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Conflit d’intérêts, de génération ou de vision?

28/06/2011 Commentaires fermés sur Conflit d’intérêts, de génération ou de vision?

Un mémorandum vient d’être publié par le « Courant de Réhabilitation de l’Uprona », qui se dit majoritaire dans le parti. Bien qu’il parle des problèmes que traverse le pays et propose des voies de solution, il illustre également l’irréversible divorce qui s’opère dans ce parti.

Signé par Jean Baptiste Manwangari, Tatien Sibomana et Evariste Ngayimpenda, ce mémorandum parle de la violation de la Constitution et des principes d’Arusha par le pouvoir actuel, et préconise le dialogue pour recréer un meilleur avenir pour le pays. Ce courant, qui semble réagir en lieu et place des membres actifs dans les institutions, indique que sa position est occultée par un groupe minoritaire autour du « député » (et non président du parti) Niyoyankana. Il illustre cependant que la cassure au sein de l’Uprona est irréversible.

Selon une certaine rumeur proche de Kumugumya(siège du parti Uprona), ce courant serait en contact avec l’ADC-Ikibiri. « Faux », crient Tatien Sibomana et Jean Baptiste Manwangari. Même Léonce Ngendakumana, président du Frodebu, le nie. Pour Manwangari, ils défendent les opinions de l’Uprona et les gens de l’ADC-Ikibiri défendent les leurs : « Nous n’avons pas intégré notre action dans l’ADC et nous n’avons aucun contact avec elle », souligne-t-il. Pour lui, les associer à l’ADC-Ikibiri démontre une volonté de leur faire subir la répression et la persécution du pouvoir. Car pour cet ex-député de Kirundo et ancien ministre, le problème au sein de l’Uprona est une question de valeurs et de vision, de la place du parti sur l’échiquier politique national. Cependant, leurs adversaires affirment haut et fort que ce courant est constitué d’anciens nostalgiques du pouvoir qui ne veulent pas lâcher les rennes du parti, et préfèrent le diviser s’ils ne sont pas dans les institutions.

Qui a raison et qui a tort ?

La place qu’occupe l’Uprona au gouvernement lui est garantie par la Constitution, et non le Cndd-Fdd. L’Uprona n’a pas donc à être au service de ce dernier, mais devrait déterminer avec lui son rôle au gouvernement, en respectant ses valeurs, sa vision et son idéologie, surtout pour la défense des intérêts du pays : « Mais lorsqu’on voit les cadres promus par l’Uprona porter une casquette à l’effigie du Président de la République, c’est incompréhensible. Car, dans un gouvernement d’union nationale, chacun garde l’identité de son parti », s’insurge Jean Baptiste Manwangari. Pour lui, la crise actuelle est le fait d’un groupe réellement minoritaire qui est autour de Niyoyankana et qui est activé par le 1er vice-président : « Ce sont des salariés qui préfèrent faire allégeance au Cndd-Fdd plutôt que de perdre leurs places, mais sans aucune conviction politique derrière », ajoute M. Manwangari.

Et de rappeler que l’initiative pour le changement, dont se réclament les Amasuka (« les houes », voir Iwacu n°120), visait à faire élire Niyoyankana à la tête du parti contre Sinunguruza : « Les Amasuka seraient-ils donc idéologiquement et politiquement instables, puisqu’aujourd’hui, ils sont au service de Sinunguruza alors qu’ils avaient tout fait pour lui barrer la route », se demande-t-il. Pour Jean Baptiste Manwangari, parler d’un conflit de génération est aberrant puisque le courant défend une position à laquelle même les Amasuka adhéraient il n’y a pas si longtemps.

La main du pouvoir…

Le pouvoir cautionne-t-il ce différend, selon l’adage {« Uwusenya urwiwe umutiza umuhoro} (celui qui détruit sa maison, tu lui prêtes une serpette) » ? La légitimité du Cndd-Fdd est aussi le fruit de l’adhésion de l’Uprona au processus électoral, et le pouvoir n’a pas intérêt à dévoiler sa position dans ce conflit ; car cela confirmerait qu’il est en train de détruire le parti. Mais, depuis la nouvelle législature, il y a eu peu de déclarations de la partie qui gère l’Uprona pour contester telle ou telle action du gouvernement. C’est donc le gouvernement qui doit la soutenir, et non ceux qui sont déjà identifiés comme des pros ADC.

« Cette action stratégique du parti au pouvoir est normale en politique. A partir du moment où on sent que l’équilibre politique vous désavantage, il faut des stratégies moralement insoutenables, mais politiquement défendables », explique le politologue Jean Salathiel Muntunutwiwe. Si on affaiblit le côté contestataire au sein de l’Uprona, on avantage le côté qui arrange le pouvoir. Rien d’étonnant donc que le 1er vice-président porte une casquette à l’effigie du Chef de l’Etat, car cela manifeste ce rapprochement avec le pouvoir, au point de se confondre à lui. Politiquement, et en pratique, c’est bien que les deux coopèrent pour la bonne gestion de l’Etat. Mais c’est aussi un danger car, dans une telle collaboration, lorsqu’ils pensent de la même manière pour affronter les mêmes problèmes, personne ne peut conseiller l’autre.

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