Vendredi 19 avril 2024

Sécurité

Où est Augustin ?

29/10/2021 4
Où est Augustin ?
La carte d’identité d’Augustin Niyoyankana.

Depuis le 5 octobre 2021, Augustin Niyoyankana est introuvable. Ce père de huit enfants a été enlevé en zone Buterere en mairie de Bujumbura. Sa famille vit dans la peur et craint de subir le même sort. Un conflit foncier serait derrière ce kidnapping. Quatre personnes sont déjà écrouées à la prison centrale de Mpimba.

Il buvait sa bière de banane tranquillement et des hommes en civil avec un policier l’ont embarqué dans un pick-up sans plaques d’immatriculation. Le kidnapping d’Augustin Niyoyankana est digne d’un film hollywoodien.

Nous sommes le 5 octobre dernier. Il est 19h30 au quartier Buterere 2A. Augustin Niyoyankana, agriculteur et commissionnaire de parcelles, se trouvait dans un bar du quartier avec plusieurs personnes. Selon des témoins oculaires, un certain Ezéchiel le trouva là : « Augustin, tu es là ? Tu bois une Primus ou une Amstel ? » Augustin répond qu’il boit du vin de banane. Ezéchiel commande et sort. Il revient quelques minutes pour payer et il part. Puis, Marius Ntakirutimana, un administratif à la base, est venu. : « Augustin tu es là ? Où se trouve Ezéchiel ? » Il a bu sur la bouteille d’Augustin avant de partir.

L’enlèvement

Cinq minutes après, un pick-up sans plaque d’immatriculation est arrivé. Il a bloqué l’entrée du bar. « C’étaient des hommes en civil mais à l’arrière il y avait un policier avec un fusil. Le premier homme était en surpoids avec une Motorola et un pistolet. Le deuxième homme était élancé », confie un témoin. Les deux hommes entrent alors dans le bar. Augustin était assis et en compagnie d’un certain Minani, un ami avec qui il partage souvent un verre. L’homme élancé a empoigné Minani et l’a traîné vers le pick-up. Ce dernier a protesté et a voulu savoir le crime qu’il a commis. Les témoins indiquent que l’homme élancé a posé une question à ses camarades : « Celui-là est aussi concerné ? » Ils ont répondu par la négative. « Qui est alors Augustin ? » Ils l’ont pointé du doigt. « Augustin a voulu fuir en vain car l’entrée était bloquée par la voiture. Il a été attrapé et jeté sans ménagement dans la voiture », confie un témoin de la scène.

D’après des témoins, un homme assis dans le bar avait suscité des interrogations bien avant. « Il portait un sweat à capuche. Il ne parlait pas et ne voulait pas que nous voyions son visage. Il nous a intrigués car il n’est pas du quartier. Augustin lui a demandé pourquoi il ne discutait pas avec les autres. Il a répondu qu’il s’était abrité à cause de la pluie, mais qu’il attend un véhicule qui va venir le prendre », raconte N., un témoin. « Lorsque Augustin a été jeté dans la voiture, l’homme à capuche s’est lui aussi précipité dans la voiture et s’est assis à côté de lui. Il était en mission commandée », confie un autre témoin. Le véhicule est parti en trombe.

La famille a essayé d’alerter, sans succès. Les habitants de la localité ont été surpris par le comportement des policiers. « Augustin a été kidnappé près d’une position policière. Lorsqu’ils ont vu le pick-up, les policiers qui étaient là se sont éclipsés discrètement », font savoir les témoins. « Mais, il y avait un policier du nom de Gasongo qui était à la position. Quand il a vu le pick-up, il a levé les bras en l’air et il est parti », confie un témoin.

Sa famille menacée

« Nous avons cherché dans tous les cachots, mais aucune trace de lui », indique un proche de la famille. Selon lui, un officier de la police judiciaire (OPJ) a convoqué Ezéchiel, Marius Ntakirutimana, Minani et un certain Gordien. Ils ont été incarcérés après interrogatoire. Déférés devant le parquet, mardi 26 octobre 2021, ils ont été transférés à la prison centrale de Mpimba.

Depuis l’arrestation de ces hommes, la famille se dit menacée par certains habitants de Buterere. « Nous sommes inquiets pour l’épouse d’Augustin et ses huit enfants. Les intimidations fusent de partout. On menace de leur faire subir le même sort que le père de famille. Il faut que cette famille soit protégée », alertent les proches de la famille. De plus, poursuivent-ils, la famille vit dans un dénouement total, depuis le kidnapping du chef de ménage.

Interrogé, le chef de quartier Buterere 2A n’a pas voulu s’exprimer sur ce dossier. Il nous a envoyé au chef de zone. Contacté, ce dernier confirme l’enlèvement d’Augustin : « Nous avons informé les instances habilitées. » Quant aux menaces, il indique ne pas être au courant.

Sixte Vigny Nimuraba : « D’habitude, nous donnons les informations à ceux qui nous ont approchés. Nous ne les publions pas sur les réseaux sociaux. Mais, je peux vous dire que nous suivons le dossier. »

La famille indique qu’elle s’est confiée à la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme (Cnidh). Sixte Vigny Nimuraba, président de la Cnidh, fait savoir que le dossier est en cours d’instruction : « D’habitude, nous donnons les informations à ceux qui nous ont approchés. Nous ne les publions pas sur les réseaux sociaux. Mais, je peux vous dire que nous suivons le dossier. »

Victime d’un conflit foncier ?

D’après ses proches, Augustin Niyoyankana avait un différend foncier avec un certain Gordien, arrêté lui-aussi. « Augustin avait acheté à Sylvestre Yamuremye une parcelle dans le quartier, mais il l’a vendue. Par après, Gordien est venu y construire », raconte un proche. Selon lui, Gordien affirme que la parcelle appartenait à son frère. « Malgré les contestations d’Augustin, Gordien continuait d’y érige sa maison. Il l’a menacé à plusieurs reprises».

Augustin a porté le dossier devant la justice. Cette dernière a interdit tous travaux sur cette propriété. « Cela a mis en colère Gordien. Les menaces ont continué. Augustin ne pouvait rien faire car Gordien est riche». Selon les proches, Gordien n’a comparu qu’une seule fois devant la justice. « Il restait une seule audience pour que le dossier soit mis en délibéré. Et voilà qu’il a été enlevé. Je suis convaincu que les deux affaires sont liées». La famille demande la lumière sur ce qui s’est passé : « Si Augustin a été tué, on aimerait avoir sa dépouille afin qu’elle soit enterrée dignement.»

Forum des lecteurs d'Iwacu

4 réactions
  1. Nkunzumwami

    Il buvait sa bière de banane tranquillement et des hommes en civil avec un policier l’ont embarqué dans un pick-up sans plaques d’immatriculation.
    Il ya deux questions. 1 Dans quel pays, il y a des véhicules qui circulent sans plaques d’immatriculation? 2. Pourquoi les gens se laissent embarquer dans un véhicule sans plaques?

  2. Ivyo bintu vyo kunyuruza abantu bicafuza igihugu cacu kandi bigatuma n’abanyamitahe batazana imitahe mu burundi ngo igihugu cisununure muvy ‘ ubutunzi . Na bamukirarugendo bamaze kumva ahantu abantu banyuruzwa atacamira ntibaba bakiza mu Burundi ngo bazane yamafaranga y’agaciro.Ko umukuru w’igihugu yama ariko asemerera ko ari guharanira intwaro ibereye ,ubutungane kuri bose,umuntu akagenda mu gihugu adakebaguzwa ,ariko umengo abo abwira ntibamwumva.Reta ni igwanye ukudahana be nabo bose bacafuza igihugu mu gukora ico kibi kibishe co kunyuruza abantu.Hari uwikekwa nahagarikwe ashirwe imbere y ‘’ubutungana yezwa yezwe yagirwa n’icaha yagirwe n’icaha hanyuma ahanwe.Ariko ivyo ko ubona uwawe umengo utwawe n’imodoka y’abazezwe umutekano hanyuma ntagaruke womengo ni bimwe twabona muri 1972 aho abambaye umwambaro w’abazezwe umutekano batwara abantu ntibagaruke nubu agahinda ka kaba kakari mu mitima y’ababuze.Ingingo ruhasha zirakwiye gufatwa.

    • Justice soit faite sinon enlevement des personnes ne signifie pas tenir l’images du pays car partout au monde la criminalite regne en maitre ,m c’est a la justice burundaise des montrer CES muscle pour decourager ces malfaisant

  3. Rukara

    Au Burundi, quand on a un problème avec un individu, la manière la plus rapide possible c’est de se joindre les services d’une groupe de choc qui curieusement dans presque tous les enlevemenst est liée aux membres des services de sécurité officielle ou non officielle.
    Et comme toujours la police fait des enquêtes qui n’aboutissent jamais. On retrouve ni corps ni communiqué de la police pour faire le point sur le résultat des enquêtes.
    Finalement ces services de sécurité ont trouvé un moyen d’arrondir leur fin de mois en commettant des crimes dont ils ne sont jamais inquiétés.
    Cela implique que ces groupes possèdent des appuis a haut niveau. Ces appuis a haut niveau doivent être identifiies et mis hors état de nuire. Seraient ils plus puissants que le gouvernement?
    Pauvre Burundi! A quand la justice tant crié par le président.

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