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Elections 2020

OPINION/ Evariste Ndayishimiye : ouverture ou continuité?

03/05/2020 Commentaires fermés sur OPINION/ Evariste Ndayishimiye : ouverture ou continuité?
OPINION/ Evariste Ndayishimiye : ouverture ou continuité?
Evariste Ndayishimiye peut-il se défaire de l’influence de son prédécesseur en cas de victoire ? Une question que beaucoup de personnes se posent.

Plusieurs personnalités du Cndd-Fdd ne figurent pas sur les listes électorales pour la députation. Sont-elles écartées, en disgrâce ou « mises en réserve de la République » ? En attendant de connaître les listes des candidats sénateurs, nombre de personnes se posent des questions. Est-ce un vent de changement qui souffle au pays de Ntare Rushatsi? Les avis sont mitigés.

Pascal Nyabenda, président de l’Assemblée nationale et ancien secrétaire général du Cndd-Fdd, Révérien Ndikuriyo, président du Sénat, Willy Nyamitwe, conseiller principal en communication du président de la République, Jean Baptiste Nzigamasabo alias Gihahe, député élu dans la province Kirundo, Anglebert Ngendabanka, «puissant» député élu à Cankuzo, Georges Nshimirimana, député et secrétaire du parti en province Gitega, Alexis Barekebavuge, sénateur de la province Cibitoke, Aloys Ntakarutimana alias Wakenya, député de la province Cibitoke, Gabriel Ntisezerana, député de Bubanza et ancien 2ème vice-président de la République et ancien président du Sénat, etc. Aucun ne figure sur les listes nominatives définitives des candidats du Cndd-Fdd à l’élection des députés et parfois même ils sont absents des listes de conseillers communaux. De plus, plusieurs gouverneurs de province, d’autres députés ainsi que la plupart des secrétaires provinciaux du parti au pouvoir ne sont pas sur ces listes. De même que les ministres de l’actuel gouvernement. Cela fait du monde !

Peut-on parler pour autant de sang nouveau au sein de ce parti? «Les Bagumyabanga s’étaient convenus en 2002 de partager les dividendes de la lutte. Il était prévu que personne ne dépasserait 2 mandats et aujourd’hui certains viennent de passer 15 ans dans les affaires. Je crois que c’est ce principe qui a été appliqué», confie un militant du parti de l’aigle. «C’est une stratégie d’écarter les pro-Nkurunziza qu’il ne maitrise pas. Avec des hommes qu’il a propulsé lui-même, il pourra facilement gouverner», renchérit un autre militant. « Il », c’est évidemment le candidat du Cndd-Fdd à la présidentielle. Chercherait-il à se débarrasser de quelques personnages encombrants ? Certains Bagumyabanga en sont persuadés : «Certains noms sont souvent liés aux crimes et infractions diverses. Cela n’est pas bien vu par des militants du parti ainsi que la communauté internationale». Et d’ajouter : «S’ils ne sont pas sur les listes des sénateurs, il peut leur conférer des postes juteux ou les nommer ambassadeurs dans le but de les éloigner du pouvoir de Gitega». Pour ces militants, s’en défaire sonnerait la fin d’un cycle de prédation des richesses nationales et de divers crimes et ouvrirait un nouveau cycle de réconciliation et de développement. Ce qui remobiliserait les Bagumyabanga.

Evariste Ndayishimiye peut-il s’affranchir du président Nkurunziza?

Plusieurs observateurs en doutent.  «A mon avis, c’est encore trop tôt pour conclure. Dans sa campagne et dans son discours, il ne se démarque pas de Nkurunziza. Est-ce par conviction ou par prudence? Je n’en sais rien. Mais je ne crois pas qu’un candidat du Cndd-Fdd qui oserait affronter Nkurunziza en ce moment, ce serait trop risqué», analyse un observateur de la scène politique burundaise. S’il gagne, poursuit-il, nous saurons réellement qui il est que quelques mois après sa prise du pouvoir, quand le temps et les circonstances auront fait leur œuvre. «Qui aurait pu imaginer la dissension entre Nkurunziza et Radjabu en 2005 ? Or cette sorte de bicéphalisme au sommet de l’État préfigurait la crise qui devait suivre. De même, l’installation d’Evariste Ndayishimiye au pouvoir, s’il gagne, créera un autre bicéphalisme au sommet». Pendant des mois, l’autorité du chef de l’État devra compter avec celle du « Guide suprême du patriotisme ».  Selon lui, c’est quand il s’affirmera et s’affranchira qu’on connaîtra le vrai Evariste Ndayishimiye. «Le seul et grand problème qu’il aura, s’il gagne, est que les nombreux défis du pays n’attendront pas qu’il s’affranchisse. Nous aurons besoin de réponses immédiatement à de multiples problèmes».

L’Institut d’études de sécurité (ISS) arrive à cette même conclusion dans son rapport intitulé «Burundi: Vers une alternance dans la continuité ?» sorti au mois d’avril 2020. «Dès sa désignation comme candidat du parti à la présidentielle, Evariste Ndayishimiye a déclaré avec empressement qu’il s’inspirerait de son prédécesseur, comme s’il se voyait déjà dans le fauteuil présidentiel. En tout état de cause, le prochain président sera un homme tiraillé entre des luttes d’influence auxquelles il sera confronté. Sa marge de manœuvre dépendra de sa capacité à se défaire de ces pressions».

Selon l’ISS, les soucis du prochain président pourraient venir entre autres de son prédécesseur. «Pierre Nkurunziza s’est fait attribuer de nombreux privilèges dont des avantages financiers et matériels considérables, des garanties de protection et divers statuts et prérogatives qui devraient faire de lui un acteur incontournable». L’ISS estime qu’en cas de victoire, Evariste Ndayishimiye devrait composer également avec les généraux «qui disposent d’un pouvoir particulier ».

Trois mois séparent la présidentielle de l’investiture du chef de l’État. C’est une période cruciale pour le prochain président. «Sa capacité à recevoir et écouter des cercles diversifiés et des courants d’opinion variés serait déjà un bon signal de sa propension à l’ouverture». En attendant, il faut d’abord gagner l’élection présidentielle…

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