Vendredi 29 mars 2024

Société

Fièvre de la vallée du Rift : des éleveurs tétanisés

26/05/2022 3
Fièvre de la vallée du Rift : des éleveurs tétanisés
Des vaches dans les étables à Buringa.

Une maladie appelée fièvre de la vallée du Rift attaque les bovins et les ovins. Elle est apparue au Burundi depuis le mois dernier. Les éleveurs sont désemparés et la population vit la peur au ventre. Le ministère de l’Environnement, de l’Elevage et de l’Agriculture se veut rassurant.

Du rond-point communément appelé « chanic » à Buringa, des véhicules chargés de lait circulent. En quittant la RN5 (la route reliant Bujumbura et la province Cibitoke) pour celle menant vers les étables de Buringa, nous sommes accueillis par une poussière étouffante. Le soleil tape très fort.

Mardi 24 mai, il est 11 h 30. A Buringa, une zone qui abrite un cheptel important au Burundi, des vélos chargés de fourrages se remarquent en grand nombre, les bergers sont assis à côté des étables de leurs vaches et discutent entre eux.

Les éleveurs et les bergers vivent la peur au ventre. Ils craignent d’énormes manques à gagner à cause de cette maladie et d’être infectés par cette dernière.
« La peur ne peut pas manquer car la maladie s’est déjà propagée dans notre province. Nous demandons aux vétérinaires de consulter nos vaches afin d’agir avant qu’il ne soit trop tard », insiste l’un des éleveurs.

Un berger, à côté de lui, renchéri : « Nous avons entendu qu’il y a des cas déjà signalés dans les étables tout près de la rivière Gikoma, ce n’est pas loin d’ici cela explique notre peur. Nous risquons de perdre beaucoup si une fois cette maladie arrivait dans nos étables. »

Le pire dans tout ça, ajoute-t-il, même les personnes peuvent être infectées par cette maladie. « Nous essayons de suivre les mesures prises par le ministère de l’Elevage mais si c’est possible qu’ils nous amènent des vaccins dans les plus brefs délais».

Au 24 mai, 8 provinces sur 18 provinces ont déjà enregistré au moins un cas de la fièvre de la vallée du Rift. Les plus touchées sont Kirundo, Muyinga et Ngozi avec 194 cas, 83 cas et 164 cas, respectivement. 113 bovins étaient déjà emportés par cette maladie.

Des répercussions tous azimuts

A côté des bouchers qui n’ont plus de bœufs pour l’abattage, les vendeurs de lait à Bujumbura disent qu’ils ne vendent plus la même quantité et craignent ne pas pouvoir payer les loyers.

J. B., l’un des vendeurs de bœuf qui se procurent les bêtes à l’intérieur du pays pour revendre la viande à l’abattoir de Bujumbura, raconte : « Le nombre de vaches abattues était déjà réduit par la politique de la stabulation permanente. Actuellement, on ne s’approvisionne qu’au sud du pays, ce qui peut envenimer la situation en entraînant encore une hausse du prix de la viande.»

D’après lui, ils ont déjà senti les effets de la maladie, car le gain qu’ils recevaient s’est divisé en deux. « Avant, je me procurais dans les marchés du nord comme ceux du sud. Mais actuellement, tous les vendeurs de vaches se procurent dans les marchés du sud uniquement et cela réduit notre gain».
Quant à Alice N., une vendeuse de lait dans le quartier Rohero de la commune Mukaza, elle confie que les clients viennent au compte-goutte. « Ils nous ont indiqué que c’est à cause de la maladie des vaches ».

Un autre vendeur de lait du quartier Bwiza de la commune Mukaza ne sait plus à quel saint se vouer : « Avant, je vendais au moins 40 litres par jour, mais actuellement, je ne parviens plus à écouler même 20 litres. Ce qui me procure la moitié de l’argent que je gagnais avant.»
Pourtant, souligne-t-il, j’ai entendu à la radio que si le lait est bien chauffé, il n’y a pas de problème. « Je ne sais pas pourquoi les clients ne sont pas rassurés. Il faut peut-être plus de sensibilisation».

La peur de la maladie

Désespérés, les parents craignent que les enfants qui consomment le lait puissent être atteints par cette maladie s’ils continuent de consommer le lait.

« Nous avons entendu via les réseaux sociaux que cette maladie atteint même les personnes, si vous consommez la viande ou le lait d’une vache malade », craint Jeanne M., jeune maman de la zone Ngagara, commune Ntahangwa.

Selon les habitants de cette zone, certaines personnes ont déjà arrêté de consommer la viande et le lait. « Nous avons d’abord suspendu la consommation de la viande de bœuf et des boulettes. Nous préparons une sauce soit d’aubergine ou de Ndagala », raconte l’un des domestiques rencontrés.
Une autre maman de la zone Cibitoke dit avoir abandonné le lait de vache pour son enfant de 8 mois et assure qu’elle utilise le lait en poudre malgré sa cherté comparativement au lait de vache.

Le ministère de l’Elevage tranquillise

Désiré Ntakirutimana : « Que la population reste sereine et respecte les instructions du ministère. »

Desiré Ntakirutimana, directeur de la santé animale au sein du ministère de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage, confirme que, depuis avril, s’est déclarée cette maladie dénommée « fièvre de la vallée du Rift ».

Selon lui, les provinces les plus touchées sont Kirundo, Muyinga et Ngozi. « Des cas minimes s’observent dans d’autres provinces, comme Karusi, Cibitoke, Kayanza, Bujumbura et Makamba », ajoute-t-il.

Les symptômes couramment observés sur les vaches contaminées sont, entre autres, une température élevée, l’avortement, l’épistaxis (saignements au niveau du nez) et la rougeur au niveau des yeux.

M. Ntakirutimana explique que la maladie se transmet généralement par voie vectorielle (la transmission des virus ou des bactéries par un vecteur), par des piqûres de différents insectes. « Mais elle peut se transmettre également par des contacts avec l’animal infecté », précise-t-il.

Ce cadre du ministère de l’Elevage invite la population à rester sereine et à respecter les instructions du ministère, notamment le mouvement de bétail, le commerce et l’abattage des animaux dans les provinces déjà affectées pour éviter la propagation de la maladie. « D’autres mesures seront prises, selon l’évolution de la situation».

« Le ministère de tutelle a élaboré un plan d’action pour le contrôle de la maladie où nous prévoyons une campagne de sensibilisation sur cette maladie à l’endroit de la population et aussi la vaccination. Nous cherchons encore des moyens pour juguler cette maladie », révèle-t-il.

Cet épidémiologiste de formation rassure la population qu’il y a des médicaments qui se sont révélés efficaces. Il appelle la population d’informer les vétérinaires dès l’apparition de l’un des symptômes de cette maladie.

En outre, d’après lui, les personnes peuvent s’infecter par piqûre de moustique. « Mais la plupart des cas résultent de la manipulation du lait ou de la viande crue. Il demande aux éleveurs, aux bouchers et aux vétérinaires en particulier et aux Burundais en général d’être prudents, en se lavant les mains après avoir touché du lait et de la viande crue et de cuire très bien la viande et le lait», conclut-il.

Forum des lecteurs d'Iwacu

3 réactions
  1. maragarita

    Mafero, nous ne pouvons aller a contrecourant de l innovation.
    Les frizonnes produisant 25 l/jour n existaient pas il ya 60 ans en Europe.
    Des variétés de riz produisant 10 T/ha n existaient pas non plus aussi en Asie il y a 50 ans.
    Tes Inyambo produisent au mieux ivyansi bibiri par jour. C est seulement 4 litres.

  2. Mafero

    A lire les symptomes de cette maladie, ceux qui ont grandi avec moi se souviendront de la fievre afteuse??, la maladie de la vache folle, fievre aviaire, etc…
    Moi je me pose toujours des questions: Nos especes comme Inyambo, Inkungu, Inyaruguru etc…n’ont pas ete proteges (ne fut-ce que dans des cages) au profit des races importes d’Europe, Amerique…). Comment voulez-vous que ces races importes s’adaptent a nos climats, regime alimentaire, ….? Y’a-t-il eu des etudes prealables pour s’assurer que ces especes que l’on nous impose pour des fins que je n’arrive toujours pas a comprendre sont vraiment adaptes a nos modes de vie?

    • Stan Siyomana

      @Mafero
      1. Vous écrivez:« …ces especes que l’on nous impose pour des fins que je n’arrive toujours pas a comprendre… »
      2. Mon commentaire
      Passer d’une production de 2 litres à 25 litres par jour et par vaches (dans le commentaire de Marigarita) est une très bonne décision économique pour tout éléveur du monde.
      Et pour les mesures d’imposition, les vulnérables burundais/ba ntahonikora qui recoivent ces vaches gratuitement sont libres de les refuser/batazishaka abandi bazozitorera.
      Ces vaches sont bel et bien une innovation au Burundi puisque quand le président congolais Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo a visité certains projets phares lors de sa récente visite officielle au Burundi il a été voir une quinzaine de ces vaches (que notre président Evariste Ndayishimiye a recu de son homologue kényan Uhuru Muigai Kenyatta: elles sont venues directement du Kenya, et non d’Europe ou Amérique!!!) et des centaines de ces vaches (chez un grand éléveur burundais).

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