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Sur la route de Kampala

05/05/2013 Commentaires fermés sur Sur la route de Kampala

Des commerçantes burundaises vont acheter des marchandises à Kampala. Une journaliste d’Iwacu a embarqué avec elles. Iwacu vous fait découvrir le courage de ces femmes d’affaires.

<doc4600|left>6 h pile. Nous sommes au marché de Buyenzi, communément appelé « chez Sion » dans le bus Gaaga. Les passagers entrent un à un. Des hommes et des femmes, certaines, des musulmanes sont habillées de la tête aux pieds. D’autres, avec des mouchoirs de tête s’installent doucement. Une femme se lève et prie pour le voyage, pour les passagers et pour leurs familles restés au pays. Après la prière, le bus démarre. Certains passagers commencent à chanter haut et fort des chants religieux. Mais au fil du voyage, les voix commencent à aller decrescendo. C’est la fatigue.

Après deux heures de route, c’est le silence. Quelques passagers discutent à voix basse. Frontière burundo-rwandaise. Tout le monde sort en courant pour faire contrôler les passeports ou laissez-passer. Les femmes, ne pouvant pas courir aussi rapidement que les hommes se retrouvent au bout de la queue. Certaines ne savent pas compléter les fiches exigées, elles doivent demander de l’aide. Quand les formalités sur la frontière sont finies, vient le moment de fouiller les sacs des passagers. Aucun sac en plastic n’entre au Rwanda. Tous les plastics, même un simple emballage de pain ne peut traverser la frontière rwandaise
Après la fouille, on remonte dans le bus très rapidement. Le voyage continue, le bus s’arrête une seule fois au Rwanda, pour donner quelques minutes à ceux qui veulent se soulager.

Gatuna, frontière rwando-ougandaise. Le contrôle est plus rigoureux. On vérifie tout ce qui est écrit sur nos passeports, surtout la signature. Après toutes ces longues heures de voyage, certains ont faim.

A Gatuna, seuls les hommes qui arrivent à se faire contrôler rapidement, eux peuvent avoir du temps pour manger. Les femmes, elles, arrivent à peine à acheter la nourriture. Elle est emballée dans de petits sachets. Puis, dans le bus, se servent avec la main. Quelques deux ou trois heures plus tard, nous nous arrêtons pour permettre à ceux qui en ont besoin de se soulager. Pour se soulager, les femmes doivent aller se cacher très loin et se couvrir de leurs pagnes. Mais le bus commence à klaxonner avant même qu’elles aient terminé. Elles reviennent en courant et le véhicule redémarre.

Nous traversons plus de deux villes de ce pays de Yoweri Museveni. Il fait nuit déjà et certains commencent à s’endormir. Très loin de Gatuna, quelques 7 ou 6 heures après, nous atteignons Kampala. On allume la lumière dans le bus, pour réveiller les gens. Nous progressons encore pour enfin atteindre Katuubo, lieu d’arrivée. Il est 22h 15 min. Nous avons quitté Bujumbura à 6 heures du matin.

Plus de fraternité

Certaines commerçantes ne connaissent pas le milieu, elles comptent sur leurs collègues familières de Kampala. Elles marchent ensemble jusqu’à l’hôtel Bamako, à quelques 15 ou 20 mètres. Elles s’y sentent en sécurité car, d’après elles, le propriétaire est Burundais et la plupart des clients de l’hôtel sont des commerçants originaires de notre pays.
A l’hôtel Bamako, ces commerçantes se sentent comme chez elles. La chambre se loue à 40 mille shillings ougandais (presque 20.000 Fbu, soit autour de 13$). Pour minimiser le coût, elles partagent une chambre de deux lits à deux, à trois ou même à quatre. Elles partagent aussi pour la restauration.

<doc4601|left>Calvaire au marché de Katuubo

7 heures du matin. Direction, le bureau de change pour convertir leur argent en shillings ougandais. Celles qui ne savent pas lire demandent à leurs collègues de les aider à compter, à vérifier. Après, c’est le tour du marché. Elles doivent monter et redescendre les escaliers de ce grand marché en étage de plus de deux niveaux. Très dur, surtout pour les vieilles mamans. De plus, comme ces femmes cherchent des articles variés, elles doivent aller dans tous les recoins du marché. Elles marchent avec leurs marchandises dans les mains. Quand c’est trop lourd, elles mettent les paquets sur la tête. En sueur, elles s’arrêtent juste pour avaler quelque chose. Ces femmes doivent parcourir tout le marché à la recherche des prix les plus bas. Les prix des différentes marchandises à Kampala sont presque la moitié ou le 1/3 de ceux pratiqués à Bujumbura.

Certaines femmes tombent par terre quand elles essayent de monter les escaliers du marché. 19 heures, retour à l’Hôtel, marchandises sur la tête. Certaines doivent prendre le bus à 20 h pour le retour à Bujumbura. C’est le moment de ranger tout ce qu’elles ont acheté et de l’acheminer vers le bus. Le moyen de transport reste la tête.

Un retour difficile

20 heures. Le bus va démarrer. Avant de partir, encore une prière. Certaines femmes ont acheté des objets fragiles. Elles les garderont dans les mains tout le long de voyage. A Gatuna, à part le contrôle des passeports, on doit faire descendre les bagages pour la fouille. Ce sont ces femmes qui devront encore les remonter dans le bus. Nous continuons la route. Le bus s’arrête pour déposer certains passagers à Kigali et pour faire entrer d’autres. De retour sur Kanyaru, le contrôle est plus rigoureux.

Les policiers contrôlent tout, même les sacs à main. C’est compliqué pour ces femmes qui ont peur de déclarer tous leurs achats. Elles font tout pour cacher certaines marchandises. Certains habits neufs sont enroulés autour de leurs tailles, d’autres sont dans leurs sacs à main. Parfois, certaines commerçantes sont attrapées et les policiers confisquent leurs passeports. Elles essayent de corrompre les policiers en vain. On décide d’acheminer leurs marchandises au lieu de dédouanement. Le port de Bujumbura. Le point d’arrivée est toujours « chez Sion ». Il est 11 heures. Celles qui doivent dédouaner se rendent au port de Bujumbura. Là, les procédures ne sont pas aussi faciles : les commerçantes peuvent passer deux ou trois jours sans récupérer leurs marchandises.

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