Jeudi 01 mai 2025

Politique

Au coeur du pays/Elections 2025 : Les attentes sociales sont élevées

Au coeur du pays/Elections 2025 : Les attentes sociales sont élevées
Le bâtiment abritant le bureau communal de Bubanza

Alors que le Burundi s’apprête à vivre les élections des députés, des conseillers communaux et des sénateurs, les habitants de la province de Bubanza exhortent les candidats à privilégier les projets de développement comme l’adduction d’eau, l’électrification, … Malgré que l’administration locale se félicite de la bonne cohabitation entre les membres des partis politiques, certains militants de l’opposition indiquent que cette accalmie est de façade.

Les habitants des collines Shari 1 et 2 saluent une cohabitation pacifique entre les membres des différents partis politiques. Toutefois, la misère, le manque d’eau et d’électricité ainsi que l’inaction des élus restent au cœur des préoccupations de la population.

Sur la colline Shari 1 de la zone Bubanza, Amos Nduwumwe, élu collinaire, se dit satisfait de la cohabitation entre les citoyens de différentes obédiences politiques : « Les jeunes travaillent ensemble. Ils partagent la bière sans bagarre ni discrimination. » Même son de cloche chez Marie-Goreth Ndabirorere, la première femme cheffe collinaire Shari, de la commune Bubanza : « Il n’y a ni guerre, ni confrontation. Je peux sortir à 20h pour intervenir sur un cas, sans peur. » Denis Ndikumana, habitant de la colline Shari 2, confirme : « Par rapport aux précédentes périodes électorales, celle-ci est plus paisible. »

Mais derrière cette image apaisée, une réalité sociale inquiétante se dessine. La mendicité est devenue omniprésente au chef-lieu et sur les collines reculées de la province de Bubanza. « Des enfants, des jeunes, des vieillards… Tout le monde tend la main. Ce n’est plus un phénomène marginal. La pauvreté est telle que mendier devient un mode de survie », confie Bucumi, un habitant de la commune Bubanza. Et d’ajouter : « Les gens mendient à l’église, aux marchés, dans les rues. C’est choquant. » Pour Denis Ndikumana, la prochaine administration doit trouver une solution à ce problème. « Le citoyen lambda veut seulement manger, se soigner, vivre en sécurité et en paix. La politique n’a de sens que si elle améliore les conditions de vie. »

Des doléances sociales ignorées

Si la paix sociale est saluée, les promesses électorales tenues ne semblent pas avoir convaincu. Amos cite notamment la promesse d’électrification qui reste lettre morte. Il déplore également le manque criant d’eau potable et l’extrême pauvreté qui pousse des personnes de tout âge à mendier.
Marie-Goreth Ndabirorere appuie : « Si la prochaine administration amène l’eau et l’électricité, ce sera une grande joie. »

De son côté, Mathias Sinamenye, la quarantaine, demande à la future administration et aux parlementaires de mettre tout en œuvre pour réhabiliter la RN9 qui se trouve dans un état déplorable : « Je supplie vraiment les prochains élus, qu’ils soient originaires de Bubanza ou non, de faire le maximum pour remettre en état la route nationale numéro 9. Elle est extrêmement délabrée, truffée de nids-de-poule béants. Les usagers arrivent véritablement épuisés à Bubanza. De plus, des accidents peuvent survenir lorsque les conducteurs de voitures, de motos ou de vélos tentent d’éviter ces dangereuses cavités », déclare-t-il.

Inégalités sociales et favoritisme politique

Du côté des jeunes, la frustration s’installe et se mue parfois en résignation. Jean-Claude Bigirimana, membre et conseiller du secrétaire du parti Uprona dans la nouvelle commune élargie de Bubanza, en est un exemple criant. Diplômé depuis plus de quinze ans, il n’a toujours pas réussi à décrocher un emploi stable. « A chaque fois que je passe un test de recrutement, je me rends compte que le résultat est déjà connu à l’avance. Ce sont les jeunes du CNDD-FDD qui sont retenus même lorsque leurs compétences sont moindres », affirme-t-il amèrement.Pour lui, cette inégalité systémique sur le marché de l’emploi est non seulement une injustice, mais aussi un frein au développement du pays. « J’ai fait des études, j’ai les qualifications, j’ai de l’expérience sur le terrain, mais je suis toujours écarté. Cela fait plus de quinze ans que j’attends. Je ne demande pas un traitement de faveur, mais seulement des chances égales. »

Jean-Claude Bigirimana : « L’inégalité systémique sur le marché de l’emploi est un frein au dévéloppement »

Jean-Claude Bigirimana déplore une méritocratie mise à mal par l’appartenance politique. Il appelle à une réforme profonde des processus de recrutement dans les services publics et parapublics. « Tant que les jeunes seront jugés non pas sur leur mérite, mais sur leur carte de parti, il ne pourra y avoir ni justice sociale ni progrès. »

La question foncière demeure particulièrement délicate dans la commune Bubanza où la pression démographique rend l’accès à la terre de plus en plus difficile. Denis Ndikumana observe une évolution préoccupante dans les pratiques locales : « De nombreux habitants en sont réduits à cultiver des parcelles en métayage, partageant ensuite la récolte à parts égales avec les propriétaires. » Une solution de survie qui témoigne de l’ampleur de la pression démographique.

La survie avant tout

Si les femmes s’enrôlent en nombre sur les listes électorales, elles restent peu représentées parmi les élus. Pour Marie-Goreth Ndabirorere, tout est question de volonté et de changement de mentalité. « Les femmes de nos jours ne sont pas comme celles d’hier, il y a eu cette évolution de la mentalité et c’est une bonne chose », déclare-t-elle.

Assis devant une maison en regardant les voitures qui passent, Jean Claude, le chef collinaire adjoint de la colline Buhororo 2, affirme que la cohabitation sur sa colline est bonne. La préoccupation majeure de la population est la survie de tous les jours.

Il fait savoir que sur sa colline, l’approche des élections ne les dérange pas : « Personne ne s’inquiète sur cette colline, et toute la population travaille main dans la main sans distinction. Mais, parmi les défis auxquels la population fait face figure le manque d’eau potable. »

Sur la question concernant la participation des jeunes et des femmes dans les organes de prise de décision, il précise que les femmes ont une chance minime vue qu’entre elles, la confiance ne règne pas : « Les femmes n’élisent pas les femmes parce qu’elles ne se font pas confiance. »

Pour les dirigeants, que ça soit ceux en place ou les futurs élus, Jean-Claude demande le développement notamment une école : « Notre colline manque une école pour nos enfants. Ils font plusieurs kilomètres et en dehors de notre localité. Il faut aussi l’eau potable parce que pour en avoir, nous devons longuement marcher pour trouver un robinet. »

Ce qui est surprenant par rapport au manque d’eau, à quelques mètres de la maison de Jean-Claude, un tuyau d’eau traverse sa colline et personne ne sait les localités qu’il dessert. Le tuyau est visible parce qu’il sort de la terre et suinte. Il a été abîmé par les vélos qui lui passent dessus en transportant du palmier à huile vers une usine de transformation. Un simple raccordement suffirait pour que la colline Buhororo ait l’eau dont elle a besoin.

Un autre point que le chef collinaire adjoint soulève est le code électoral. Personne sur sa colline ne sait même pas ce que c’est. Il dit que la population devrait être sensibilisée pour qu’elle s’imprègne de ce code avant les élections.

Pour ce chef adjoint, les futurs dirigeants devraient beaucoup penser à la population parce que la pauvreté hante sa colline.

Fidèle Nicayenzi, un septuagénaire de la colline Shari 2, ne mâche pas ses mots : « Les élus ne font rien après les élections. L’argent commande tout. J’ai dénoncé un homme riche qui a construit sur une route qui mène chez moi. Mais l’administration communale m’a renvoyé vers les élus collinaires, dont le chef collinaire, qui est complice. »

Il plaide pour une refonte profonde des pratiques gouvernementales, exhortant les futurs élus à consacrer leur mandat au service de l’intérêt collectif et à l’amélioration des conditions de vie de la population sans discrimination.

Un espoir conditionné au leadership

Tout en reconnaissant l’importance des élections, Eric Ndacayisaba, qui représente les affiliés au parti Uprona estime que l’enrôlement a été fait par les membres de son parti. Il fait savoir que tout changement s’opérera à travers les élections.

Néanmoins, il fait savoir que les irrégularités se sont fait observer dans la mise en place des mandataires aux élections au niveau de la commune, de la province, et même au niveau du pays même si notre parti a pu avoir quelques-uns parmi ces mandataires.

Il explique ces irrégularités par le peu de mandataires de son parti dans les centres d’enrôlement : « Dans la commune de Bubanza à titre d’exemple qui a 8 zones, notre parti n’était représenté que des mandataires ne dépassant pas 10, avoir 10 mandataires seulement parmi plus de 290 est largement très peu. »

Eric Ndacayisaba,l’un des représentants du parti Uprona dans la commune élargie de Bubanza

Pour lui, avoir droit à 10 mandataires parmi plus de 290 pour son parti est comme une exclusion.
Il estime en outre que son parti s’est conformé à la loi électorale en impliquant les jeunes et les femmes dans les organes de prise de décision : « Mon second sur la liste électorale par exemple est une femme, et les jeunes aussi qui ont un âge régit par la loi ont été mis sur les listes. »

Selon Eric Ndacayisaba, chaque politicien doit faire en sorte d’avoir les voix nécessaires et considère les élections comme une course vers le pouvoir. Il fait savoir que même si le programme que son parti va mettre en avant ne lui a pas encore parvenu, il a déjà commencé la pré-campagne pour constater l’état d’esprit des membres dans 5 zones parmi les 8.

Pour lui, le projet de société de son parti se base sur les problèmes à résoudre parmi ceux qu’endure la population : « La population de Bubanza à besoin des projets de développement pour la sortir de la pauvreté, toute la population vie dans la précarité et elle a faim et la cause est ce manque de produits de première nécessité. »

« Sans se voiler la face en considérant les années antérieures, et même dans les années de crises, les produits de première nécessité ne manquaient pas comme on le voit maintenant et ce n’est pas qu’il y a un manque, mais il y a mauvaise organisation. »
Dans sa pré-campagne, Eric Ndacayisaba fait savoir qu’il est en train de sensibiliser le code électoral pour que les membres de son parti soient au courant des limites à ne pas dépasser.

La colline de Shari 1, équipée de poteaux éléctriques mais toujours sans courant

À Bubanza, les électeurs semblent avoir tourné la page des tensions politiques. Mais, la page de la pauvreté, elle, reste bien ouverte. Eau, électricité, équité entre jeunes, inclusion des femmes, lutte contre la corruption… Les défis sont nombreux. Et les prochaines élections seront un test de crédibilité pour les futurs élus.

Une certaine réserve semble s’être progressivement installée parmi la population de la commune Bubanza. Les échanges, même sur des sujets anodins, donnent désormais lieu à des silences pesants et des réponses mesurées.


« La représentativité des femmes n’est pas encore satisfaisante. »

Pour les jeunes filles et les femmes de la commune Bubanza, les projets qui les concernent devraient être mis en avant et suivis de près. De plus, elles demandent que la représentativité des femmes au sein des partis politiques soit portée au moins à 40 % au lieu de 30 %.

« Je ne suis affiliée à aucun parti politique, mais je me suis fait inscrire. Pour voter, j’écouterai les projets exposés par les hommes politiques », raconte Alphonsine Keza, une habitante de la commune Bubanza. Elle demande aux futurs candidats de résoudre certains problèmes de la localité. « Ils devraient se concentrer sur les projets agricoles. L’engrais chimique n’est plus disponible par exemple. La dernière saison, j’ai acheté l’engrais à 6 000 FBu le kilo alors que chez Fomi, il s’achète à 2 500. »

Marie-Goreth, la seule cheffe de colline dans la commune Bubanza

Elle ajoute avoir cultivé un demi-hectare qui consomme environ 25 kg de Totahaza, une sorte d’engrais chimique, soit une dépense de 150 000 FBu, le double de la somme initiale si l’engrais avait été disponible chez Fomi et sans compter les dépenses liées aux semences, à la main-d’œuvre, etc. « Voilà que même cette saison, il n’y a pas d’engrais. C’est un calvaire pour nous, agriculteurs. Lorsqu’il y a un petit changement climatique et que la récolte est mauvaise, vous comprenez que nous mourons de faim », déplore-t-elle.

Doriane Mugisha, militante du parti au pouvoir, ne demande que la paix dans le pays. « C’est en vain que nous présentons d’autres doléances. Regardez l’état de cette route (Bubanza-Bujumbura), par exemple. Vous croyez que ces dirigeants ne l’ont pas encore remarquée ? » Pour elle, tout le monde a intérêt à maintenir la paix. C’est pourquoi elle ne plaide que pour la tranquillité afin de travailler sereinement. « Qu’ils maintiennent la paix. Pour le reste, nous allons nous battre. »

Pour une autre jeune habitante de la commune Bubanza, s’affilier à un parti politique est dangereux. « Vous vous battez pour un poste politique. Pire, vous y laissez même la vie. Je n’aime pas ces tensions », souligne-t-elle. Elle plaide elle aussi pour la paix durant la période électorale. Les personnes affiliées aux partis politiques sont invitées à faire campagne dans le calme. « Partis politiques, veuillez sensibiliser vos jeunes pour qu’ils ne sèment pas la pagaille dans la société. Et qu’ils ne cherchent pas à nous faire adhérer à leur choix politique par la force !»

Les femmes de Bubanza dénoncent des promesses non tenues

« Les futurs candidats doivent tenir leurs engagements. Nous avons un problème d’eau potable, d’électricité et de soins médicaux appropriés. Il n’y a pas suffisamment d’établissements sanitaires alors que cela avait été promis lors des précédentes élections », se lamente une habitante de la même commune.

Selon cette dame, certains habitants vivant dans les zones reculées peinent à regagner leurs domiciles faute d’éclairage public. « Des habitants de la colline Ngara passent souvent la nuit en ville. Ils ne peuvent plus rentrer tard. Qu’ils poursuivent les projets d’électrification afin que tout le pays soit couvert !»

Léa Minani, la trentaine, témoigne : « Je ne suis d’aucun parti politique. D’ailleurs, lorsqu’arrivera le moment de voter, je choisirai le parti que mes amis me recommanderont. En principe, je ne connais que l’actuel parti au pouvoir. » Elle demande également au pouvoir qui sera en place de suivre de près le phénomène de la polygamie à Bubanza. Selon elle, les hommes qui abandonnent leurs foyers devraient être sévèrement punis par la loi. « Beaucoup ne reconnaissent pas légalement leurs enfants. Certains ne sont pas inscrits à la commune ou le sont sous la mention “père inconnu. »

Elle évoque aussi la rareté des fertilisants et regrette que, même lorsqu’un champ lui est prêté, elle ne puisse pas l’enrichir faute de moyens. « Je ne peux pas me permettre d’acheter l’engrais à 6 000 FBu le kilo. C’était déjà difficile quand il coûtait 2 500 FBu. » Elle déplore également de ne pas avoir le temps de participer aux réunions organisées par la commune pour sensibiliser la population sur la conduite à adopter pendant la période électorale.

« Nous nous préparons aux prochaines échéances électorales en toute tranquillité. Nous faisons des descentes dans les différentes zones pour voir comment nos partisans se préparent, et nous sommes très fiers de leur état d’esprit », confie Nadine Ndayishimiye, représentante de l’Union des femmes du Burundi (UFB) à Bubanza affiliée au parti Uprona.

Selon elle, la représentativité des femmes n’est pas encore satisfaisante. Elle devrait être portée à au moins 40 %, car les partis politiques se contentent généralement de totaliser les 30 % exigés par la Ceni. « Les femmes viennent généralement en troisième position sur les listes électorales. Elles ne sont presque jamais placées en tête de liste. Cela nuit à notre représentativité à un niveau équivalent à celui des hommes. »

Elle trouve que durant la prochaine campagne électorale, les projets visant à promouvoir les jeunes et les femmes devraient être mis en avant et suivis de près. « Je salue l’initiative du gouvernement burundais d’avoir instauré le PAEEJ comme organe de soutien à la jeunesse. Mais il doit y avoir un suivi régulier pour éviter que les fonds de l’État ne soient gaspillés », suggère-t-elle.

École fondementale de Ruvumvu, des enfants se promènent pendant la récréation

En ce qui concerne les femmes, elle invite la Banque des femmes à continuer d’accorder des prêts bancaires afin de contribuer à leur autonomie financière. « La province de Bubanza a un sol fertile. Les femmes y cultivent du riz et du maïs. Il faudrait leur donner un coup de pouce, car elles peuvent aussi contribuer au développement du pays. »

Selon Olive Niyonkuru, administrateur de la commune Bubanza, le degré d’enrôlement a été satisfaisant et la population se prépare en chœur aux élections de 2025. « Les partis politiques en activité sont CNDD-FDD, CNL, Ranac, Uprona, Frodebu et APDR. Et leurs membres cohabitent pacifiquement. »

Concernant le développement des jeunes et des femmes, l’administrateur assure qu’il y a un budget alloué aux coopératives fondées par ces derniers. « C’est au tour des jeunes d’intégrer ces programmes, car la commune cotise même au niveau de la BIJE », souligne-t-elle.

A toute la population, aux jeunes en particulier, Olive Niyonkuru conseille de garder une bonne conduite au cours de ces échéances électorales. « Les élections doivent se dérouler en paix.
J’incite la jeunesse à ne pas succomber aux discours de haine. »
Aux journalistes, elle recommande de diffuser des informations véritables, se rendre eux-mêmes sur le terrain. Et aussi discuter avec les administratifs.


« Nos élus ne nous servent à rien. »

Les femmes de la colline Shari 2 de la commune Bubanza ne voient pas l’importance d’élire ou de se faire élire. La précarité de la vie qu’elles mènent leur ôte l’envie de participer aux élections.
La colline de Shari 2

Pour arriver sur la colline Shari 2, les habitants doivent faire plusieurs centaines de mètres à pied depuis la RN9 parce que la route ne permet pas l’accès de la colline en voiture à cause de son état.

Au centre de la colline, devant une boutique, trois femmes papotent. Elles ne trouvent aucune importance dans les élections. Les élections précédentes ne leur rien rapportaient parce que la vie précaire d’avant est restée la même : « Ceux que nous avons élus n’ont jamais approché les bienfaiteurs pour aménager les routes ou nous faire parvenir des tôles pour nos maisons. Ça ne sert à rien de voter pour quelqu’un qui ne fait rien », avoue l’une d’elles.

« Nous soumettons tous les problèmes qui freinent notre auto-développement aux élus locaux, mais ils ne font rien après », se plaint une autre.
Avant les élections précédentes, les femmes de cette localité disent que les besoins élémentaires avaient été exposés aux futurs candidats, mais la situation est restée la même : « Quand ils viennent ici, ils ne nous laissent que la poussière de leurs voitures. Les poteaux des lignes électriques sont là, mais nous n’avons pas les moyens de raccorder jusque dans nos maisons. »

Elles font savoir qu’elles se sont faites enrôler pour voter mais pas pour participer dans les organes de prise de décisions parce que l’assurance qu’elles ont de ne pas être élues est sans appel : « Les petites gens comme nous resterons toujours derrière », regrettent-elles.

L’enrôlement en masse des femmes ne conditionne pas leur place dans les organes de prise de décision

Concilie Ndayishimiye de la même colline avoue que toutes les femmes de sa localité qui auraient cette envie de se faire élire sont freinées par leur manque de moyens : « Nous n’avons pas de moyens pour donner à ceux qui voudront nous élire pour les représenter. Tu ne peux pas appeler les gens à venir voter pour toi gratuitement comme ça. »

Bien qu’elles soient en nombre supérieur aux hommes, elle fait savoir que les femmes de sa localité ne se font pas confiance : « Moi par exemple, je voterais même pour un étranger qui a quelque chose à me donner. »

Annonciate Nibaruta regrette quant à elle les élus qui ne pensent jamais au développement de sa colline. Les routes sont délabrées et elle appelle les élus ou les futurs élus à penser au développement : « Les gens pauvres comme nous ont besoin d’être soutenus pour nous hisser à un niveau supérieur. »

Pour elle, aucun projet d’auto développement n’a jamais était entrepris pour les femmes et elle regrette l’absence des autorités élus qui ne s’impliquent pas : « Ce sont ceux qui sont dans les organes de prise de décision qui devraient nous encadrer dans des associations pour qu’on ait de la chance nous aussi, mais hélas »

Pour Evelyne Niyonkuru, un capital est nécessaire pour les relancer : « Nous avons très peu de moyens et ces élus devaient penser à nous aider. » Elle évoque la question du manque de fertilisants qui occasionne la mauvaise récolte. Selon elle, elle ne pourra jamais se lancer dans l’auto développement.

Hamza Venant Burikukiye : « Pour le moment la priorité, c’est la paix et la sécurité. »

« Nous saluons la maturité de nos hommes politiques et de la population burundaise affichée jusqu’ici dans cette période pré-électorale caractérisée par une accalmie jamais vue dans les périodes passées », se réjouit le représentant légal de l’Association Capes+.

D’après lui, l’esprit démocratique a déjà conquis les Burundais. « Les élections sont déjà une chose habituelle prise pour une compétition et non une rivalité voire une confrontation. » Hamza Venant Burikukiye trouve que pour le moment la priorité c’est la paix et la sécurité et ensuite la justice sociale, le renforcement du respect des droits humains, la bonne gestion de la chose publique vers le renforcement d’une bonne gouvernance, reflet d’un Etat de droit. « Ainsi, on aura à asseoir un terrain et climat favorable aux investissements pour un développement national : secteur énergétique, infrastructure et logements sociaux, environnement. »

Hamza Venant Burikukiye exhorte les Burundais à rester sereins et solidaires au cours de la période électorale. « Les élections sont un exercice démocratique et non un moment de discorde ni de conflits. C’est une compétition citoyenne de gouvernance démocratique qui permet au peuple de choisir lui-même ses destinées par la voie de vote. »

Avant les élections, poursuit-il, les citoyens doivent se préparer avec enthousiasme et esprit compétitif où il y a un gagnant et un perdant. « Pendant le vote, il faut éviter les manipulations, mais suivre plutôt d’une façon responsable les instructions de vote telles qu’indiquées par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni). « Il faut que le calme et l’ordre règnent aux bureaux de vote, revendiquer honnêtement et d’une façon paisible sans provocation ni dérapage agressif. Après le vote, il faut respecter le verdict des urnes, féliciter le gagnant, collaborer pour servir ensemble la nation. Surtout éviter l’anarchie et le négativisme. »

Privat Kwizera : « Les jeunes doivent éviter d’être instrumentalisés. »

Le porte-parole de la Force de lutte contre le Népotisme et le Favoritisme au Burundi (Folucon-F) trouve que les hommes politiques devraient mettre en avant le respect et la protection de la chose publique.

Pour lui, le respect des lois fondamentales du pays permettra la mise en application des projets de développement : « Les hommes politiques devraient travailler ensemble parce qu’ils ont les mêmes projets. Il suffit qu’ils les exécutent. »

En ce qui est des jeunes, le porte-parole estime qu’ils doivent mettre en avant leurs propres intérêts à 80% et les intérêts des partis politiques à 20% parce que, ni la scolarité, ni les soins de santé ou tout autre besoin ne sont pas payés par le parti : « Le parti dépend de ses membres et pas le contraire. »

« Pour Folucon-F, nous sensibilisons les jeunes d’éviter d’être instrumentalisés à l’approche des élections parce que nous avons constaté que beaucoup de jeunes ont été utilisés dans la déstabilisation comme en 2015 où des jeunes ont détruit des routes. Ceux qui les ont manipulés ont essayé un coup d’Etat parce qu’ils avaient leurs propres intérêts. »


Interview avec Jacques Kenese

« La grande préoccupation est la vie de tous les jours. »

Faire profil bas pour éviter les accrochages entre les jeunes affiliés aux partis politiques ; la non considération de faire partie des organes de prise de décision ; noyer le désespoir dans l’alcoolisme sont les situations que vivent les jeunes et les femmes de la commune Bubanza tel que le décrit Jacques Kenese, ancien gouverneur et natif de la province de Bubanza en même temps président du parti Mouvement des patriotes humanistes (MPH).

Au niveau de votre parti, quel est le niveau de participation des jeunes et des femmes dans la province de Bubanza notamment dans les organes de prise de décision ?

Le code électoral est louable dans la mesure où la non-représentativité des femmes exclue le parti. Ce n’est pas chose facile d’impliquer les femmes en politique parce qu’elles ne trouvent pas de raison valable de faire partie des organes de prise de décision.

Elles ne trouvent pas une plus-value apportée à la population par celles qui sont déjà impliquées dans la politique. Cette contrainte nous demande beaucoup d’effort pour les impliquer. Mais, malgré tout, nous sommes obligés de les inclure.

Une autre raison est le manque de motivation par rapport à l’environnement social, mais après tout quand les femmes s’engagent, elles s’engagent à fond. A titre d’exemple, la vice-présidence de notre parti est occupée par une femme. Ce qui est un bon exemple pour les autres femmes.

Pour ce qui est de la conformité à la loi électorale, nous avons 30% des femmes. Malgré les difficultés pour avoir 50 candidats, ça a été un grand combat parce que les femmes ne voient pas ce que leur implication va changer.

La sensibilisation n’a pas encore atteint un niveau satisfaisant à cause des difficultés de pouvoir atteindre les populations sur toutes les collines de la province, mais avec les moyens de communication, on essaie même si ce n’est pas évident.

Certains partis ont des moyens et peuvent mobiliser beaucoup de personnes, ils répondent présent, mais après n’y trouvent aucune importance. Le plus souvent, ils vous écoutent quand vous vous présentez avec un sac de riz et de haricot.

Et les jeunes ?

Toutes les tranches d’âge ont leur place dans notre parti. Sur 50 au niveau communal, c’est-à-dire 25 effectifs et 25 suppléants, la moyenne d’âge se situe entre 25 et 45 ans. Je dépasse la moyenne, mais nous avons fait en sorte que les jeunes soient impliqués.

Comment se présente la cohabitation des jeunes affiliés aux partis politiques ?

Il n’y a pas de heurts entre les jeunes parce qu’on dit en Kirundi « uwufise umutwe muto awurinda uruguma ». Certains jeunes affiliés aux partis ont adopté le profil bas. Autant ne pas remuer parce qu’on risque gros.

Un autre adage dit « impfizi yiganje yimya izindi zibona » qui dit que quand tu n’as pas cette capacité de pouvoir t’imposer comme tout Burundais qui se respecte, tu adoptes le profil bas. Celui qui est plus fort, il agit pratiquement seul.

C’est pratiquement rare que les jeunes dans cette province se rentrent dedans. Au contraire, ce sont les jeunes d’un même parti qui peuvent se rentrer dedans parce qu’ils sont forts les uns comme les autres. Les autres partis gardent le profil bas. En général, la cohabitation n’est pas coercitive.

Quelles sont les grandes préoccupations des jeunes et des femmes ?

La grande préoccupation est la vie de tous les jours. Chacun se focalise sur comment il va vivre aujourd’hui et demain. Nous intervenons dans la conscientisation pour leur faire savoir que l’avenir n’est pas bouché parce que l’avenir est ce que l’on veut qu’il soit. Il y a plusieurs paramètres pour un avenir meilleur que je veux, mais il faut que je m’implique pour changer l’avenir.

Certains sont découragés, mais d’autres travaillent. Le point positif du gouvernement est le fait qu’il essaie d’impliquer les jeunes avec les coopératives, les banques des jeunes, des organismes qui aident les jeunes à pouvoir entreprendre. Ce n’est pas encore évident de pouvoir bénéficier de ces possibilités pour entreprendre. Il faut être vigilant parce que ce n’est pas donné à tout le monde.

Les fonds alloués ne sont pas élastiques et les demandes sont nombreuses. Ceux qui en bénéficient sont triés sur le volet.

Qu’est-ce qu’ils attendent des futurs dirigeants selon vous ?

Les jeunes veulent du travail, ils veulent être plus écoutés. Certains trouvent qu’ils sont mis à l’écart, mais ils devraient eux aussi s’impliquer. Ils veulent un environnement propice pour pouvoir créer et on ne s’en rend pas compte.

Le droit d’expression aussi n’est pas très accepté. Ils ne peuvent pas réellement dire ce qu’ils veulent et cela n’est pas seulement au niveau des jeunes. On ne peut pas critiquer la réalité des choses. Ils demandent que le droit d’expression soit élargi parce que l’espace est un peu restreint.

Pour revenir à l’état d’esprit des jeunes, tout ce qu’on a évoqué se traduit par l’alcoolisme des jeunes dans cette province. Heureusement qu’ils ne sont pas nombreux, mais certains en meurent.

Ils sont rongés par le désespoir, et ils se disent que boire une ou deux bouteilles, ça va les aider à oublier la situation du moment. Mais, petit à petit, ils finissent par être dépendants.

Cette situation incite certains à détester la politique parce que les difficultés auxquelles ils font face sont causées par la politique. Ils se disent que la cause de leurs malheurs est le politicien. Du coup, tous les politiciens sont les mêmes.

Ils ne disent pas qu’ils sont pourris, mais il y en a qui le sentent ou qui le perçoivent comme ça.

Quelles sont vos recommandations ?

J’espère tout d’abord que beaucoup de jeunes se sont fait enrôler pour pouvoir voter. Ensuite, j’espère que les élections seront transparentes. Ils doivent savoir que si on ne vote pas, ceux qui votent, votent pour toi ou contre toi. Aussi, un parti qui gagne applique son programme.

Il faut donc que tous aillent voter pour que les choses puissent changer et comme la politique est la garante de la chose publique, en s’impliquant, les choses pourront changer.

Nous sentons qu’il y a des contraintes et la peur est là parce que chacun se demande ce qui va se passer. La fièvre n’est pas encore trop élevée du fait que les gens ne perçoivent pas les élections à venir comme les élections présidentielles, mais elles sont aussi importantes.

Certains ne saisissent pas comment la politique se joue, mais ces élections sont très importantes, elles sont la base. Les appréhensions diffèrent aussi d’un parti à l’autre.


Rencontre avec Fabien Banciryanino

« Les habitants de la province de Bubanza ont besoin d’une route praticable. »

Ancien député élu dans la circonscription de Bubanza et candidat du parti Uprona pour les prochaines élections, Fabien Banciryanino trouve que les résultats des urnes vont dépendre de la volonté du parti au pouvoir, car les autres partis ont été exclus dans la préparation des prochaines élections.

Comment évaluez-vous le processus électoral en cours ?

Les gens vivent dans un dénouement total. Ils manquent de tout. Les élections ont été reléguées au second plan. Vous avez entendu que nombre de Burundais étaient réticents pour se faire enrôler jusqu’à utiliser la force pour les obliger à se faire inscrire. Les Burundais sont dépités par la situation de précarité dans laquelle ils vivent. Pour eux, ce sont des simulacres d’élections.

Comment ?

Les élections dignes de ce nom remontent en 1961 lorsque le Burundi cherchait son indépendance. Les autres élections ont toujours été une source de problèmes. Personne ne voit l’intérêt d’organiser des élections au Burundi.

Les habitants de la province de Bubanza se lamentent que les projets présentés par les candidats ne sont jamais réalisés. Votre commentaire.

Effectivement. Les hommes politiques annoncent des projets, mais leur réalisation reste problématique. Sur le papier, les projets sont impeccables. La population ne trouve rien d’intéressant dans l’organisation des élections.

Les Burundais manquent presque tous les produits de première nécessité. A Bubanza, il n’y a pas de routes praticables. Les gens ne savent pas comment ils vont récolter le riz à cause de ce manque de routes. Ils ont été sommés de payer l’argent pour les engrais chimiques. Ils les ont attendus en vain. C’est honteux. La vie est devenue invivable.

Selon certains jeunes de Bubanza, les emplois sont octroyés aux seuls militants du CNDD-FDD. Est-ce votre avis ?

C’est la vérité. Un enseignant vacataire passe des années sans être engagé dans la Fonction publique. A la fin, on engage un autre enseignant, militant du parti au pouvoir. C’est frustrant.

Quid de la cohabitation politique en province de Bubanza ?

Un habitant de Bubanza qui n’est pas membre du parti au pouvoir n’est pas en paix. Les militants du parti CNL sont souvent malmenés. Ils sont emprisonnés. Les militants du parti Sahwanya Frodebu ont été aussi malmenés à Mitakataka. Les partis politiques de l’opposition ne sont pas tolérés.

Ils ne peuvent pas organiser des réunions. Les militants du partis CNDD-FDD exercent une pression sur les propriétaires des salles de réunions pour que les autres partis ne les louent pas. Cela nous est arrivé au moins trois fois.

Quels sont les projets que les candidats doivent mettre en avant ?

Les habitants de la province de Bubanza ont besoin d’une route praticable. Ils ont également besoin de l’eau pour arroser les champs de riz. Vous savez que l’argent prévu pour la construction du barrage de Kajeke a été détourné. Ce dernier aidait beaucoup dans l’arrosage des champs. Aujourd’hui, c’est la guerre entre les riziculteurs à cause de l’eau.

L’électricité est aussi insuffisante. La population regrette le barrage de Mpanda qui n’a pas été construit. Ce qui fait mal est que le projet a été saboté par un ressortissant de la province de Bubanza. Dans certaines localités, les élèves s’assoient par terre. Il faut des bancs-pupitres surtout dans la commune Mpanda aux écoles de Gako et Mugaruro.

Que font alors les natifs de la province ?

Depuis 2005, la province de Bubanza a eu de la chance plus que d’autres provinces. Nous avons eu un secrétaire général du parti au pouvoir, un président de l’Assemblée nationale, un président du Sénat, un 2e Vice-président de la République. Nous avons également eu des ministres et des hauts cadres de l’Etat. Mais, tout ce monde n’a rien fait pour développer la province.

Selon Fabien Banciryanino, les habitants de la province Bubanza regrettent la nonconstruction du barrage de Mpanda.

Quels conseils pouvez-vous donner aux jeunes ?

Il n’y a aucun signe qui montre que les hommes politiques se soucient de la jeunesse. On remarque même que les projets initiés par le gouvernement bénéficient aux militants du CNDD-FDD seulement. Les jeunes doivent se battre pour entreprendre afin d’assurer leur avenir. Les jeunes doivent également rester à l’école pour au moins avoir un diplôme. Ce n’est pas une bonne chose que les jeunes abandonnent les études pour aller travailler ou pour aller se marier.

Que diriez-vous aux hommes politiques pour que les élections se passent dans de bonnes conditions ?

Je ne vois pas de partis politiques sur le terrain. Il y a seulement le CNDD-FDD et quelques fois l’Uprona. Le parti au pouvoir ne veut pas de compétition. Vu comment les élections sont organisées, je n’espère pas grand-chose. Il n’y a pas d’observateurs indépendants.

En 2005, la sous-région et l’ONU se sont impliquées en envoyant des observateurs. Aujourd’hui, les élections sont supervisées par les gens du parti au pouvoir. Ça serait étonnant qu’elles soient transparentes, car les autres partis ont été exclus dans la préparation. La Commission électorale nationale indépendante (Ceni) et ses démembrements sont l’émanation du CNDD-FDD. Les résultats des urnes vont dépendre de la volonté du parti au pouvoir.

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