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Quand l’ignominie se mêle au sublime

05/05/2013 Commentaires fermés sur Quand l’ignominie se mêle au sublime

Le livre récemment traduit du Néerlandais en Français du [journaliste Belge Guy Poppe qui s’intitule « L’Assassinat de Rwagasore, le Lumumba Burundais »->http://www.iwacu-burundi.org/spip.php?article3708][[L’édition française est préfacée par Antoinet Kaburahe et il a été édité par les éditions Iwacu. C’est le second ouvrage édité par cette nouvelle édition nationale.]] recèle un foisonnement d’informations aussi bien sur notre héros national que sur les évènements qui ont entouré son assassinat.

D’autres, sans doute, reviendront sur les circonstances antérieures au crime, ils analyseront le déroulement des deux procès qui s’en sont suivis, ou alors méditeront sur le degré d’implication de la Belgique dans l’affaire.
En toute subjectivité, j’ai préféré m’arrêter à une analyse succincte des attitudes contrastées de nos élites face à l’histoire d’alors.

Les mauvais perdants …

Avec la victoire des communales et la formation du gouvernement intérimaire de Joseph Cimpaye, le Front Commun déguste sa victoire ; ou mieux, savoure les délices de Capoue. Comme Pierrette, dans la fable, les leaders du PDC et leurs alliés construisent des châteaux en Espagne et laissent le terrain aux adversaires. Le réveil ne fût que plus brutal : une écrasante victoire de l’Uprona d’autant plus humiliante qu’elle était inattendue.

Plutôt que de tirer les leçons de cette défaite cuisante, les perdants se rebiffèrent contre les résultats du scrutin. Tout dialogue politique raisonnable et constructif fut coupé. Poussés par la frustration, habités par la jalousie et sans doute aussi encouragés et manipulés par l’administration tutélaire [[Et ce n’est pas le moindre mérite de l’auteur que d’avoir ouvert des pistes de recherche quant à la responsabilité de la Belgique dans cet assassinat.]], ils s’enfoncèrent tête baissée dans une logique pustchiste et meurtrière qui aboutit à la tragédie que nous connaissons.

Savoir gagner, comme savoir perdre …

Perdre en politique n’est pas seulement ne pas gagner des élections. C’est aussi expérimenter des revers qui hypothèquent le programme ou même la vision que l’on a pour son parti et son pays. C’est même voir disparaître injustement les siens…

Lorsque Rwagasore est empêché de concourir aux élections communales de novembre – décembre 1960et qu’il est mis en résidence surveillé, il aurait pu soulever ses partisans et mettre le pays à feu et à sang. Il a préféré prendre son mal en patience et mettre à profit sa disqualification pour discuter avec ses amis politiques et même ses adversaires les plus redoutables[[Rencontre du 4 novembre 1960 avec Jean-Baptiste Ntidendereza venu, avec d’autres, le prier à quitter le jeu politique. Lire à la page 121.]]. Sans doute cet ostracisme fût-il un temps précieux pour méditer et peaufiner sa stratégie de combat consistant à vaincre sans terrasser l’Autre ({Ugutsinda udatsindira ho !})[[Rappelons-nous le merveilleux communiqué signé conjointement avec Joseph Biroli, alors président du PDC, dans lequel ils se promettent un combat chevaleresque respectueux des valeurs de dignité propre à leur éducation et à leurs traditions nationales.]].

Suite à la victoire écrasante du 18 Septembre 1961, le prince a la victoire modeste. Ce qui est remarquable, c’est moins les rumeurs d’une collaboration offerte aux perdants que son invitation pressante aux militants de sa famille politique à se comporter dignement et à éviter toute provocation et toute violence d’où quelle puisse provenir[[Lire à la page 134]]. Encore une fois, notre héros national a évité au pays des scènes de chasses aux sorcières ou une vindicte publique comme on en vivra après sa disparition…

Mais Louis Rwagasore avait sans doute de qui tenir. A l’annonce de son assassinat, le roi qui était aussi le père, s’est aussitôt adressé à ses sujets pour leur dire que la meilleure façon de le consoler et respecter la mémoire de son prestigieux fils, c’est de rester unis et pacifiques. Les élites de cette époque nous montrent un spectacle contrasté dans lequel se mêlent l’ignominie et le sublime.

Si la lecture de ce livre pouvait servir à l’intelligentsia actuelle à opter pour le fair-play en politique, le courage face aux difficultés et la dignité en toutes circonstances, le pari du futur sera gagné.

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