/11/2020 Commentaires fermés sur Secousses au sein du FNL de Jacques Bigirimana
Secousses au sein du FNL de Jacques Bigirimana
Jacques Bigirimana

Des responsables du parti ont été emprisonnés après avoir rédigé une pétition. Au travers de celle-ci, ils parlent d’une crise de leadership et dénoncent des manœuvres dictatoriales de la part de Jacques Bigirimana.

17h40. Nous sommes au siège national du parti FNL. La pièce est archicomble. Jacques Bigirimana, président du parti, a convoqué le bureau politique et le comité exécutif. « Etes-vous pour la lettre rendue publique par ceux censés représenter le parti au niveau provincial ? leur demande-t-il ? Nooonn », lui répondent-ils.

Comme un enseignant qui s’adresse à ses élèves, M. Bigirimana leur demande de se prononcer pour ou contre les instances actuelles du parti. Ils répondent par la positive.

Il enchaîne la charge contre la pétition. « Etes-vous pour un congrès extraordinaire ? Noooonnn », déclarent en chœur les membres du bureau politique et du comité exécutif. « Il a déjà eu lieu !! », lance même une femme dans la salle.

Et de cibler directement les pétitionnaires. « Ceux et celles qui ont signé la lettre en avaient-ils l’autorisation ? Ce à quoi les convoqués ont répondu non unanimement.

Dans la salle, Jean Bosco Sezibera, représentant, a, entretemps, présenté « ses excuses » face caméra et a avoué « avoir été induit en erreur ».

La lettre qui a mis le feu aux poudres

Dans une lettre du 16 octobre 2020, envoyée au président du parti FNL, Jacques Bigirimana, des représentants provinciaux ont demandé une convocation d’un congrès extraordinaire qui va mettre en place une nouvelle structure du parti, « après avoir constaté plusieurs irrégularités politiques. » Ces représentants provinciaux estiment qu’en date du 10 octobre 2020, en présence du comité exécutif, du bureau politique et des représentants provinciaux, Jacques Bigirimana a tenu un discours de démission indirecte et apolitique.

Selon eux, il a montré des signes de fatigue et d’incompétence. « Vous avez dit que le président principal du parti FNL est mort et que nous restions orphelins car il était le seul patron du Parti FNL et que pour le moment vous n’êtes pas capable de diriger, d’assurer les responsabilités politiques du parti FNL et de défendre les autres intérêts politiques du parti. » D’après ces représentants provinciaux, Jacques Bigirimana a ajouté que chacun pourrait prendre le chemin qu’il voudra. Il a également dit, d’après les signataires de la lettre, qu’il ne veut pas des dérangements téléphoniques venant des leaders du parti notamment les représentants provinciaux et communaux et que ces derniers peuvent fermer toutes les permanences de leurs localités. « Vous avez dit que l’existence des permanences n’est plus nécessaire et que le parti FNL peut vivre sans membres actifs».

Ces représentants provinciaux assurent également que, lors des réunions, Jacques Bigirimana ne tolère pas d’échanges d’idées et s’adonne plutôt à un exposé. Il affiche aussi du mépris à leur égard. « Vous leur dites que vous avez atteint un niveau de richesse qui ne chutera plus, comme quoi ces représentants du parti dans divers coins du pays ne valent rien devant vous».

Chaque fois qu’un leader du parti avance une idée contraire dans la réunion ou en dehors de la réunion, poursuivent-ils, vous l’intimidez farouchement en disant que vous allez lui casser la tête ou l’emprisonner soi-disant que vous êtes fort dans ce pays. « On se demande comment on peut coopérer avec un supérieur qui n’a ni considération ni soucis envers les leaders de notre parti». Et de demander aux forces de l’ordre de protéger les signataires de cette lettre.

Décision d’exclusion

Une semaine après la rédaction de la pétition, les signataires ont reçu une lettre d’exclusion.

Dans ladite lettre, les pétitionnaires sont accusés d’usage abusive du cachet du parti, d’insubordination, de calomnie et d’insultes vis-à-vis des dirigeants.

Le président Jacques Bigirimana a dit également se référer aux statuts du parti qui en leur article 51 stipulent que l’initiative de convoquer tout congrès national appartient au président du parti.

Arrêtés pour avoir pétitionné contre leur président

Siège du parti FNL à Bujumbura

Prosper Nijimbere, représentant du FNL en province Bujumbura, a été arrêté le 22 octobre dernier. Jean Bosco Sezibera, représentant du parti à Kirundo, a été arrêté après un interrogatoire de la part du responsable des renseignements. « C’est une véritable chasse à l’homme qui doit cesser immédiatement », a indiqué Gaddy Nsengiyumva, le représentant du parti à Cibitoke, lui aussi signataire.

D’après lui, ces arrestations seraient orchestrées par Jacques Bigirimana, président du FNL, dont les signataires de la lettre dénoncent des manœuvres dictatoriales.

Il s’inscrit également en faux contre la décision « arbitraire et unilatérale » de les exclure du parti. Selon le représentant du parti à Cibitoke, rien ne justifie cet état de fait alors que l’envoi de la lettre a suivi les procédures normales conformément à la réglementation en vigueur.

Pour Jacques Bigirimana, l’arrestation de ces représentants du parti n’a rien avoir avec les signatures apposées sur la lettre qui lui a été adressée. Ils sont poursuivis, dit-il pour utilisation abusive du cachet du parti FNL et faux et usage de faux. Il explique que seul le président et le secrétaire du parti ont droit d’utiliser le cachet du parti.

Cette accusation est vivement contestée par les concernés qui dénoncent une tentative de diversion. Gaddy Nsengiyumva, représentant du parti à Cibitoke, fait savoir que chaque représentation provinciale du parti a un cachet mis à sa disposition par la représentation nationale.

Concernant l’article 51 que les pétitionnaires sont accusés d’avoir violé, Gaddy Nsengiyumva se dit indigné : « L’objet de notre lettre était justement de demander au président de convoquer un congrès extraordinaire car, en effet, nous n’avions pas le pouvoir de convoquer une telle réunion.»

M. Nsengiyumva assure également que l’ensemble des présidents du parti au niveau provincial était en voie de signer la pétition, n’eût été l’intimidation dont ils ont été l’objet. « Plutôt que de nous rayer des listes du parti, mieux aurait fallu que justice soit faite et que tout contrevenant à la loi soit sanctionné », a dit Gaddy Nsengiyumva.

Le navire de Jacques Bigirimana tangue dangereusement

2/3 des représentants provinciaux du parti ont signé la pétition. Le président du FNL a beau vouloir mettre cette lettre sous le tapis, il n’en reste pas moins qu’elle révèle un malaise au sein du parti. Durant ces derniers jours, Jacques Bigirimana n’a jamais réagi sur le fond, notamment le gros souci de leadership que lui reprochent ses représentants provinciaux.

Optant de réagir sur la forme, il s’est vite dépêché de mettre à la porte les signataires. Ce qui confirme un autre aspect pointé du doigt dans la lettre : le directeur Général de l’OTB a du mal avec la contradiction.

Pire, usant de ses liens avec le système politique en place, il a fait mettre sous verrous le représentant du parti dans la province Bujumbura tandis que celui de Kirundo a dû présenter des excuses face caméra, à peine quelques jours après un interrogatoire au SNR.

Pour le moment, le leader du FNL s’est tiré d’affaire. Mais jusqu’à quand ? Un dialogue franc et ouvert, plutôt que l’usage de la force, permettrait de sauver le navire FNL de Jaques Bigirimana qui tangue dangereusement.

FNL

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