Le cyberharcèlement que se permettent certains enfants crée un sentiment de frustration au sein de l’école. Aucune sanction ne peut leur être infligée. La peur de dénoncer ouvertement certaines décisions et un sentiment d’humiliation hantent les professeurs. Les parents des victimes restent sans voix et se demandent à quand viendra une justice équitable. Certains d’entre eux parlent de la loi du plus fort qui plane dans les organes dirigeants de l’école.
Ça fait des années, selon un professeur de l’école belge de Bujumbura, qu’un élève du 1er secondaire harcèle ses camarades de classe. Mais, c’est après qu’une équipe des professeurs du secondaire, en travaillant sur le dossier d’un incident de harcèlement du mois d’avril 2025, que tout a été dévoilé.
Ceux qui ont vécu de près la situation qui a fait déborder le vase font savoir que la victime l’a avoué après avoir subi plusieurs harcèlements par l’un de ses camarades de classe. Le cas a été signalé et l’école est intervenue avec la participation de la Cellule d’accompagnement psychopédagogique, CAP, à travers des médiations et même des sanctions selon ces témoins.
Ils racontent que l’année scolaire 2024-2025, dans la soirée du 19 au 20 avril, lors d’un anniversaire de l’un des enfants de l’école, plusieurs enfants se sont amusés à déshabiller la même victime. L’élève auteur a été sanctionné. Il avait filmé avec son téléphone toute la scène. Le lendemain, selon les mêmes témoins, il y a eu le même incident autour de la piscine et ce même enfant a encore filmé.
Un proche de la victime fait savoir que cette année scolaire, l’enfant qui avait pris les vidéos et qui avait pourtant dit les avoir supprimées, les a publiées sur un groupe Snapchat regroupant les élèves des deux classes de première secondaire et d’autres groupes composés d’enfants de son école et d’ailleurs. « Les vidéos ont été supprimées mais enregistrées par d’autres. »
Passant trop de temps sur son téléphone, ses parents n’ont été au courant de ce que traversait leur enfant qu’après le lui avoir confisqué, selon l’un de ses proches. « C’est en discutant avec sa mère qu’il a pu lui avouer qu’il a des soucis. Après insistance, il lui a révélé de quoi il s’agissait. »
Après plusieurs investigations, selon ce témoin, ils ont pu voir avec stupeur ce qui se passait dans le groupe Snapchat. « Nous avons également découvert qu’en plus de l’avoir humilié publiquement, le garçon fautif avait demandé à la pauvre victime de s’excuser et ensuite de réaliser une vidéo où on voyait son visage. Il lui demandait de dire « pardon mon maître vénéré » comme s’il n’avait pas déjà été assez cruel. ».
Le proche de la victime indique qu’il a informé le chef de l’établissement et que les enfants concernés ont été entendus. « Suite à cela, il y a eu un conseil de discipline au cours duquel la sanction du renvoi définitif du principal instigateur a été prise à la quasi-unanimité. »
La famille du garçon sanctionné a été informée de la décision prise, selon toujours les témoins et cette dernière a introduit un recours auprès du comité exécutif, CE. Ce qui a surpris les proches de la victime et les enseignants est la décision du CE de réintégrer l’élève à partir du mardi 14 octobre 2025 en indiquant qu’il y avait des manquements dans le dossier.
Une situation démotivante
Un fait étonnant sur cette affaire : personne ne veut parler ouvertement. Tous préfèrent parler sous anonymat. Personne ne veut s’exposer au risque de voir ses primes suspendues voire de perdre son emploi. Dénoncer sous anonymat, mais dénoncer quand même, reste le mot d’ordre pour tous ceux qui veulent que justice soit faite.
Un enseignant de cette école témoigne que ce qui a été fait, surtout la réintégration de cet enfant harceleur, va opérer un changement dans l’engagement des professeurs et dans leur motivation. « Personne ne va maintenant avoir envie de prendre des heures supplémentaires non payées pour organiser des fêtes, pour organiser des activités, pour se plier en quatre en essayant de faire des super trucs pour les enfants. Quand on nous manque du respect comme ça, c’est ôter en nous cette envie de vouloir donner le meilleur de nous-mêmes. »
Il fait savoir qu’il a l’impression que les parents, soit ils s’en foutent, soit ils ne se rendent pas compte de l’ambiance qu’ils vont créer dans l’école. « Nous commençons à nous demander pourquoi se casser la tête pour les enfants. Ceux qui sont dans le comité d’organisation du marché de Noël n’en ont plus envie à cause de ce qui se passe en ce moment. »
Il dit ne pas comprendre ce qui se cache derrière cette affaire. « Est-ce de la corruption ? Les questions fusent de partout. »
Un comportement qui date de très longtemps
E.M. fait savoir qu’ils ont eu connaissance de la situation il y a quelques semaines. Il témoigne que l’affaire de harcèlement a été prise en main par la directrice pédagogique côté secondaire et par le chef d’établissement. Avec la cellule d’appui psychologique de l’école et assure qu’ils ont très bien leur travail.
Il souligne que suite à cela, un comité disciplinaire composé de professeurs de la classe de l’élève harceleur, qui a été mis sur pied et qui a voté à la majorité, a voté l’exclusion à titre définitif. « Dans cette affaire, il y a des aspects confidentiels au dossier. C’est pour ça qu’on ne peut pas tout dire, par respect pour les élèves et pour les parents. Mais, curieusement, les parents de l’enfant harceleur ont eu l’étrange idée de faire un recours alors que leur enfant a harcelé assez gravement d’autres enfants. »
Il fait savoir qu’il s’est avéré que l’enfant fautif harcelait l’autre depuis des années. « C’est depuis la troisième primaire et il est en première secondaire. Il faut bien préciser aussi, c’est important, qu’au niveau de l’établissement primaire, il y a une aile primaire et une aile secondaire. Les deux ne travaillent pas vraiment ensemble. C’est depuis cette année qu’il y a un chef d’établissement qui fait un peu le lien entre les deux. Avant, il y avait beaucoup de liberté pédagogique des deux côtés. Les collègues des deux côtés ne se voient pas, ou très peu, ou rarement. »
Il précise que la Direction pédagogique du primaire n’a pas fait le suivi nécessaire et adéquat par rapport à la situation. « Le directeur pédagogique primaire n’a pas non plus voulu collaborer avec le secondaire pour mener à bien le dossier de harcèlement. Mais, nous savons que ça fait des années qu’il harcèle. »
Que disent les organes dirigeants de l’école ?
Quand on cherche à en savoir plus sur le pourquoi de la réintégration de l’enfant harceleur, la directrice de l’école secondaire vous revoit au chef de l’établissement. Le chef de l’établissement, quant à lui, rétorque qu’il lui est « difficile de répondre à ces questions à mon seul niveau ».
Pour le CE (Comité exécutif de l’école), les éléments de réponse seront disponibles après l’avis du comité exécutif réuni. Ce qui demande d’attendre la réaction de ceux qui ne sont pas au pays.
Charte des utilisateurs des forums d'Iwacu
Merci de prendre connaissances de nos règles d'usage avant de publier un commentaire.
Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur. Sont notamment illicites les propos racistes, antisémites, diffamatoires ou injurieux, appelant à des divisions ethniques ou régionalistes, divulguant des informations relatives à la vie privée d’une personne, utilisant des œuvres protégées par les droits d’auteur (textes, photos, vidéos…) sans mentionner la source.
Iwacu se réserve le droit de supprimer tout commentaire susceptible de contrevenir à la présente charte, ainsi que tout commentaire hors-sujet, répété plusieurs fois, promotionnel ou grossier. Par ailleurs, tout commentaire écrit en lettres capitales sera supprimé d’office.