Vendredi 19 avril 2024

Politique

Tensions autour de Sabanerwa

Après l’incursion de militaires rwandais et la destruction d’une maison sur la colline litigieuse de Sabanerwa de la commune Mwumba en province de Ngozi, mardi 4 octobre 2016, un calme précaire s’observe. La population craint un affrontement.

L’îlot de la discorde
L’îlot de la discorde

«Les militaires burundais ont renforcé leurs positions. Ils sont plus nombreux qu’avant», confie P.K., un citoyen de la zone Gatsinda de la commune Mwumba en province Ngozi, à la frontière burundo-rwandaise. A quelques kilomètres de Sabanerwa, l’îlot litigieux, on remarque beaucoup de soldats burundais. «Il y a aussi un mouvement inhabituel d’agents du Service national du renseignement», renchérit un autre habitant de cette localité. Une tension règne tout près de cette île d’au moins quelques hectares.

D’après le colonel Gaspard Baratuza, porte-parole du ministère de la Défense, l’armée a, depuis l’incident de Sabanerwa, renforcé les positions militaires sur place. « Nous avons augmenté nos effectifs dans le but de renforcer la sécurité sur place. » Selon les habitants de la zone Gatsinda, le Burundi compterait y installer un camp militaire ou un village de la paix dans le but de protéger Sabanerwa «convoité par le voisin du nord.» Et le colonel Baratuza de rejeter ces informations : «C’est un îlot et il n’y a pas besoin d’y installer autant d’hommes.»

Et si les Rwandais revenaient ?

L’incident s’est déroulé mardi 4 octobre, à 10h du matin. Selon les témoins, des civils rwandais encadrés par des militaires rwandais ont démoli une habitation d’un Burundais vivant sur cette île. « Un des trois fils de la famille établie sur Sabanerwa s’occupait à construire une maison pour se marier», affirme l’administration locale. «Quand ils sont arrivés, ils ont sommé la famille de démolir de son propre gré la maison. La famille a un peu hésité. Ils se sont alors eux-mêmes chargés de détruire jusqu’à la fondation. Ils disaient que Sabanerwa appartient au Rwanda», raconte un témoin. Après la démolition, la famille a crié au secours. Des voisins de Rukurazo ont aussi appelé l’administration de Mwumba pour solliciter une intervention policière ou militaire.

«Et s’ils revenaient?» Cette question hante les habitants qui vivent tout près de Sabanerwa. Ils se demandent ce qui va se passer si une fois les militaires rwandais décident de revenir à Sabanerwa. «Nous craignons un affrontement entre les deux pays», témoigne Claver de la colline de Rukurazo, en commune de Mwumba. «Les Rwandais ne peuvent revenir car ils savent qu’ils ont commis une faute», assure Emmanuel Ndayizeye, administrateur de la commune Mwumba.

Selon lui, la situation est maîtrisée pour le moment. «Les Burundais peuvent circuler normalement dans leurs champs de riz qui entourent cette île.» L’administrateur tranquillise la population et indique qu’il discute de temps en temps avec les autorités rwandaises sur cette question. «Nous attendons les conclusions de la commission mise en place pour statuer sur ce conflit.» Quant au colonel Baratuza, il ne précise pas ce que compte faire l’armée burundaise pour protéger les habitants de Sabanerwa si des militaires rwandais reviennent. «L’armée saura évaluer la situation au moment opportun.»

Un confit qui ne date pas d’hier

Cette localité très fertile a toujours attisé la convoitise des deux pays. Selon les Rwandais, cet îlot leur appartient. « Sabanerwa était une forêt. C’est nous qui l’avons défriché. Les Burundais sont venus par après », dira un octogénaire rwandais. Ce qui n’est pas l’avis des Burundais. « Cette île appartient au Burundi et ça a toujours été ainsi», affirme mordicus, Jean Nahimana, un habitant de la zone Gatsinda. Même son de cloche de la part du gouverneur de la province Ngozi, Albert Nduwimana. «Les Rwandais n’ont aucun droit sur Sabanerwa car c’est un territoire du Burundi.»

En 2006, 2010 et en 2014, des militaires rwandais ont toujours fait des incursions sur Sabanerwa afin d’empêcher la famille qui y vit de construire des maisons. Pour le cas du 4 octobre, le porte-parole de l’armée rwandaise, René Ngendahimana, a nié cette incursion de Rwandais. « Cela montre déjà qu’ils veulent se l’approprier», s’indigne un habitant de la colline Rukurazo.

«C’est une question qui date de longtemps. Les frontières que nous avons aujourd’hui n’émanent pas de nous, elles viennent des colonisateurs», reconnaît Alain Guillaume Bunyoni, ministre de la Sécurité publique. D’après le ministre, une commission technique a été mise en place pour étudier la question des frontières du Burundi avec les autres pays limitrophes. « Cette dernière a déjà réglé la question avec la Tanzanie.»

«Une provocation de la part du Rwanda»

Alain Guillaume Bunyoni : «Nous pensons qu’il y avait une provocation de la part de nos voisins rwandais.»
Alain Guillaume Bunyoni : «Nous pensons qu’il y avait une provocation de la part de nos voisins rwandais.»

Concernant Sabanerwa, les deux parties se sont entendues à ne pas y ériger des constructions en attendant de trouver une solution. «La famille burundaise établie sur cette colline le sait bien qu’aucune maison ne peut être construite. Par mégarde ou malice, les citoyens peuvent créer des conflits entre deux pays.» Le ministre Bunyoni tient à rappeler aux Burundais qu’il y a des problèmes avec le Rwanda : «Il a entraîné militairement les réfugiés burundais et il leur a donné des fusils pour venir attaquer le Burundi. Nous pensons qu’il y avait une provocation de la part de nos voisins.» Nous n’avons pas voulu riposter, poursuit le ministre, mais nous avons porté plainte auprès de l’EAC, l’Union africaine et l’Onu et nous attendons leurs réactions. «Nous pouvons supporter ça mais nous nous défendrons contre tout envahisseur. Avec notre Dieu, nous vaincrons.»

M. Bunyoni exhorte l’administration et les forces de l’ordre à collaborer avec les comités mixtes de sécurité afin d’enseigner à la population l’attitude à adopter sur les frontières afin d’éviter tout dérapage entre les deux pays. Pour nombre d’observateurs, la question de Sabanerwa risque de durer encore plus d’années vu les relations tendues entre le Burundi et le Rwanda depuis 2015.

Forum des lecteurs d'Iwacu

14 réactions
  1. Ngabirano Emmanuel

    Le Rwanda n’est pas le Burundi. Il est dirigé par des hommes intègres et légitimes!

    • Kayo

      Va au Rwanda alors!! Et demande la nationalité rwandaise

    • Bakari

      @Ngabirano Emmanuel
       » Il est dirigé par des hommes intègres et légitimes! »

      Expliquez un peu! Pourquoi ces hommes sont plus légitimes que d’autres?
      Parce qu’il n’y a pas de dictature là-bas? Ou parce que la liberté d’opinion est totale et qu’il ne s’y trouvent pas des gens emprisonnés uniquement parce qu’ils ne sont pas d’accord avec le leader bien aimé, bien éclairé et omniscient?
      Là, c’est la passion qui parle; et non la raison!

  2. Karimu

    Ce qui est interessant est que le Burundi sait tres bien que le Rwanda est de loin plus fort. La guerre ne serait jamais benefique pour le Burundi et l’armee serait ecrasee comme une vieille mouche

    • Kayo

      Esk tu es sûr de ce que tu dis?

    • RêvonsUnPeu

      @Karimu
      Une vieille mouche! Quelle idée! Une jeune mouche est plus dure à écraser peut-être?
      Lorsque nous confondons nos souhaits ardents avec la réalité, c’est que nous sommes dans un sommeil profond!

  3. Fofo

    Je me demande pourquoi cette question revient encore aujourd’hui. La situation serait alarmante si l’autorité rwandaise aurait cautionné cet acte. S’il ne l’a pas fait, je pense que cette question peut se régler diplomatiquement. Même si les relations ne sont pas bonnes, les organisations régionales, continentales ou onusiennes pourront trouver un terrain d’entente.
    C’est donc normal et légitime que chaque pays surveille ses frontières. Les militaires rwandais ont tiré dernièrement sur les burundais qui traversaient clandestinement sa frontière croyant être attaqué mais ce n’était que des civiles. Je pense que nous devons éviter beaucoup de commentaires, car un incident qui se produit entre deux pays frontaliers ne devrait pas faire objet de spéculation sur une guerre imminente.

  4. Kayo

    Tous les burundais doivent se soulever pour défendre notre territoire que nous ne pouvons pas laisser à n’importe qui que ce soit= la terre du Burundi appartient aux burundais alors pas question de les laisser

    • Pas de Xénophobie

      @Kayo
      Quid des enfants d’étrangers nés sur le sol burundais? Ont-ils droit au chapitre de cette minuscule terre? Droit du sol ou droit du sang?

    • John

      Le meme slogan est valable Côte Rwandan . Alors tu prones la confrontation ?

      • Kayo

        Confrontation diplomatique ncuti avec des arguments convoquant que la terre nous est nous ok si toi tu vois la confrontation armée alors tu fais partir de faibles

    • Natacha

      Crois-mois, tu ne veux avoir une guerre avec le Rda en ce moment….

      • Kayo

        Confrontation diplomatique avec arguments convaincants on peut y arriver et nous sommes sûr que notre diplomatie est capable

        • Badrou

          Les amis de la paix ont toujours une solution quand bien meme la situation est extremement envenimeuse. La quelle solution aboutisse a la paix et al securite des citoyens. les republiques souers jadis etaient fieres de leur fraternite. Pourquoi pas en ce moment? pensez-y barundi namwe barundikazi. la guerre ne profite a personne, vous etes les seuls perdants et non le Rwanda.

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