Mardi 19 mars 2024

Sports

Magouilles au sein de la fédération du Taekwondo

Magouilles au sein de la fédération du Taekwondo
Le Burundi risque d’être rayé sur la liste dans les compétitions internationales

Le président de la fédération burundaise de Taekwondo a envoyé en Corée du Sud des non-pratiquants pour des compétitions internationales. La colère et la honte sont immenses au sein de la fédération. Le Burundi ridiculisé.

La FEBUTA, vous connaissez ? Non ? Mais retenez bien ce nom. Il a bien des chances d’entrer dans les annales de l’histoire sportive du Burundi. La FEBUTA, c’est la Fédération burundaise de Taekwondo. Cette fédération s’est illustrée aux compétitions dites Goyang 2022 World Taekwondo Poomsae championships qui se sont déroulées au mois d’avril et juin 2022 en Corée du Sud. Pour avoir remporté des médailles ? Non. Elle a fait mieux : elle a envoyé en Corée du Sud des compétiteurs qui ne font pas du Taekwondo. Génial, n’est-ce pas ? Récit d’une histoire qui ferait rire si elle n’humiliait pas tout un pays.

Abubakari Nshimirimana, Isaac Ndayajemwo, Issa Niynkuru, David Niyonzima, Rich Mpawenimana et Yves Niyonkurusont, les membres de la délégation burundaise de Taekwondo sont donc partis au mois d’avril. La délégation était en règle. Un ordre de mission de participation a été signé par Cyprien Bigirimana, le président de la FEBUTA.  Retenez bien ce nom : Cyprien Bigirimana.

Innocent Ndikumana, le coach national de la FEBUTA est le premier étonné par le casting. Lors de ces compétitions en Corée du Sud, il a été remplacé par d’autres personnes, non-pratiquants du Taekwondo : « J’ai été étonné quand j’ai su qu’il y avait une liste de compétiteurs qui sont partis en Corée du Sud. »

L’assemblée générale de la FEBUTA accuse le président d’envoyer des athlètes non compétiteurs en Corée du Sud en échange d’un pot de vin

Sur cette liste, à la place du coach national, c’est à dire lui-même, il est étonné de trouver un autre nom. Un certain Isaac Ndayajemwo, « coach national. »
La surprise est grande. A ce jour, il n’en revient pas. «  Personnellement, je ne sais pas quoi faire j’attends l’enquête de la commission des litiges et sa décision », dit-il, toujours dépité.

Mais ce n’est pas la fin des surprises. Au mois de juin, une autre délégation est partie en Corée du Sud. Parmi les « Taekwondistes », figure un certain Arthur Kwizera. Tenez-vous bien, M. Kwizera est… trésorier national de la FEBUTA ! Mais il s’envole pour la Corée du Sud en tant que « sportif. »

Cerise sur le gâteau, cette délégation est partie après une assemblée générale de la FEBUTA. Audry Devis Ngabire président de la commission d’arbitrage, Désiré Ciza et Eloi Ndizeye ,tous les deux coachs, avaient tiré la sonnette d’alarme au cours de cette assemblée. Mais cela n’a pas empêché que cet autre groupe parte en Corée du Sud et cette fois-ci avec… le neveu du président de la fédération ainsi que le trésorier !
Pour finir, aucun membre de la fédération burundaise de Taekwondo ne s’est présenté sur le terrain pour les compétitions. Tous se sont volatilisés dans la nature. Le Burundi a perdu par forfait. End of story.


« Ma signature a été imitée, mon cachet piraté »

Face aux accusations, les explications avancées par le Président de la Fédération de Taekwondo ne tiennent pas. Entretemps, le Burundi risque d’être rayé de la liste des pays compétiteurs.

Cyprien Bigirimana : « Ma signature a été imitée et mon cachet piraté.

Face à ces pratiques qui humilient la fédération et tout le Burundi, des questions se posent. Normalement, dans toutes les disciplines, pour participer dans des compétitions internationales, la condition est de passer par des sélections au niveau national. Or, apparemment, le président de la FEBUTA s’arroge le droit d’envoyer des athlètes non-compétiteurs, dénoncent les membres de cette fédération.

L’envoi des athlètes non-compétiteurs n’est pas le seul chef d’accusation portée contre M Cyprien Bigirimana. Il est aussi accusé de s’ingérer dans la gestion des postes qui ne sont pas les siens, de salir l’image de la fédération dans les instances internationales de Taekwondo.
Comme exemple, les membres de la fédération citent la volonté du président de vouloir remplacer le secrétaire général, Edouard Nzambimana, qui n’est pas au pays en raison de maladie. Il jouerait le rôle pour le moment du président et du secrétaire général.

Le trésorier de la fédération avait démissionné en date du 14 juin pour dénoncer « la mauvaise, voire l’inexistante communication au sein du comité exécutif de la fédération burundaise de Taekwondo. »

Dans sa lettre de démission, Jean Claude Nirikana, trésorier adjoint de la FEBUTA, revenait sur les cas « de ceux qui sont partis en Corée du Sud comme des compétiteurs taekwondoïstes alors qu’ils ne le sont pas, j’ai demandé des éclaircissements, mais en vain. »

Des plaintes et des recours sans suite

Face à toutes ces irrégularités observées par les membres de la fédération burundaise, ceux-ci ont porté plainte à la commission de litiges et au comité national olympique.

Lors de l’assemblée générale du 29 mai 2022, toutes les interventions qui ont été faites ont soulevé la question des irrégularités dans l’envoi des athlètes taekwondoïstes en Corée. Ils ont même accusé directement le président de la FEBUTA, Cyprien Bigirimana, de « recevoir des pots-de-vin de la part des partants. »

Dans une correspondance du 16 juin 2022 adressée à la présidente du comité national olympique, 27 membres de la fédération de la fédération nationale de Taekwondo ont dénoncé toutes ces irrégularités.

Dans cette lettre adressée au CNO, les membres de la fédération de Taekwondo expliquaient, point par point, toutes les accusations portées contre leur président. Ils l’accusaient ouvertement de vouloir « détruire la FEBUTA en semant la zizanie entre les athlètes, de malversations, de salir l’image de la fédération au niveau des instances internationales de Taekwondo, etc. »

Un mois après, face au silence du comité national olympique, les membres de la fédération burundaise de Taekwondo ont décidé d’écrire une lettre de rappel qui a été adressée au CNO en date du 19 juillet. Aucune suite n’a été apportée à cette lettre.

Pour sa défense, le président de la FEBUTA dit « qu’il ne sait rien sur le départ de ces gens vers la Corée. Il déclare avoir entendu parler de cette affaire comme tous les autres membres de la fédération. »

Dans un PV de réunion dont Iwacu a pris connaissance, il explique, un brin ironique, qu’il n’est pas « le seul à avoir le cachet de la fédération et cela ne veut pas dire que je donne des visas vers la Corée du Sud. »

Quand devant l’assemblée générale, un des membres lui a présenté l’ordre de mission vers la Corée du Sud, après quelques minutes de réflexion, M Cyprien a rétorqué que « sa signature a été imitée et que le cachet a été piraté après quelques minutes de réflexion. »

Les membres de la fédération dénoncent les magouilles du président et estiment que ces explications ne tiennent pas: « Qui d’autre possède le cachet du président ? Personne. Lorsqu’il a su que son cachet a été volé et que sa signature a été imitée, car c’est ce qu’il raconte à tout le monde, qu’a-t-il fait après ? Rien. Cela montre qu’il ment, car une autre équipe des non-athlètes a pu partir, après ces explications infondées. ».

Ils précisent que c’est le seul Cyprien Bigirimana qui préside la fédération en même temps secrétaire et trésorier de la fédération.

Bientôt , au cours de ce mois d’aout, il y aura une assemblée générale au niveau international. Le Burundi risque d’être sanctionné à cause de ces compétitions non représentées. Ils demandent la démission du président de la fédération : « il a terni la bonne image de notre sport, pour qu’on puisse représenter le pays comment avant et gagner aussi. Avant on était parmi les premiers, mais aujourd’hui on est les derniers à cause de lui ».

Le Burundi risque d’être rayé de la liste dans les compétitions internationales.

Nous avons contacté M Cyprien Bigirimana, mais il n’a décroché aucun de nos appels tout comme le président de la commission de litiges Juvenal Ndayizeye. Idem pour le secrétaire général adjoint de la FEBUTA, Saoul Ntamavukiro.


>>Réactions

Comité national olympique : La question sera bientôt étudiée

Contacté à ce sujet, le chargé de la communication au sein du comité national olympique, Salvator Bigirimana, secrétaire général du CNO assure que cette affaire est dans les mains de son bureau.

« Nous avons reçu une lettre de leur part, notre rôle n’est pas de nous précipiter à prendre des décisions ou des punitions. Notre rôle est aussi de faire des enquêtes, de conseiller pour trouver une solution. Nous sommes en train de mener nos enquêtes. » .

M Salvator a confié à Iwacu qu’une réunion du bureau est prévue cette semaine et que la question de la fédération burundaise de Taekwondo est à l’ordre du jour.

Ministère des Sports : Ils devraient saisir le ministère pour ce genre d’affaires

Marie Rosette Nizigiyimana, porte-parole du ministère chargé des Affaires de la communauté est africaine, de la Jeunesse, des Sports et de la Culture, fait savoir que les concernés n’ont jamais saisi le ministère.

« C’est vous qui me parlez de ce cas pour la première fois. Je regrette que les concernés soient allés se plaindre dans les médias plutôt qu’au ministère. Toutes les fédérations sont directement dirigées par la direction générale du sport, en cas des litiges au sein des fédérations, le ministère est toujours intervenu », déclare M. Rosette Nizigiyimana.

La chargée de la communication du ministère lance un appel aux athlètes et aux fédérations de ne plus se rendre à l’étranger sans ordre de mission du ministère.

« Nous savons que des fois ils se rendent à l’étranger sans ordre de mission du ministère, mais cette pratique n’est pas bonne. La procédure normale voudrait que ce soit le ministère de tutelle qui donne cet ordre de mission. S’ils se rendent à l’étranger alors que le ministère n’est pas au courant, ils courent des risques graves. S’il leur arrive quelque chose là où ils vont, le ministère ne pourra pas s’y ingérer », prévient-elle.

La chargée de la communication du ministère lance un appel aux membres de la fédération burundaise de Taekwondo de se présenter au ministère avec toutes les preuves des « magouilles » imputées au Président de la fédération.

Forum des lecteurs d'Iwacu

2 réactions
  1. Binkaa

    On aura tout vu, ariko iciza nuko muri domaine sportif, igitugu gitatsindwa.
    Warapfyuye ntiwahabukwa Burundi Bwacu.

  2. Joseph Ndayegamiye

    L’administration de cette Fédération de TAEKWONDO est exactement la copie de l’Administration publique du CNDD-FDD. Ni kwa Ntakizira.

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