Jeudi 28 mars 2024

Société

Pension de retraite : Une promesse présidentielle tombée à l’eau ?

10/02/2022 2
Pension de retraite : Une promesse présidentielle tombée à l’eau ?
Les bureaux de l’INSS dans la commune urbaine de Mukaza.

Alors que le président de la République a exprimé la volonté d’améliorer les conditions de vie des retraités lors de son discours d’investiture, une commission technique d’analyse mise en place par la Primature, considère que le budget de l’INSS est insuffisant pour envisager la réforme des retraites.

« Les résultats obtenus montrent que le budget de l’Institut national de Sécurité sociale (INSS) est insuffisant pour mettre en œuvre les réformes », a fait savoir Chadrack Niyonkuru, vice-directeur au Cabinet du Premier ministre burundais mardi 1 février 2022. C’était lors de la réunion dédiée à la validation du rapport de la Commission chargée d’analyser les réformes dans le secteur de la sécurité sociale. Mise en place par le directeur de cabinet du Premier ministre, elle est chargée de proposer des mesures concrètes de mise en œuvre des réformes du secteur de la sécurité sociale en ce qui concerne le volet pension. Dans sa présentation, il a précisé que selon le rapport de ladite commission, il faut un appui budgétaire pour mettre en application la volonté de la plus haute autorité. Et par ailleurs, l’année de mise en œuvre des réformes de la sécurité sociale serait de 2023. La commission propose cette année de 2022 comme année devant être consacrée aux préparatifs.

Les résultats de l’analyse, a exposé ensuite M. Niyonkuru, montrent que plus de la moitié des employeurs n’ont pas cotisé pour leurs employés de 2010 à 2020. Ainsi, défend le vice-directeur au Cabinet du Premier ministre burundais, Parmi les obstacles qui, d’après le vice-directeur au Cabinet du Premier ministre burundais mettent un frein aux réformes sur la retraite, ce sont notamment les arriérés des cotisations à l’INSS estimées à 119.915. 347.302 BIF. Un montant qui en plus reste à vérifier d’après le président de la commission d’analyse. « L’INSS ignore même si les employeurs qui n’ont pas cotisé existent toujours ». Le rapport suggère alors de faire un recensement des employeurs irréguliers pour les obliger à régulariser leur situation.

Les résultats montrent également une dette de 379.163. 035 BIF contractée par certains employés et cadres de l’INSS qui n’y exercent plus. Sans oublier que d’après le même rapport, l’INSS réclame à l’Etat une dette de 31. 412.752.781 BIF jusqu’au 31 octobre 2021. Avant d’envisager la mise en œuvre des réformes au niveau des secteurs paraétatiques et privés, estime la commission technique chargée d’analyser les reformes du secteur social, il faudrait mettre en place des stratégies pour recouvrer ces arriérés.

L’INSS conscient de ses limites

Emmanuel Miburo : « Nous avons découvert par exemple que les communes nous doivent plus de 2.700.000.000 BIF. »

Le Directeur Général de l’INSS estime que le problème réside au niveau des lois en vigueur et jette la balle dans le camp de l’Etat. « Au niveau de l’INSS, on ne fait que calculer en fonction de la loi qui régit l’octroi de pension ». Celui qui est à la tête de l’INSS depuis 4 ans affirme par ailleurs que les cotisations à l’INSS ne respectent pas la loi en vigueur. « La loi stipule que les cotisations se font sur le salaire brut, mais la Fonction publique cotise sur le salaire de base », révèle le directeur général. Et alors que la loi stipule que les cotisations sont de 10 % dont les 6 % par l’employeur et 4 % par l’employé, il regrette que la fonction publique cotise seulement 6,5 %. Emmanuel Miburo fait savoir aussi que l’Etat principal débiteur de l’INSS : « Nous avons trouvé par exemple que les communes nous doivent plus de 2,7 milliards. »

Au niveau des loyers, M. Miburo déplore que 91 % des dettes soient dues par l’Etat alors qu’elles sont de 9 % chez les privés. « Les réponses devraient commencer par-là », observe le directeur général en exercice de l’INSS. Autre handicap qu’il signale, c’est un manque de moyens pour effectuer des recouvrements. « Le seul plus haut moyen, c’est de fermer les comptes des employeurs qui ne cotisent pas. Nous n’avons pas une police à l’instar de l’Office burundais des Recettes. » Or, a-t-il mentionné, même les employeurs dont les comptes ont été fermés, continuent à travailler.

D’autres participants à la réunion du 1er février 2022 critiquent par ailleurs les propositions de la commission qui propose un appui budgétaire de la part de l’Etat pour l’INSS. « Comment demander un appui à quelqu’un qui te doit déjà une dette ? », se demande Hassan Nusura, directeur général de l’Ecole normale supérieure. Pourtant, nuance-t-elle, c’est un scénario réaliste qui demandera plus d’effort. Elle propose au gouvernement de se fixer des objectifs à exécuter en portion. Pour elle, l’objectif, c’est le salaire net, mais il peut être atteint en 5 ans voire 10 ans selon les moyens. Pour elle, il faut aller pas à pas. « On peut ajouter 30 % la première année, puis 10 % … ».

Le taux faible de versement des cotisations

Le Premier ministre Alain Guillaume Bunyoni : « Le chemin est encore long pour assurer la sécurité sociale. »

Le Premier ministre, Alain Guillaume Bunyoni, qui a rehaussé de sa présence la réunion, a rappelé que celle-ci est organisée suite au souhait du président de la République, qui veut non seulement améliorer les conditions de vie des retraités mais aussi mettre en œuvre la promesse d’une pension de retraite mensuelle qui est « plus ou moins égale au salaire dernièrement perçu ».

Alain-Guillaume Bunyoni admet toutefois que le chemin pour assurer la sécurité sociale est encore long : « Les retraités perçoivent une pension de retraite très basse. Et même presque insignifiante. » Et de donner quelques exemples : au niveau de l’INSS, sur 29.360 retraités, 869 retraités et survivants ont perçu une pension entre la tranche de 2400 et 10 000 BIF. Pour lui, cette pension est presque insignifiante pour faire survivre un retraité qui a sacrifié sa vie durant au service de la nation. Au niveau de l’ONPR, 50 retraités sur 6 612 retraités et survivants ont perçu une pension entre 1700 et 10 000 BIF.

Le Premier ministre déplore que selon les résultats du rapport sous validation, il y a toujours des défis à relever dans les secteurs du paraétatique, du privé et du public. De 2019 à 2020, illustre le premier ministre burundais, 5 604 employeurs sur 10 357 n’ont pas cotisé pour leurs employés, c’est-à-dire à hauteur de 61.9 %. Les employeurs qui ont cotisé atteignent donc un pourcentage de 38.1 %. Les cotisations étant en dessous de 50% sur cette période, il trouve cela honteux dans un Etat de droit. « Nous ne pouvons pas accepter que cela continue. La loi doit être respectée. », tranche le Premier ministre.

Tenir compte de la dévalorisation de la monnaie

Le Premier ministre burundais demande donc à tous les employeurs des 3 secteurs de cotiser régulièrement pour leurs employés afin, dit-il, d’éviter ce manque de moyens pouvant permettre de donner accès à des retraites adéquates. La primature invite les responsables de l’Institut national de Sécurité sociale à organiser un recensement dans un futur proche pour identifier les employés du secteur paraétatique et privé cotisants, leur localisation géographique, et inciter effectivement les non-cotisants à régulariser dans les meilleurs délais.

Ildefonse Muhutu, président de l’Association des Retraités du Burundi, lui, est gêné par l’usage des mots « plus moins égal au dernier salaire du retraité » par le Premier ministre. « Cela ne veut pas dire la même chose avec ‘’égal au minimum le dernier salaire du retraité’’ » annoncé par le président de la République. « Si j’ai bonne mémoire, il a parlé de pension égale au minimum au dernier salaire du retraité », a insisté M. Muhutu. Et, fait-il remarquer, nul ne peut interpréter autrement la volonté du chef de l’Etat. Il demande plutôt au Gouvernement de fixer cette pension en considérant aussi la dépréciation de la monnaie.

Forum des lecteurs d'Iwacu

2 réactions
  1. Bakame

    Un président ne devrait pas faire des déclarations / promesses fracassantes avant d’étudier le contour d’un problème.
    Mais depuis 2005, nous sommes habitués à ces promesses tonitruantes.
    Je cite dans le désordre:
    1) Aéroport de Bugendana
    2) Tolérance zero pour la corruption
    3) Poursiite aux coupables dans le « Mpanda Papers ».
    Je pourrais énumérer d’autres cas.

  2. arsène

    « plus moins égal au dernier salaire du retraité » par le Premier ministre. « Cela ne veut pas dire la même chose avec ‘’égal au minimum le dernier salaire du retraité’’ » annoncé par le président de la République. « Si j’ai bonne mémoire, il a parlé de pension égale au minimum au dernier salaire du retraité », a insisté M. Muhutu.

    Le président a effectivement parlé d’une pension égale au dernier salaire. Mais il faut se rendre à l’évidence: c’est une utopie. Le système de cotisation tel qu’il est conçu au Burundi ne permettrait pas d’envisager un paiement, ne serait-ce que de la moitié du dernier salaire.

    Le président a tenu un discours de campagne et il n’ignorait pas que ce n’était pas possible. Alors que des milliers de jeunes ne trouvent pas de travail, comment l’État pourrait-il se permettre de verser une pension aussi élevée à des personnes qui ne travaillent pas alors même que ceux qui travaille (pour l’État) ne perçoivent pas régulièrement leur salaire.

    Il avait, à cette même occasion [i.e. investiture], promis un accès gratuit aux soins médicaux. Je crois que nous n’en sommes, hélas, pas à la dernière promesse purement utopique de nos dirigeants.

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