Vendredi 26 avril 2024

Opinions

Pour le Professeur Joseph Ndayisaba, « il faut former autrement les cadres burundais »

18/08/2013 14
Le Professeur Ndayisaba Joseph, pédagogue, enseigne notamment à l'Université du Burundi ©Iwacu
Le Professeur Ndayisaba Joseph, pédagogue, enseigne notamment à l’Université du Burundi ©Iwacu

« Si tu veux être obéi, donne des ordres raisonnables» (Proverbe arabe)

Tout ce qui vient d’être énuméré constitue peut-être une des raisons majeures des faibles capacités à l’auto-emploi pour nos jeunes sortant des universités. Ils évoquent souvent des difficultés d’accès au capital. Il est fort possible que ce soit aussi au niveau de la culture de l’autonomie, de l’esprit d’initiative, du goût de l’effort et du risque que se pose le problème.

Il est opportun de se poser des questions sur l’efficacité des notes en éducation comme « outil d’éducation et de formation». Quand un élève commet une faute, on lui enlève des points en éducation. Il apparaît que  les encadreurs dépourvus d’autorité sur les élèves (souvent ils sont du même âge), tiennent tranquilles les élèves par la menace de leur enlever des points en éducation.
Le gros inconvénient de cette pratique est que l’élève qui perd des points est celui qui se fait attraper, pas le tordu, l’expert dans le camouflage… Cependant, les fraudes aux évaluations sont réprimées par le Décret-loi No 1/016 du 3 Février 1993 érigeant en infractions les fraudes aux examens. Dans les faits, ce texte est souvent ignoré dans les procédures de sanction des fraudes.

Les conséquences possibles

Il faut garder à l’esprit que les élèves qui font des parcours scolaires grâce à ces pratiques, et même les élèves qui ne trichent pas, finissent par intégrer dans leur esprit que tout est négociable, que tout peut s’acheter, à condition d’y mettre le prix (Bigirwa n’abantu…).
L’autre conséquence est que dans l’esprit des jeunes élèves, les frontières de l’interdit sont reculées : comment va se comporter plus tard un élève habitué à acheter la réussite scolaire si on lui confie des responsabilités ?  Probablement qu’il va aussi les vendre ! Quel est l’état d’esprit d’une élève du primaire qui couche avec son enseignant ou son directeur d’école, quelle image de « l’autorité » va-t-il développer? Pas seulement elle par ailleurs, mais aussi ses camarades qui savent ce qui se passe ?

Autre déviance du système éducatif, le cas des grossesses en milieu scolaire. Cette situation s’inscrit dans un contexte de pratiques généralisées de rapports sexuels avec des mineurs, sur l’ensemble du pays. Les données du Recensement Général de la Population et de l’Habitat de 2008 a relevé des statistiques de mineurs ayant déjà eu des enfants. En effet, 5,2% de jeunes filles de 12 à 18 ans ont au moins un enfant, dont 10,9% de mineurs de 12 ans et moins. 28% de mineurs avec enfant avaient entre 12 et 14 ans. Selon toujours les données de ce Recensement, 6% des jeunes filles de 10 à 16 ans étaient « mariées » en 2008.

Mais ce qui est plus grave, c’est que parmi les individus qui profitent de cette situation de fragilité des jeunes élèves, figurent leurs enseignants et responsables scolaires. Les élèves sont en effet très fragiles face à leurs enseignants. Leur survie et leur avenir scolaire sont entre leurs mains. C’est pour cette raison que le harcèlement sexuel des élèves par leurs enseignants est un acte très grave.

La toxicomanie et l’alcoolisme constituent deux autres menaces sérieuses pour nos jeunes élèves. La consommation d’alcool est un autre problème qui est entrain de menacer la vie de nos enfants. Une étude récente réalisée par les Guides (Mouvement Scout) sur 5 provinces au sujet de la consommation d’alcool par les enfants, a permis de constater que d’une part, la proportion d’enfants qui consomment régulièrement de l’alcool est très élevée, d’autre part, le pourcentage d’élèves qui consomment de l’alcool à l’école est aussi élevée.

Les manquements contre les règles de vie en communauté

Au-delà des délits graves relevés ci-dessus et qui se déroulent dans les écoles, il faut garder à l’esprit que les écoles sont des communautés qui ne peuvent vivre en paix et réaliser leurs buts que si les règles et des conventions écrites ou tacites, sont respectées par tous. Ceci doit aussi faire partie du processus d’éducation dans les écoles.

Forum des lecteurs d'Iwacu

14 réactions
  1. Anonyme

    19

  2. Bonaventure Bazirutwabo

    Bonjour à tous,
    Peu importe les commentaires des uns et des autres , tellement les enjeux, la compétitivité sur le plan international sont de taille. Le monde étant devenu un village, nous devons mieux organiser notre système éducatif si nous voulons tirer profit de l’intégration régionale à laquelle nous aspirons tant.
    Mettre à contribution les nouvelles technologies, y compris la formation à distance pour les fonctionnaires semble être l’un des outils pour relever les différents défis.
    Bonne journée.

  3. Ndagushimiye

    Cher Prof, je trouve pertinente votre analyse, mais une chose est la connaissance des défis à relever, une autre est la volonté de prioriser le bien commun par rapport aux intérêts personnels, pourquoi pas même les intérêts syndicaux qui, bien de fois, sont une lutte pour des droits (ce qui est louable) en mettant de côté ou en oubliant ses devoirs. Y a-t-il des rencontres documentées où nos syndicalistes se sont penchés sur de telles analyses avec leurs membres, sinon les éternelles luttes pour les salaires et avantages à arracher aux gouvernements, nos seulements les nôtres, qui n’hésitent pas à les voir non comme partenaires, mais opposants, ou mieux, gênants? Que lit-on dans leurs publications si jamais il y en a?

  4. bornto

    J’espère que l’article a été envoyé aux deux chambres du Parlement, aux Ministres ayant l’éducation dans leurs attributions et à Monsieur le Président de la République pour ses conseillers l’analysent et prennent des mesures qui s’imposent.

  5. KABADUGARITSE

    Ubwo uwo NDAYISABA si musaza wa Maman RUKOKO (2è av. 28, CIB.) ga basha? Nizere ko ufise umutima mwiza nka mushikawe que j’espère être assise à l’ à Droite du Père!

  6. Anonymous

    Mon professeur eclaircissez ceci: Quelle valeur l’education burundaise(Primaire, secondaire et universitaire) portait depuis l independance jusqu en 2005??? Exemple de la qualite de production: Bikomagu, et autres dans d ‘autres secteurs que je me fraine de mentionner????

    • vuvuzela

      Ngo Bikomagu dans cette histoire? Wewe ukwiye gukomanga ubwato bwanyamanza bwakomeretse.
      Tureke kuvangavanga basha!

      • Kirinyota

        Anonymous fait ses rêves. Soit il dormait , soit il n’a rien compris de l’article. Et c’est pas un crime . D’ailleurs on a plein de gens qui dorment quand les autres sont déjà réveillés.

  7. GAHUNGU

    Ce que vous appelez Formation au Burundi relève plus du formalisme que d’autre chose.
    Le monde social aura toujours besoins de bêtes de somme pour maintenir son mode de vie, privilèges,et……certains n’hésitent pas de parler d’équilibre social. Mais ce qui est reproché à l’enseignement peut aussi l’être à ces analystes. Comment avez vous cédé le terrain de vos compétences respectives aux incompétents?.

  8. Kabizi

    Bravo Mr le Professeur.
    Tu pourrais relever le défis si on te nommait Ministre de l’Éducation et te laissait travailler.
    L’Éducation a été longtemps politisée ce qui a fait des conséquences néfastes que vous êtes entrain de voir.
    Félicitations à Iwacu.

    • Ndarusanze

      Il a été Ministre de l’Education Nationale, je ne sais pas réelement, si ce ministère était ainsi dénomé. En plus, uwo mzee nta kabi kiwe yatwigishije neza mur Kaminuza y’Uburundi mur Faculté ya Psychologie et des Sciences de l’Education/Département des Sciences de l’Education. Personnellement, il a été mon président du Jury pour mon mémoire. Que Dieu le benisse. Yavuga murundi ntavura kandi vyose arazi ingorane n’umuti, ariko ntivyoroshe kuko on ne change pas un systeme dans un seul jour. Bravo Mr Le Professeur, Docteur Joseph NDAYISABA

  9. E. Ndayirukiye

    @Prof. Joseph NDAYISABA
    C0mmentaire. Voilà le genre d’articles qu’on aimerait lire souvent, en tous les cas plus intéressant que ces fréquentes joutes oratoires (d’ailleurs de préférence anonymes) agressives et improductives ,qui se manifestent sur le site « IWACU » alors que celui-ci est un excellent lieu d’échanges d’opinions.

    Je ne connais pas personnelle Mr. NDAYISABA, je ne suis même pas dans le secteur de l’enseignement, mais je trouve son analyse de notre système d’éducation et les nombreux défis qu’il pose est très pertinente et opportune. Qui nierait l’objectivité l’honnêteté de son analyse, en tant qu’expert dans le secteur? et qu’elle transcende tous les clivages et les considérations partisanes de toute nature, trop faciles, auxquels on nous a malheureusement habitués. Une telle analyse rend service à tout le monde sans discrimination, dirigeants et non dirigeants. Au surplus (à mon avis) c’est une analyse digne d’un programme gouvernemental, dont tout « haut responsable » de ce secteur (en particulier) devrait s’inspirer améliorer la situation pour le meilleur de notre pays. Merci Prof. NDAYISABA!

    • E. Ndayirukiye

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      Pour le Professeur Joseph Ndayisaba, « il faut former autrement les cadres burundais »
      17-08-2013 Publié par La Rédaction dans A la Une Imprimer cette page
      Le Professeur Ndayisaba Joseph, pédagogue, enseigne notamment à l’Université du Burundi ©Iwacu

      Le Professeur Ndayisaba Joseph, pédagogue, enseigne notamment à l’Université du Burundi ©Iwacu
      « Si tu veux être obéi, donne des ordres raisonnables» (Proverbe arabe)

      Tout ce qui vient d’être énuméré constitue peut-être une des raisons majeures des faibles capacités à l’auto-emploi pour nos jeunes sortant des universités. Ils évoquent souvent des difficultés d’accès au capital. Il est fort possible que ce soit aussi au niveau de la culture de l’autonomie, de l’esprit d’initiative, du goût de l’effort et du risque que se pose le problème.

      Il est opportun de se poser des questions sur l’efficacité des notes en éducation comme « outil d’éducation et de formation». Quand un élève commet une faute, on lui enlève des points en éducation. Il apparaît que les encadreurs dépourvus d’autorité sur les élèves (souvent ils sont du même âge), tiennent tranquilles les élèves par la menace de leur enlever des points en éducation.
      Le gros inconvénient de cette pratique est que l’élève qui perd des points est celui qui se fait attraper, pas le tordu, l’expert dans le camouflage… Cependant, les fraudes aux évaluations sont réprimées par le Décret-loi No 1/016 du 3 Février 1993 érigeant en infractions les fraudes aux examens. Dans les faits, ce texte est souvent ignoré dans les procédures de sanction des fraudes.

      • E. Ndayirukiye

        Permettez de compléter mon commentaire en relevant seulement quelques points importants (parmi d’autres) de votre analyse:

        « Les conséquences possibles »:
        (citation) « … Autre déviance du système éducatif, le cas des grossesses en milieu scolaire. Cette situation s’inscrit dans un contexte de pratiques généralisées de rapports sexuels avec des mineurs, sur l’ensemble du pays”.

        Les statistiques que vous livrez sont effrayantes! Qu’on ne s’étonne pas donc de la menace d’une surpopulation quasi-certaine avec de telles pratiques généralisées de cette allure, avec son corollaire: la pauvreté aggravée de la population ! Il ne suffit pas pour le gouvernement de « sensibiliser » sur la limitation des naissances grâce aux seules tournées dans le fin fond du pays, il faut surtout un plan d’urgence cohérent. Avant tout, il faut sévir de manière exemplaire par la répression et les poursuites judiciaires à l’encontre de ces « crimes » commis par quelques enseignants et responsables d’établissement (pas tous heureusement) dont les principales victimes sont évidemment leurs propres élèves et réformer sérieusement. Au-delà de victimes directes de ces actes de viol, les dommages « collatéraux » atteignent aussi particulièrement leurs familles et la société en général.

        (citation) “… L’autre conséquence est que dans l’esprit des jeunes élèves, les frontières de l’interdit sont reculées : comment va se comporter plus tard un élève habitué à acheter la réussite scolaire si on lui confie des responsabilités ? Probablement qu’il va aussi les vendre ! Quel est l’état d’esprit d’une élève du primaire qui couche avec son enseignant ou son directeur d’école, quelle image de « l’autorité » va-t-il développer? Pas seulement elle par ailleurs, mais aussi ses camarades qui savent ce qui se passe ?”

        Questions tout- à – fait justes car elles soulèvent des problèmes absolument inquiétants. Quel est l’avenir d’une telle jeunesse en formation? Ils auront été privés de vrais modèles en la personne de leurs parents & éducateurs, quelles valeurs voulez-vous qu’ils suivent et transmettent eux-mêmes à l’avenir?

        « Les vois de solutions »
        L’analyse éloquente de Mr. NDAYISABA est à mon avis un excellent outil de travail. En outre, ce qui est rare, gratuit pour qui veut s’en servir!

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