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Travaux communautaires : le nouveau Maire ne fait pas dans la dentelle

05/05/2013 Commentaires fermés sur Travaux communautaires : le nouveau Maire ne fait pas dans la dentelle

Le nouveau maire de la ville a interdit toute circulation pendant les travaux communautaires. Zélés, des policiers ont même empêché une femme enceinte sur le point d’accoucher de se rendre à l’hôpital. Diplomates, agents du SNR, journalistes, dignitaires : personne ne bouge avant 10h30. Personne!

<doc6489|left>Samedi 15 décembre, à 7h30, sur le pont Ntahangwa situé au boulevard du 28 novembre. La barrière est érigée des deux côtés de la route, comme c’est le cas pendant les travaux communautaires. Cependant, contrairement aux autres samedis, la garde est assurée par une dizaine de policiers, au lieu des quatre habituels. Aucun véhicule n’est autorisé à franchir la barrière quelles que soit les raisons avancées. Même ceux qui brandissent les laissez-passer, cartes de service ou ordres de mission sont logés à la même enseigne. Seuls les piétons peuvent emprunter la voie des trottoirs pour passer.

Vers 8 heures, un véhicule du Centre de transfusion sanguine arrive. Son chauffeur explique qu’il doit passer pour sauver des vies en danger de mort. Toutefois, des policiers lui signifient qu’ils ne peuvent pas violer l’ordre du maire pour quels que motifs que ce soit.
Arrive un diplomate américain se rend à l’aéroport international de Bujumbura. Pas d’exception : il ne passe pas non plus. Il faudra recourir à une voiture diplomatique venant de l’autre côté de la barrière, pour l’amener à l’aéroport.

A 9h15min, un mari dont la femme est enceinte se présente devant les policiers. Il leur fait savoir que son épouse est sur le point d’accoucher. La poche des eaux s’est déjà rompue. La réponse est froide : « Patientez jusqu’à 10h30min, à la fin de ces travaux. Tu n’es pas le seul. » Des gens qui avaient constaté l’état de sa femme ont essayé à leur tour de plaider sa cause. En vain, et heureusement qu’elle a tenu.

Des véhicules des particuliers et des hauts cadres du Cndd-Fdd n’ont pas cessé d’arriver jusqu’à former une longue file d’attente allant du pont Ntahangwa jusqu’à l’hôpital Militaire d’un côté, à l’Université du Burundi de l’autre. Même la police présidentielle (SNR) n’a pas été épargnée.
A 10 h26min, les voitures peuvent circuler avec l’arrivée imminente du cortège du président du Sénat.

L’économie de la capitale en péril

Adidja Uwimana, une propriétaire d’un salon de coiffure pour femme, au centre ville, fait savoir qu’elle perd chaque samedi au moins 100.000 Fbu : « En 2004, avant l’instauration de ces travaux, je pouvais gagner facilement le double. Impossible aujourd’hui. » D’après Mme Uwimana, les coiffeurs et les premières clientes arrivent entre 11h30 min et 12h, alors que les autres jours le salon ouvre ses portes à 6h du matin : « Par mois, j’enregistre une perte de 400.000 Fbu qui devraient servir à d’autres besoins, notamment le paiement des salaires, du loyer et des taxes, bien sûr », signale Adidja Uwimana.
Plus loin, dans le brouhaha du marché central, Radjabu Mauridi, vendeur de petits poissons parle d’une perte de 164 mille Fbu lors de ce week-end : « Nous avons été immobilisés à Magara pendant trois heures : deux bacs de petits poissons en sont sortis avariés. » Et ce n’est pas la première fois que cela arrive à Mauridi et ses compagnons, pensant légitime de dénoncer « une mesure qui n’a été prise que pour faciliter la propagande du parti présidentiel » …

« En droit, tout ce qui n’est pas interdit est autorisé »

Le Pr Pascal Rwankara, constitutionnaliste, confirme qu’obliger la population à faire les travaux communautaires est illégal : « Aucune base légale ne les régit. Il faut que l’administration soit réaliste avec elle-même. » Pour M. Rwankara, les travaux communautaires sont des travaux civiques volontaires. Ainsi, il soutient que nul n’a le droit d’imposer une amende ou une sanction. Bref, poursuit-il, aucune mesure coercitive ne doit être prise envers qui que ce soit. Le juriste constate qu’en bloquant les voies publiques, l’administration porte atteinte aux libertés les plus élémentaires dont celle de circuler.

Le politologue Siméon Barumwete pointe, quant à lui, le fait que « des personnalités politiques ont donné à ces travaux une orientation politique lorsque des gens se présentent en uniformes du parti au pouvoir, sur fond de chansons du Cndd-Fdd. » Quant au refus des citadins d’exécuter ces travaux, M. Barumwete l’explique par une opposition contre cette politique, ou contre l’organisation de ces travaux : " Il ne faut pas réduire le développement aux seuls travaux communautaires, qui ne devraient même pas figurer dans les plans de développement car ce n’est pas de cette manière qu’on résout les problèmes de la communauté. L’initiative doit provenir des habitants d’une même communauté. "

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