Vendredi 11 octobre 2024

Elections 2020

Sénatoriales : victoire sans surprise du CNDD-FDD

24/07/2020 Commentaires fermés sur Sénatoriales : victoire sans surprise du CNDD-FDD
Sénatoriales : victoire  sans surprise  du CNDD-FDD
Une conseillère communale introduisant son bulletin dans une urne, lors des sénatoriales.

Le Cndd-Fdd rafle la mise, lundi 20 juillet, sur tout le territoire national. Le parti de l’aigle remporte 34 soit 94.44%. Le Conseil national pour la liberté (CNL) et l’Uprona se partagent les 2 sièges restants. Certains doutent de la crédibilité de ce nouveau sénat.

Dossier réalisé par Fabrice Manirakiza, Rénovat Ndabashinze, Félix Nzorubonanya et Alain Majesté Barenga

Un coup de tonnerre à Bubanza. Pascal Nyabenda est battu à plate couture par Daniel Bashemeza, un militant du CNL. Dans les salons de la capitale, sur les réseaux sociaux, nombre de personnes se posent une question. Qu’est-ce qui s’est passé? Pascal Nyabenda n’est pas n’importe qui. C’est l’actuel président de l’Assemblée nationale. Avant la désignation d’Evariste Ndayishimiye, il était pressenti comme « Samurarwa » (héritier) de feu président Pierre Nkurunziza. Le Général Neva a été choisi. A la mort du « Guide suprême du patriotisme », c’est Pascal Nyabenda qui devait assurer la transition en attendant la prise du pouvoir du président élu. La Cour constitutionnelle en a décidé autrement. Soit.

Le président de l’Assemblée nationale arrivant au premier meeting du Cndd-Fdd, lors de la campagne électorale.

Certains observateurs estiment que Pascal Nyabenda a hérité de la malchance. D’autres disent que c’est un complot ourdi d’en haut. D’après des informations recueillies à Bubanza, c’est un coup préparé par les siens. Dans sa province natale. Un conflit couvait depuis longtemps selon les habitants de Bubanza. « Tout a commencé au conseil communal de Mpanda. Il y a eu des dissensions sur une affaire concernant l’administrateur communal. Ça a affecté toute la province », confie un membre dudit conseil communal. Deux blocs se seraient formés. Un, conduit par Pascal Nyabenda et un autre qui s’est rangé derrière le président du parti Cndd-Fdd, Alexandre Ngoragoze et l’actuel gouverneur de Bubanza, Cléophas Nizigiyimana. « Ce sont eux qui l’ont coiffé au poteau lors des élections»

Interrogé, Alexandre Ngoragoze, président du parti Cndd-Fdd en province Bubanza, n’a pas voulu s’exprimer. «Je ne peux rien dire sur ce dossier». Il nous a envoyés à la Commission électorale provinciale indépendante (CEPI) de Bubanza ou au chargé de la communication au Cndd-Fdd.

Le Cndd-Fdd gagne dans la Mairie, fief de l’opposition

Le parti au pouvoir a gagné avec 65 voix contre 59 du parti CNL dans les élections sénatoriales en mairie de Bujumbura. Toutefois, le CNL avait plus de conseillers communaux que le Cndd-Fdd. Là aussi, des questions. Les responsables du CNL ont des explications. Des menaces à l’encontre de ses membres Déo Nyagasani de l’ethnie hutu et Anitha Ndayizeye de l’ethnie tutsi, tous du Cndd-Fdd ont été élus par les membres des conseils communaux des trois communes de la mairie de Bujumbura.

Quelques irrégularités ont été observées. Le décompte des voix a suscité des disputes intenses entre les mandataires et les membres du bureau de la CEPI. Peu avant, à 10 heures, le vote du premier électeur a suscité aussi des disputes au sein des conseils communaux. Ce qui est étonnant, il avait une procuration pour un autre électeur qui était présent dans la salle. « Vous n’avez pas le droit de voter alors que vous avez donné votre procuration », a expliqué Térence Bizimana, président de la CEPI en mairie de Bujumbura tout en refusant à cette électrice de voter alors qu’elle avait donné sa procuration. Les conseillers communaux provenant du CNL y ont vu rouge. « Comment est-ce qu’on peut donner une procuration à quelqu’un alors que la personne en question est sur place ? ». Cette question était sur presque toutes les lèvres des conseillers communaux. Le vote a continué et la dame n’a pas voté au grand dam des militants du CNL. Des échauffourées ont éclaté entre les militants du parti de l’aigle et les sympathisants du CNL.

Pourtant, Pierre-Claver Kazihise, président de la Commission nationale électorale indépendante se dit satisfait du déroulement de l’élection. « Les élections se sont bien déroulées et il n’y a pas eu d’irrégularités majeures vu que le vote s’est clôturé à 16 heures dans tout le pays.» Et d’ajouter que les recours aux instances habilitées sont autorisés pour une partie qui se sentirait lésée.

Des sénatoriales sur fond de méfiance à Rumonge

Trois conseillers communaux du parti CNL n’ont pas eu l’occasion de participer à ces élections étant en détention, l’attente a été longue, car le dépouillement a commencé vers 16 heures en attendant l’arrivée de certains conseillers communaux. L’atmosphère n’était pas détendue.

Dépités, découragés, le visage sombre, les conseillers communaux du CNL n’étaient pas enthousiastes lors des sénatoriales alors que les membres du parti au pouvoir étaient souriants, rayonnants, savourant la victoire avant la lettre. Ces derniers comptaient sur leur nombre.

Selon Obède Ntakiyiruta, représentant du CNL en province de Rumonge, c’est regrettable que ces élections des sénateurs se soient déroulées en l’absence de trois conseillers communaux élus, membres de ce parti, en commune de Muhuta. « Ils ont été injustement arrêtés et n’ont pas eu l’occasion de voter, ce qui a penché la balance du côté du parti Cndd-Fdd ».

Il précise que Jonas Nzambimana et Jérémie Nibitanga sont détenus à la prison centrale de Mpimba après avoir été arrêtés injustement quelques jours après le triple scrutin du 20 mai dans la commune de Muha en mairie de Bujumbura.

Ces militants du CNL ont été accusés d’être en possession des procès- verbaux des élections. D’après Obède Ntakiyiruta, ceci ne constitue pas une infraction pénale ou électorale.

Jean-Marie Vianney Nsabimana quant à lui, a été arrêté par le responsable du Service national de renseignements (SNR) en province de Rumonge et il est détenu au cachot du commissariat de la police à Rumonge. « Les motifs de son arrestation n’ont pas encore été communiqués à sa famille encore moins aux membres de son parti », s’indigne le représentant du CNL à Rumonge.

«Il est alors impensable d’être content au moment où nos conseillers communaux n’ont pas eu la chance d’élire leurs sénateurs comme les autres et surtout que leur détention est irrégulière », regrette-t-il.

Il rappelle que lors du triple scrutin tenu le 20 mai, une dizaine de leurs militants ont été injustement incarcérés pour les empêcher de participer à ces élections. «D’autres croupissaient dans les cachots quelques semaines avant la tenue de cette élection ».

D’après Obède Ntakiyiruta, la majorité des militants du CNL ont été blanchis par la justice et ont été acquittés, signe qui montre qu’il y a certaines gens qui empêchent volontairement des citoyens de jouir de leurs libertés politiques.

Un des responsables du parti au pouvoir contacté a indiqué qu’un conseiller communal est un citoyen comme tant d’autres. «Lorsque il commet une infraction, la justice se saisit de lui ».

Il conseille à d’autres conseillers communaux du parti CNL de se garder de commettre des infractions de droit commun ou des infractions électorales pour ne pas se retrouver derrière les barreaux.

Sur les 148 conseillers communaux que la province compte, le parti au pouvoir totalise 86, le parti CNL n’a que 55 conseillers, l’Uprona aligne 4 et le Sahwanya Frodebu n’a obtenu que 3 conseillers.

A l’issue de ces élections, Marie-Rose Nzeyimana, d’ethnie hutu originaire de la commune de Buyengero et Charles Ndizeye, un Tutsi originaire de la commune de Burambi ont été élus sénateurs.

Certaines personnes rencontrées, le jour des sénatoriales à Rumonge, ont indiqué que ces élections ne présentent pas d’enjeux, car le parti au pouvoir a beaucoup de conseillers communaux, ce qui lui garantissait déjà la victoire sans même compter sur les alliances.

Ces habitants de Rumonge appellent les sénateurs élus à revoir les textes et lois qui concernent la gestion des conflits fonciers, car ces derniers constituent un grand problème dans cette région.

Pour ces habitants, la loi régissant la Commission nationale des terres et autres biens (CNTB) devrait être retouchée pour renforcer l’équité et la réconciliation.


Réactions

Térence Manirambona : «Un remake des élections du 20 mai»

Pour le porte-parole du CNL, les élections des sénateurs étaient sans enjeux. «C’était plutôt l’aboutissement de la fraude massive du 20 mai». Sur la défaite en Mairie de Bujumbura, le CNL parle des menaces et intimidations faites aux conseillers communaux de son parti. «Le parti au pouvoir pense toujours à instaurer un monopartisme de fait. Même les candidats aux élections des conseillers collinaires pressentis d’obédience CNL viennent d’être rayés des listes des candidats dans différentes CECI du pays.» Pour Térence Manirambona, c’est une autre preuve de plus que le parti CNL fait peur au parti au pouvoir. «Il fait feu de tout bois pour barrer la route à la popularité et à la montée fulgurante du CNL». Penser faire avaler une pensée unique aux Burundais, poursuit-il, c’est une peine perdue.

Quant au Sénat nouvellement élu, le CNL pense qu’il ne peut pas contribuer efficacement au renforcement de la démocratie. « Un Sénat monolithique, c’est-à-dire une pensée unique. Il n’y aura pas de débat contradictoire. Le sénat 2015-2020 en est un exemple parlant».

Phenias Nigaba : « Pas de surprise »

«On ne s’attendait pas à quelque chose de nouveau », réagit Phenias Nigaba, porte-parole du parti Frodebu. En effet, justifie-t-il, les votants étaient des conseillers communaux issus majoritairement d’un même parti. Ce qui sous-entend que la quasi-totalité des sénateurs devrait venir d’un seul parti : «ce qui s’est passé n’est pas une surprise pour nous. Les résultats étaient prévisibles.» Quand les membres viennent presque d’un seul parti dans une haute institution comme celle-là, analyse-t-il, il y a toujours des conséquences. Dans un système démocratique, il faut un débat contradictoire pour arriver à un compromis. Ce qui va manquer cruellement dans le Sénat actuel, selon le porte-parole, les sénateurs vont appuyer les idées venues du parti. «Alors qu’il y avait d’autres personnes qui pouvaient donner de meilleures propositions et idées pour que le pays progresse.»
D’après ce politicien, le contrôle des actions gouvernementales va être très difficile. « Et malheureusement, les Accords d’Arusha ne sont plus d’actualité. La Constitution actuelle ne les reconnaît pas. Et c’est l’initiative du parti au pouvoir.» Phenias Ningaba dit qu’il n’y a pas de changement : « Ils vont travailler pour leur parti comme la législature sortante. Elle était monocolore. »

Olivier Nkurunziza : «Bénéfice de doute au nouveau Sénat»

«La composition du nouveau sénat n’est pas une surprise et cela ne devrait pas inquiéter personne, car un sénateur à un mandat national», réplique le porte-parole du parti Uprona. « C’est un Sénat monocolore. C’était prévisible à voir la composition des élus communaux. Le Cndd-Fdd s’est taillé la part du lion mais cela devrait interpeller les nouveaux sénateurs à œuvrer pour tout le peuple burundais et non pour des intérêts sectaires d’une formation quelconque ou un groupe de gens », indique Olivier Nkurunziza.
Néanmoins, l’Uproniste lance un challenge au nouveau Sénat : «Les nouveaux sénateurs doivent garantir l’équilibre ethnique dans les postes de prise de décisions qui est un principe sacro-saint de notre unité.» Ils doivent, poursuit-il, veiller à l’équilibre ethnique dans tous les organes notamment au niveau de la nomination des gouverneurs où ce principe fait défaut, mais aussi dans les postes ministériels et d’autres cadres du ministère avec un accent particulier sur les ambassadeurs qui représenteront le Burundi à l’étranger. «Le principe des quotas ethniques est le garant de notre réconciliation», conclut Olivier Nkurunziza.

Gabriel Banzawitonde : «Il faut œuvrer pour tous les Burundais»

L’Alliance pour la paix, la démocratie et la réconciliation (APDR) se dit satisfait du déroulement des sénatoriales. Gabriel Banzawitonde, président de ce parti, confie que ce n’est pas insignifiant d’avoir des élections organisées dans la sérénité et en sécurité au Burundi.
Cependant, il indique que même si cette alliance n’a pu remporter aucun siège dans le Sénat, M. Banzawitonde déplore une faible participation des autres partis politiques dans ces sénatoriales. «Certains politiciens ont été découragés par le fait qu’ils n’ont pas gagné les premières élections». Gabriel Banzawitonde espère que les nouveaux sénateurs vont œuvrer pour le bien des Burundais dans leurs différences.

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