Mardi 19 mars 2024

Économie

Un nouveau budget de l’Etat à tout prix

19/06/2018 Commentaires fermés sur Un nouveau budget de l’Etat à tout prix
Un nouveau budget de l’Etat à tout prix
Désiré Musharitse" Techniquement, nous sommes disposés à nous conformer à cette loi"

Pour se conformer à la nouvelle Constitution, le conseil des ministres a analysé le projet de loi des Finances 2018-2019. L’Olucome dénonce pourtant sa violation.

C’est désormais chose faite, le Burundi se dote d’une nouvelle Constitution. Cette mouture promulguée vendredi 7 juin entre en vigueur le jour de signature. Néanmoins certaines dispositions de cette loi fondamentale ne peuvent toutefois pas entrer immédiatement en vigueur. La loi des Finances fait l’exception. Le gouvernement du Burundi se lance dans la course pour faire adopter la loi de Finances au plus tard le 30 juin.

Mardi 12 juin, le conseil des ministres a analysé le projet de loi portant fixation du Budget général de l’État pour l’exercice 2018-2019. Et de rappeler que mercredi 30 mai dernier, Désiré Musharitse, porte-parole du ministère des Finances, dans son intervention à la télévision nationale, déclarait que le Burundi est prêt à se conformer au calendrier budgétaire conformément à l’article 182 de la nouvelle constitution. «Techniquement, nous sommes disposés à nous conformer à cette loi.» Il ajoute que cette nouvelle loi aligne le Burundi au calendrier budgétaire de la Communauté Est Africaine. D’après cette loi mère, l’année budgétaire débute au premier juillet et se clôture au 30 juin de l’année suivante.

Selon une source sûre, dans la matinée du 8 juin, le ministère des Finances a envoyé le projet de cette loi au secrétaire général du gouvernement.

Gabriel Rufyiri, président de l’Olucome dénonce une violation de la nouvelle constitution. Pour lui, une loi des finances qui sera adoptée à la fin du mois de juin devait être discutée depuis le mois de mai de l’année dernière. « Il est techniquement impossible d’élaborer le projet de loi des Finances en moins d’une année.»

Sans doute, constate le patron de l’Olucome, ce projet a été préparé sur base des dispositions de la constitution de 2005. Vu le temps que prend l’élaboration du budget conclut-il, cette loi est fallacieuse, elle ne répond pas aux besoins de la population.

A cette date, martèle Gabriel Rufyiri, l’Assemblée nationale n’a pas reçu le projet de loi des Finances 2018-2019 qu’elle adoptera le 30 juin. Or, dans son article 182, la Constitution de 2018 lui accorde un délai de 90 jours pour analyser ce document. « L’Assemblée nationale est saisie du projet de loi de finances dès l’ouverture de sa session du mois d’avril». Il fait savoir que cette dernière devait normalement avoir un temps suffisant pour s’assurer que les priorités du gouvernement sont les besoins de la population. Gabriel Rufyiri soutient également que la Cour des Comptes devait avoir le temps nécessaire pour donner son avis même si, par le passé, ses recommandations ont été ignorées.

« Ce budget n’est participatif »

Gabriel Rufyiri : « Il est techniquement impossible d’élaborer le projet de loi budgétaire en moins d’une année.»

Une loi de Finances non vérifiée en temps utile par la Cour des comptes et l’Assemblée nationale autorise des questionnements sur la transparence, sur la crédibilité et la conformité du budget. Par ailleurs, fait remarque Gabriel Rufyiri, si le projet de loi budgétaire est adopté par l’Assemblée nationale avant l’avis de la Cour des comptes, le contrôle sera absent et cela ouvre la voie à la non-conformité et à des suspicions.

Désormais personne n’a aucune idée sur ce projet de loi des Finances, déplore cet acteur de la société civile, la Cours des comptes n’est pas intervenue pour jeter une lumière sur la réalité de nos finances publiques, l’exactitude ou l’exagération des prévisions.

Il rappelle en outre que le respect des délais constitutionnels a toujours été l’un des grands défis pour les autorités des finances publiques burundaises. C’est une preuve de dysfonctionnement au plus haut niveau. « Ces pratiques ne datent pas d’hier, et ne cesseront peut-être pas demain», fustige le président de l’Olucome. Il précise que les étapes du processus budgétaire ne sont pas respectées de manière systématique selon les exigences de la loi de finances publiques.

Si l’Assemblée nationale vote ce projet de loi budgétaire au 30 juin, avertit Gabriel Rufyiri, elle violera la Constitution et trahira le peuple qu’elle représente. « Elle vote un budget qu’elle n’a ni analysé ni vérifié.»

En outre, affirme Gabriel Rufyiri, ce budget n’est pas participatif. «Jusqu’à présent, il n’y a aucune consultation avec la société civile sur le projet de budget. Il est dit qu’il sera présenté pendant la dernière quinzaine du mois de juin. Ce sera une présentation sans aucune réaction ».

Par rapport au caractère non participatif du projet de loi des Finances 2018-2019, le patron de l’Olucome déplore que, depuis 2015, le gouvernement ne donne plus aux organisations de la société civile les projets de lois des Finances.

D’après cet activiste de la société civile, le gouvernement s’est piégé car il n’a pas prévu des dispositions transitoires en matière de loi des Finances 2018. Il est obligé de se conformer à certaines dispositions, explique-t-il, en violant d’autres.

Contacté à propos de ces irrégularités du processus budgétaire, le porte-parole du ministère des Finances dit qu’il est occupé.

Analyse/ Un risque d’une reconduction budgétaire

Dans le laps de temps restant, l’Assemblée nationale et la Cour des Comptes ne peuvent pas analyser le projet de loi qui devrait normalement se faire en trois mois.

Au cas où le projet de loi budgétaire n’est pas adopté le 30 juin, le gouvernement sera bloqué. C’est cette loi qui l’autorise à prélever des impôts et à engager des dépenses. Le hic, c’est qu’il ne peut pas cependant assurer la gestion courante de l’Etat, ni payer les fonctionnaires, ni honorer des loyers, etc. Pour lever ce blocage, ce gouvernement doit demander alors à l’Assemblée de lui accorder les douzièmes provisoires. Il s’agit en fait du budget de l’année précédente divisé en douze parties – une par mois. Cette technique budgétaire entraîne de lourdes conséquences sur les dépenses publiques. Aucun ministère n’est autorisé de dépenser plus du douzième sur une ligne budgétaire. A titre d’exemple, si l’Etat veut importer les engrais chimiques pour une saison culturale de trois mois, il est bloqué. Il ne peut pas faire une commande d’engrais de trois mois.

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