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Interview avec Me Joachim Sendege Senyondo :  » Je me suis déjà engagé et je ne peux plus reculer « 

05/06/2013 Commentaires fermés sur Interview avec Me Joachim Sendege Senyondo :  » Je me suis déjà engagé et je ne peux plus reculer « 

Iwacu a rencontré Me Joachim Sendege Senyondo, qui a défendu [le Burundi dans l’affaire de la dette ougandaise envers l’Ouganda.->http://www.iwacu-burundi.org/spip.php?article1681] <doc2543|right>{Comment êtes-vous devenu l’avocat du gouvernement burundais dans l’affaire du dossier de la dette ougandaise ?} En 1995, l’ambassadeur du Burundi à Kampala m’a demandé de suivre le dossier en rapport avec la dette ougandaise. Entre le 10 et 12 juillet 1995, le ministre burundais des Finances de l’époque m’a invité à Bujumbura pour échanger sur cette affaire. Le passeport que j’ai utilisé pour voyager est toujours disponible. Quiconque a des doutes peut le vérifier. {Puisque le gouvernement burundais a engagé un avocat, est-ce à dire que Kampala ne voulait pas payer sa dette ?} Les deux parties ne s’entendaient pas sur quel taux de change utilisé pour calculer le montant exact. En outre, certaines marchandises n’avaient pas été enregistrées au moment de la livraison. Cette situation nécessitait absolument un avocat. Les commerçants qui avaient fourni leurs marchandises avaient été payés par le gouvernement burundais. Ce dernier s’était alors engagé à poursuivre les négociations pour que l’argent soit versé. Néanmoins, le Burundi avait réclamé en vain cet argent pendant neuf ans. Le 12 juillet 1995, nous avons signé un contrat avec le ministre Salvator Toyi stipulant que je gagnerai 4% de l’argent que le gouvernement burundais aura reçu. J’ai alors commencé à travailler jusqu’à constituer un dossier complet. {Vous avez quand même perçu un peu d’argent pour les déplacements et pour la constitution du dossier…} Je n’ai rien reçu. J’ai seulement utilisé mon argent. Et pourtant, je me déplaçais jusqu’à Bujumbura. Je recevais, à Kampala, plusieurs délégations venues du Burundi. Quelquefois, je prenais même en charge leur séjour. En 1998, Astère Girukwigomba, alors ministre des Finances, est venu à Kampala avec une délégation de plusieurs personnes. Nous sommes allés voir ensemble Joachim Mayanja Nkangi, ministre des Finances ougandais à l’époque. Astère Girukwigomba a salué tout le travail que j’avais déjà effectué. J’ai toujours lutté jusqu’à ce que le gouvernement ougandais accepte de payer la dette. {Pourquoi le gouvernement burundais ne vous a pas alors payé ?} Tout a commencé avec le pouvoir du CNDD-FDD. Le 10 novembre 2005, il a voulu m’écarter en demandant à Picfare une somme de 3 millions de dollars à mon insu. Il ne voulait pas que je perçoive les 4% comme convenu dans le contrat. Quand je l’ai su, en 2006, je suis allé au ministère des Finances à Bujumbura. J’ai été accueilli par Joseph Ndayikeza, alors Chef de cabinet. Et comme je n’ai pas reçu de réponse précise, j’ai donné tout le dossier à Melchior Wagara, Chef de cabinet civil à la présidence. Le Secrétaire permanent au ministère des Finances de l’Ouganda a adressé une correspondance aux autorités burundaises leur signifiant que j’ai aidé le Burundi pour avoir cet argent ; mais que je n’avais pas encore été payé. {Avez-vous alors arrêté les réclamations ?} Pas du tout. Je suis allé à la Deuxième vice-présidence de la République burundaise. Apollinaire Butoyi, Chef de cabinet d’alors, n’a pas compris pourquoi je réclamais cet argent. D’après lui, les cahiers en provenance de l’Ouganda étaient un don pour soutenir la gratuité de l’enseignement au Burundi. Le 30 août 2010, il m’a même donné une lettre m’autorisant à mener des enquêtes approfondies sur cette affaire. ________________________ {> Qui est Joachim Sendege ? Joachim Sendege Senyondo est avocat au barreau de Kampala. Ce septuagénaire est marié et a cinq enfants. Il a fait ses études de droit à l’université de Dar-es-Salaam où il a décroché son diplôme en 1967. Une année après, il est retourné en Ouganda où il a toujours travaillé comme avocat privé. Il a défendu en justice plusieurs sociétés et organismes, tels que Town International Leasign Cooperation, Kampala Lampital City Authority, l’Ambassade de l’Allemagne et l’Eglise anglicane. C’est au vu de l’expérience de cet avocat que l’ambassadeur du Burundi à Kampala l’a approché, en 1995, pour qu’il aide à recouvrer la dette due par l’Ouganda.} ______________________ {Qu’avez-vous constaté alors ?} Je me suis rendu compte que l’argent devait être payé en quatre tranches. Néanmoins, à travers les documents du gouvernement du Burundi et de Picfare, j’ai constaté que cette société avait envoyé un matériel d’une valeur de trois millions de dollars en 2005. Mais ce matériel n’avait jamais franchi la frontière alors que le Burundi affirmait avoir reçu le matériel. Tantôt on écrivait que la société ayant facilité le transport de ce matériel s’appelle SSUNAD TRASNPORTERS LIMITED, tantôt on écrivait SSUNS TRASNPORTERS LIMITED alors que ces sociétés ne sont pas connues. J’ai également remarqué que, le 26 octobre 2006, Denise Sinankwa, ministre des Finances à l’époque, avait écrit une lettre aux responsables de Picfare pour leur demander de fabriquer 300.000 T-shirts de tailles et couleurs différentes pour appuyer le système de gratuité de l’enseignement. Pourtant, à ma connaissance, aucun élève burundais n’a jamais reçu de T-shirt de la part du gouvernement burundais. {Peut-être que vous n’avez pas été payé parce que la convention n’était pas claire?} Elle est plutôt claire et précise. D’ailleurs, le 30 mai 2011, Clothilde Nizigama, ministre des Finances, a reconnu mes prestations en vue du recouvrement de la créance de l’Ouganda envers le Burundi. Elle a précisé que les honoraires convenus, soit 4% du montant recouvré, s’élèvent à 546.830,8 dollars américains. J’ai adressé une correspondance au Président de la République du Burundi ; mais il ne m’a jamais répondu. J’ai engagé Guido Habonimana, un avocat burundais pour suivre l’affaire. Le 11 juillet 2011, il a demandé le versement de ces honoraires sans succès. {Apparemment, aucune des voies de recours n’a abouti. Que comptez-vous faire ?} Puisque le gouvernement du Burundi reconnaît mon travail mais ne veut pas me payer, je vais porter plainte contre lui dans un tribunal international. Dans ce cas, outre les 4%, je vais exiger les intérêts de retard de 21%. Cela revient à dire que le Burundi va perdre beaucoup d’argent. Que les Burundais et la communauté internationale le sachent, ce dossier va coûter beaucoup d’argent au gouvernement burundais parce qu’il ne veut pas me payer à temps. {Est-ce que vous n’allez pas subir de lourdes pertes de votre côté ?} Je me suis déjà engagé et je ne peux pas reculer ; car j’ai déjà utilisé beaucoup d’argent. Même mes deux filles qui ont déjà une maîtrise en droit vont suivre cette affaire. Je ne perdrai rien parce que tout l’argent sera payé par le gouvernement burundais. Historique de la dette ougandaise envers le Burundi D’après des sources à Kampala, le gouvernement burundais a, via des commerçants burundais, aidé la rébellion de Yoweri Museveni qui occupait la région ouest de l’Ouganda, en 1985. « Kampala avait en quelque sorte imposé un embargo à cette région à cause de la rébellion. La région ouest était privée de tout produit en provenance des autres localités», précise notre source. Et d’ajouter que les mêmes commerçants fournissaient, à partir du Burundi, plusieurs choses comme le sucre, les matelas, les vivres et même des armes, selon des sources au Burundi. Ces commerçants avaient la promesse d’être payés un jour. Selon les mêmes sources, ces biens étaient destinés aux combattants mais aussi à la population de cette localité qui les soutenait. D’après des témoignages retenus à Kampala, même d’autres pays comme la Tanzanie ont assisté la rébellion de Museveni à cette époque. Après la guerre qui a consacré la victoire des troupes de Museveni, ces commerçants burundais se sont regroupés dans une association dirigée par un certain Juvénal Kamenge pour réclamer leur dû. Pour sa part, une fois au pouvoir, le président Yoweri Kaguta Museveni a transformé cette aide en une dette nationale parce qu’une partie des citoyens ougandais en avait profité. Le Burundi avait alors entamé le processus de réclamation de cet argent.

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