Les employés de l’entreprise demandent que justice soit faite. Depuis 2019, le rétablissement dans leurs droits reste un mirage. Toute autorité qui promet de prendre l’affaire en main se mue dans un silence inexpliqué. Les employés accusent la société de verser des pots-de-vin pour étouffer toutes les accusations.
Le 28 juillet 2025, l’entreprise tanzanienne connue sous le nom d’Azania (Ngagara grain milling company) située dans le quartier IX de l’ancienne zone Ngagara se retrouve assiégée par ses employés. Personne ne traverse la grande entrée. Devant le portail, des branches, des poutres et des brindilles bloquent l’accès. Une grande affiche est aussi bien visible, avec des écriteaux en grands caractères. On peut notamment lire sur la banderole : « Dutabare, Dutabare » (blocage vision 2040-2060), qui veut dire « Sauvez-nous ! Sauvez-nous !». En bas du titre, un nota bene montre 480 millions BIF d’impôts impayés par l’entreprise. Et c’est la même somme que les employés réclament.
Depuis 2019, ces employés disent que l’entreprise a tout fait, y compris des versements de pots-de-vin, pour étouffer l’affaire qui l’oppose à ses propres employés. Depuis lors, des renvois abusifs ont commencé à voir le jour.
Les employés actifs se sont joints à ceux qui disent qu’ils ont été licenciés abusivement. Tous réclament la même chose, à part une jeune fille qui dit qu’elle vient de passer deux semaines seulement. Ils sont tous déterminés et affirment leur volonté de rester devant l’entrée de l’entreprise. « Nous allons rester ici jusqu’à ce que justice soit faite. Nous allons amener des casseroles ici pour cuisiner s’il le faut et personne ne va entrer », disent-ils à l’unisson.
Plusieurs policiers ont été dépêchés sur les lieux et observent le mouvement. Ils attendent un ordre pour agir. Certains d’entre eux discutent avec les employés.
Seul l’avocat de la société a le droit de parler
Dans un bureau du « general manager », Hassan, d’origine yéménite, refuse de parler et demande d’attendre l’avocat de la société. Les grévistes ne peuvent pas le laisser entrer, de même que le chargé des finances. Seuls la police et les journalistes peuvent passer.
Emile Ndayizeye, avocat de l’entreprise, arrive dans une double cabine. Il veut entrer, mais il est hué par les grévistes qui le bloque.
Il est inquiet et se tourne vers le chef des policiers qui observent la scène. « Demandez à vos hommes de disperser ces personnes. Ce n’est pas comme cela que les choses se passent. Quand on a des réclamations, il y a une voie légale à suivre. »
L’avocat fait savoir que tous les employés présents n’ont jamais présenté les documents justificatifs depuis la sentence arbitrale du 20 décembre 2019. Ce que les employés réfutent. Ils exhibent devant lui des documents dans lesquels se trouvent des relevés bancaires.
Pour ce qui est marqué sur la banderole, l’avocat trouve que « c’est bien de dénoncer, mais barricader n’est pas la solution ». Il réalise qu’il ne sera pas écouté ni par les employés ni par la police. Il décide alors de partir pour revenir plus tard avec les chefs de la police locale.
Une énième commission qui rassure à moitié
Venuste Muyabaga, ministre de la Fonction publique, du Travail et de l’Emploi, arrive sur les lieux. Il écoute les responsables de l’entreprise représentés par Emile Ndayizeye et les employés. Ces derniers rassurent que le ministre a les copies de tous les jugements rendus en leur faveur sur cette affaire. Ils acceptent tout de même de se défendre encore une fois devant lui.

Le ministre convoque les deux parties pour le lendemain à 14 h dans les enceintes de l’entreprise avant de changer le jour en appelant les employés en grève à se rendre au ministère à 15 h le surlendemain. A l’heure fixée, le ministre est en réunion. Ils sont obligés de l’attendre.
A son arrivée, le ministre écoute les employés et l’avocat de l’entreprise. Il demande à Emile Ndayizeye les fiches de paie des employés de l’entreprise. Les employés montrent quant à eux leurs historiques bancaires.
L’inspecteur général du ministère est désigné pour présider une commission qui va statuer après évaluation des documents. Ce qui ne rassure pas complètement les employés.
Elysée Ndikubugingo, un des employés qui a suivi l’affaire depuis la sentence arbitrale du 20 décembre 2019, fait savoir qu’ils vont continuer, comme ils l’ont toujours fait, de fournir à la commission toutes les preuves nécessaires jusqu’à ce que justice soit faite.
« Depuis la date de la sentence arbitrale, le même ministère a toujours signé la mise en exécution, mais en vain. En date du 17 mai 2021, nous avons envoyé au président de la République un document qui montre une somme de 480 millions de BIF d’impôts impayés et toutes les magouilles de cette entreprise, mais ceux qui ont dénoncé ont par après été licenciés abusivement, » ajoute-t-il.
Il rappelle qu’en octobre 2021, le président de la République avait dépêché une commission présidée par un certain Sagaba et que l’enquête de la commission a duré deux semaines. Pour lui, la commission a pu se rendre compte qu’il y a des salaires de certains employés qui ne sont pas déclarés à l’Office burundais des recettes parce qu’ils sont en devises.
« Après la sortie du rapport de cette commission, 4 ans viennent de s’écouler sans que rien ne bouge. D’ailleurs, la situation n’a fait que se dégrader », fait-il remarquer.
Il fait savoir qu’ils vont travailler avec cette nouvelle commission mise en place par le ministre tout en espérant que cette fois-ci, la justice va être rendue.
« Celui qui représente les employés burundais, le “country manager”, Jérôme Mpagaze est basé au Rwanda. Il travaille en étroite collaboration avec Emile Ndayizeye pour faire taire toute voix qui s’élève pour dénoncer », conclut-il.