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« Media Culpa »

06/10/2011 Commentaires fermés sur « Media Culpa »

A la suite des violences postélectorales de décembre 2007, le gouvernement kényan avait interdit aux médias de couvrir ce conflit et de diffuser des émissions en direct le concernant. Il reprochait aux médias de jeter de l’huile sur le feu. Cette décision a soulevé un débat sur le rôle des médias en période de crise grave. La décision du gouvernement kényan a été comprise, en effet, comme une tentative pour museler la presse et d’exercer une censure brutale sur les médias. Cette décision du gouvernement kényan a des similitudes évidentes avec celle prise récemment par le gouvernement burundais pour interdire la couverture de l’actualité relative au massacre de Gatumba. Question ! Est-ce que les médias burundais sont coupables d’avoir enflammé les passions dans cette tragédie ?

Le titre « Media Culpa » est emprunté à Hélène Mercier, une chercheuse qui a écrit un mémoire de Master présenté à l’université de Lund en Suède et portant précisément sur « Les radios communautaires de Nairobi et la violence post-électorale. »

Le socle juridique de la liberté d’expression et d’opinion

La liberté d’opinion et d’expression constitue un droit constitutionnel fondamental car il appartient aux citoyens. En effet, par le biais des médias, les citoyens ont le droit de recevoir des informations de qualité, sans restriction et de sources multiples. C’est le sens même de l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948.
« Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit. »
L’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, reprend et enrichit l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Cet article stipule que :

1. Nul ne peut être inquiété pour ses opinions
2. Toute personne a droit à la liberté d’expression ; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix.
3. L’exercice des libertés prévues au paragraphe 2 du présent article comporte des devoirs spéciaux et des responsabilités spéciales. Il peut en conséquence être soumis à certaines restrictions qui doivent toutefois être expressément fixées par la loi et qui sont nécessaires :
a) Au respect des droits ou de la réputation d’autrui ;
b) A la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publiques.

Les dispositions sur la liberté d’expression et d’opinion contenues dans la Déclaration universelle des Droits de l’Homme et dans le Pacte international relatif aux droits politiques et civiques ont été reprises et intégrées dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, dans l’Accord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation d’Arusha et dans la Constitution du Burundi.

En effet, l’Article 3 de l’Accord d’Arusha relatif à la Charte des droits fondamentaux stipule au point 1 que : « Les droits et devoirs proclamés et garantis, entre autres, par la Déclaration universelle des droits de l’homme, les Pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, …… font partie intégrante de la Constitution de la République du Burundi. » «  Ces droits fondamentaux, précise l’article 3, ne font l’objet d’aucune restriction ou dérogation, sauf dans certaines circonstances justifiables, acceptables en droit international et prévues dans la Constitution. » En outre, au point 13 du même article 3, l’Accord d’Arusha est explicite et stipule que « La liberté d’expression et la liberté des médias sont garanties. L’Etat respecte la liberté de religion, de pensée, de conscience et d’opinion. »

Les articles 19 et 31 de la Constitution de la République du Burundi reprennent intégralement les mêmes dispositions stipulées par l’Accord d’Arusha sur la liberté d’expression et d’opinion. Cependant, le Pacte international relatif aux droits politiques et civiques indique que cette liberté a des limites. En effet, l’article 20 de ce Pacte stipule que :
«1. Toute propagande en faveur de la guerre est interdite par la loi.
2. Tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence est interdit par la loi. »

Comment faire renaître la confiance entre le pouvoir burundais et les médias ?

Les médias constituent un espace public pour échanger, apprendre, se cultiver, développer l’esprit critique, enseigner les valeurs morales et les responsabilités civiques. En outre, les médias constituent des contrepouvoirs car l’opinion a « le droit de savoir » et de recevoir des informations provenant de sources multiples afin de comparer et de se faire librement son opinion. Par conséquent, les médias ne constituent ni des adversaires ni des alliés des pouvoirs publics notamment dans les enquêtes judiciaires. Les responsabilités des services de police et de justice en la matière sont connues et délimitées. Parfois, les médias peuvent même aider à faire progresser les enquêtes criminelles. Du reste, à l’heure de la prolifération exponentielle des sites internet, des blogs et des réseaux sociaux, la censure n’est ni possible, ni efficace ni utile. Il vaut mieux faire appel au sens civique, à la responsabilité morale et intellectuelle, au respect des dispositions de la loi et enfin à la déontologie et à l’éthique des médias.

Par conséquent, il serait souhaitable de revenir à l’esprit et aux recommandations des Etats Généraux des Médias et de la Communication organisés à Gitega au mois de mars 2011, de reprendre le contact entre partenaires, de cultiver la confiance et d’apaiser les esprits. De ce fait, il serait souhaitable d’organiser une rencontre réunissant le Ministère de la Communication, le CNC, Maison de la Presse, les Directeurs des médias publics et privés, le syndicat des journalistes (UJB) et les représentants de toutes les organisations des médias présentes à Gitega.

En définitive, il va falloir s’y habituer. Les médias ne pourront plus se taire puisqu’ils exercent la liberté d’expression et d’opinion au nom des citoyens. Henry Anatole Grunwald, ancien Rédacteur en chef du magazine Time, prévient : « Le Journalisme ne peut jamais se taire : c’est cela sa plus grande vertu et sa plus grande faute. Il faut parler, et parler immédiatement, pendant que l’écho des merveilles, les revendications de triomphes et les signes de l’horreur sont encore dans l’air. »

CNC

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