Jeudi 03 octobre 2024

Société

Un directeur dans la peau d’un élève !

20/08/2018 Commentaires fermés sur Un directeur dans la peau d’un élève !
Un directeur dans la peau d’un élève !
Le directeur déguisé en élève (à droite) et la ministre de l’Education, le jour de son arrestation.

Déguisé en élève lors de l’Examen d’Etat, Benjamin Manirambona, directeur du Lycée Technique de Buterere, vient d’être condamné. Zoom sur cet éducateur qui a laissé perplexe plus d’un.

Tête et barbe bien rasées, en uniforme de lycéen, le directeur du Lycée Technique de Buterere s’est installé au milieu de ses élèves au centre de passation du Lycée du lac Tanganyika, depuis le 7 août. Il a passé le test pendant trois jours. Il ne sera arrêté que le dernier jour de l’examen, vendredi 10 août.

Accusé de faux et usage de faux, falsification de bulletin et fraude des examens et évaluations pédagogiques, il vient d’être condamné à 5 ans de prison et 10 ans de non exercice dans la fonction publique. Complices, un enseignant et un comptable dudit lycée seront condamnés à 2,5 ans de servitude pénale.

Les élèves finalistes dudit lycée parlent d’une surprise totale quand ils ont vu leur directeur en uniforme. « Impuissante, abasourdie, j’ai fait comme si de rien n’était », confie une élève qui était assise sur le même pupitre que lui. « Nous ne l’avons même pas reconnu tout de suite tant il ressemblait à un jeune élève. Il s’était totalement rasé ».

A la veille de l’examen, témoigne un autre élève, le directeur était présent lors de la récupération des numéros de candidature au centre de passation. Et ces élèves de confier qu’ils avaient peur de le dénoncer : « Le directeur est capable de tout. »

Une tricherie et des non-dits…

Benjamin Manirambona (à droite) condamné à 5 ans de servitude pénale et 10 ans de non exercice dans la fonction publique.

Selon la candidate qui était assise à côté du directeur-élève, ce dernier faisait vite son épreuve. Il ne déposait son stylo que lorsqu’il avait terminé, puis remettait sa copie sans aucune tentative de souffler les réponses. Après les épreuves, il enlevait son uniforme pour rentrer immédiatement, d’après les élèves.

Le dernier jour de l’examen, précisent-ils, plusieurs policiers et militaires encerclaient ce centre de passation. Quelques heures après, des mouvements de cadres du ministère de l’Education dans la salle de passation du directeur-élève. Puis la ministre de l’Education, Janvière Ndirahisha, en personne. Le directeur finira dans un cachot ainsi qu’un encadreur du Lycée technique de Buterere qui rôdait dans les parages.

Après son arrestation, Benjamin Manirambona a avoué qu’il passait l’examen pour le compte d’un militaire qui se trouve à l’étranger moyennant. Mais selon des rumeurs, il l’aurait fait pour relever le niveau de son école. Ou pour le compte d’une fille…

Les élèves s’inquiètent

Interrogés, certains élèves finalistes du Lycée Technique de Buterere s’inquiètent du sort qui leur sera réservé après ce scandale. Ils craignent, de surcroît, une mauvaise réputation voire la fermeture définitive de leur établissement.

« Devrons-nous refaire l’examen ? Aurons-nous nos diplômes et les autres documents scolaires ? » Des questions sans réponse. Tout ce qu’ils demandent c’est de ne pas être victimes de leur directeur.
La ministre de l’Education a affirmé, lors de l’arrestation, qu’il est prématuré pour parler d’une fraude qui implique l’annulation de l’épreuve. D’après elle, la tricherie sera constatée au cours de la correction des épreuves.

Ce lycée a été fermé par la police, le lendemain de l’arrestation du directeur, selon les voisins de l’établissement.

Qui est Benjamin Manirambona ?

Originaire de la province Kayanza, commune Muhanga, Benjamin Manirambona était enseignant en informatique des télécommunications au Lycée Technique de Buterere, depuis plusieurs années, avant d’être nommé directeur, il y a quelques mois. Il a fait l’Ecole Normale Supérieure (ENS5) en Maths-physique. Il a terminé les humanités générales au Lycée Mwaro. Ses promotionnaires parlent d’un jeune homme plutôt brillant, surtout dans les sciences. Malhonnête, peu sociable au travail… pour un enseignant du Lycée Technique de Buterere. Plutôt « sympa et bon professeur » pour certains élèves. Mais tous s’accordent pour dire qu’il a un amour démesuré pour l’argent. Depuis qu’il est directeur, il avait l’habitude de demander aux élèves de l’argent non justifié. A la veille de l’examen d’Etat, confie un finaliste, il a collecté une somme de plus de 300 mille BIF auprès de plusieurs élèves (5.000 Fbu chacun) pour « irrégularités de dossier. » Faute de quoi il avait menacé de les rayer sur la liste des candidats. Un enseignant dudit lycée confie qu’il ne payait pas les professeurs régulièrement. M. Manirambona venait de convoler en justes noces, il y a trois semaines, d’après ses proches.

A nos chers lecteurs

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, mais une information rigoureuse, vérifiée et de qualité n'est pas gratuite. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à vous proposer un journalisme ouvert, pluraliste et indépendant.

Chaque contribution, grande ou petite, permet de nous assurer notre avenir à long terme.

Soutenez Iwacu à partir de seulement 1 euro ou 1 dollar, cela ne prend qu'une minute. Vous pouvez aussi devenir membre du Club des amis d'Iwacu, ce qui vous ouvre un accès illimité à toutes nos archives ainsi qu'à notre magazine dès sa parution au Burundi.

Editorial de la semaine

Le secteur de l’éducation peine à attirer

Le Burundi fait face à un sérieux manque d’enseignants. « Le ministère de l’Education a reçu l’autorisation d’engager 630 nouveaux enseignants, soit 5 par commune, sur les 12 000 demandés au gouvernement », a précisé le ministre lors des questions orales au Sénat, (…)

Online Users

Total 3 348 users online