Lundi 04 août 2025

Santé

Serment d’Hippocrate ou d’hypocrite ?

Serment d’Hippocrate ou d’hypocrite ?
C’est dans le service de réanimation de l’hôpital régional de Gitega, que Moses Igiraneza est mort

Le Dr Diomède Kabura, médecin à l’hôpital régional de Gitega, a été condamné par le tribunal de grande instance de Gitega à trois ans de prison ferme. Il devra également s’acquitter d’une amende et verser une indemnisation à la famille de la victime. Il est accusé de non-assistance à personne en danger, en l’occurrence un enfant de neuf ans. Malheureusement, ce drame n’est pas un cas isolé. À Rugombo, dans la province de Cibitoke, un autre décès survenu dans des circonstances troubles suscite également l’indignation.

Le verdict est tombé l’après-midi du mercredi 30 juillet 2025. Dr Diomède Kabura est désormais incarcéré à la prison centrale de Gitega. En plus de la peine de prison, il devra payer une amende de 100 000 FBu et verser 50 millions FBu de dédommagement à la famille du défunt.

Le tribunal prévient : en cas de non-respect du jugement, une peine aggravée pouvant aller jusqu’à 50 ans d’emprisonnement pourrait être appliquée. Quelques heures après le décès, Dr Kabura avait été arrêté et placé en détention au commissariat provincial de Gitega. Une arrestation que son avocat, Me Ferdinand Hakizimana, avait dénoncée comme injuste.

Les faits

Le jeune Moses Igiraneza, 9 ans, unique fils de Serges Igiraneza, est décédé le 27 juillet 2025 à l’hôpital régional de Gitega. Hospitalisé depuis trois semaines en pédiatrie, son état s’est brusquement dégradé dans la nuit du 26 au 27 juillet. Il avait été transféré en urgence au service de réanimation.

D’après une source médicale, malgré les soins prodigués, son état de santé continuait à empirer. Vers 1h du matin, une transfusion sanguine est réclamée par l’infirmière de garde, avec l’appui des parents. Cette demande serait à l’origine des tensions rapportées par plusieurs membres du personnel médical.

Certaines sources affirment que le père de l’enfant a même sollicité l’aide de l’administrateur communal de Gitega, ancien directeur de l’hôpital, pour convaincre Dr Kabura d’intervenir. En vain. Interrogé à ce sujet, Dr Jacques Nduwimana, administrateur communal, s’est contenté de répondre que l’affaire était désormais entre les mains de la justice.

Témoignage poignant

Rencontré le 30 juillet dans son quartier de Yoba à Gitega, le père de Moses est inconsolable. Il raconte : « Mon fils respirait difficilement. J’ai supplié l’infirmière d’appeler le médecin de garde. J’ignorais qu’il s’agissait du même médecin que j’avais tenté de joindre quelques heures plus tôt via un ami. Il avait refusé de venir. On nous a assuré qu’il allait arriver. Nous avons attendu longtemps, sans succès. »

Selon lui, les infirmières ont tout tenté pour réveiller le Dr Kabura, sans succès.
Veuf, M. Igiraneza est brisé : « Mon fils est mort dans mes bras. S’il avait été pris en charge à temps, il serait encore en vie. » Il avait promis de ne pas enterrer son fils tant que justice ne serait pas rendue.

Et d’ajouter, la voix nouée : « Aucune décision judiciaire ne me rendra mon enfant. Mais ce combat, je le mène pour que d’autres petits Moses ne meurent pas comme des chiots abandonnés. »

Le médecin nie les faits

Dr Diomède Kabura rejette catégoriquement les accusations. Il affirme qu’il était lui-même gravement malade au moment des faits, une condition médicale connue de ses collègues à l’hôpital régional. Assisté par ses avocats, il clame son innocence : « Je ne suis pas responsable de la mort de Moses Igiraneza. »

Dr Diomède Kabura condamné pour n’avoir pas assisté une personne en danger

Pour son avocat, Me Ferdinand Hakizimana, son client ne saurait être tenu responsable : « L’enfant a été pris en charge par un autre médecin. Malheureusement, les soins n’ont pas suffi. Dr Kabura était souffrant, et cette situation a été exploitée pour en faire un bouc émissaire. »

Des membres du personnel hospitalier appuient cette version. Sous anonymat, un employé confie : « Il était effectivement inscrit au planning de garde, mais tout le monde savait qu’il n’était pas en forme ces derniers jours. Il aurait dû être remplacé, mais cela n’a pas été fait. »

À Rugombo, une autre victime du serment trahi

Privat Manirabogora, 34 ans, père de trois enfants, est mort dans des conditions jugées nébuleuses par ses proches. Ils pointent du doigt Dr Kashindi Kimonge Mathieu, directeur de la clinique privée AGAPE de Rugombo, l’accusant de négligence grave.

Le 19 juillet 2025, Privat, maçon à Buganda, se plaint de fortes douleurs abdominales. Un premier médecin, surnommé « Docteur », diagnostique une occlusion intestinale nécessitant une intervention urgente. Conscient des limites de son centre de santé, ce praticien contacte Dr Kashindi Kimonge Mathieu, qui accepte de recevoir le patient.

Mais à l’arrivée à la clinique AGAPE, le médecin leur aurait déclaré aller déjeuner avant de revenir s’occuper du patient. « Nous avons attendu trois heures », racontent les proches. « Le docteur n’est jamais revenu. »

Dr Kashindi Kimonge Mathieu serait aujourd’hui introuvable à Rugombo

Ayant été contacté par ses supérieurs et le surnommé ‘’Docteur’’, à son retour quelques heures après, Dr Kashindi, aurait réagi violemment : injures, menaces, colère. « Il nous a accusés d’avoir alerté ses supérieurs », affirment-ils.

Malgré trois jours passés à la clinique, le médecin n’aurait jamais examiné Privat. Son état s’aggravant, ses proches tentent de le transférer à nouveau. Il meurt en route, le 21 juillet.

Des patients rapportent l’avoir entendu crier constamment à l’aide : « Il souffrait énormément, mais personne ne répondait. »

Enterré le 28 juillet à Buganda, Privat laisse derrière lui une veuve et trois enfants. Joint pour sa version, Dr Kashindi est resté injoignable. Des sources à Rugombo affirment qu’il aurait quitté la région.

« C’est inacceptable »

Pierre Nindereye : « Refuser de soigner un patient en détresse est une faute grave. »

L’Association burundaise pour la Défense des droits des malades (ABDDM) se dit choquée par ces deux affaires. « Nous adressons nos condoléances aux familles des victimes. Ces morts auraient pu être évitées », déclare Pierre Nindereye, son représentant légal. L’association dénonce des comportements contraires à l’éthique médicale : « Refuser de soigner un patient en détresse est une faute grave. C’est contraire au serment d’Hippocrate. »

Pour M. Nindereye, la condamnation du Dr Diomède Kabura est un signal fort :
« C’est une avancée importante. Cela montre que la négligence médicale ne restera plus impunie. » Il demande qu’une enquête soit ouverte sur le cas de Rugombo, afin que les responsabilités soient établies.

Que dit la loi ?

Le Code d’éthique et de déontologie des prestataires de soins de santé du Burundi (2024) prévoit :
Article 78 : Tout soignant qui ne respecte pas les règles de l’art ou tient des propos malveillants encourt une suspension d’un mois.
Article 79 : Celui qui réfère un patient sans avoir prodigué les premiers soins peut être suspendu un mois, trois en cas de récidive.
Article 81 : Tout soignant provoquant délibérément la mort d’un patient peut être radié, sans préjudice des sanctions pénales.

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