Jeudi 28 mars 2024

Editorial

Je suis Misago. Ou presque

25/11/2022 3
Je suis Misago. Ou presque

Après sa tribulation, sa réapparition, lundi 21 novembre vers midi après deux jours d’inquiétude, suivi d’une sorte d’arrestation par des agents du Service national de renseignements (SNR) dans les montagnes ’’sacrées’’ de Magara, devenues un lieu de pèlerinage pour quelques ’’born again’’, … après sa remise à son directeur et à sa famille, tout semblait rentrer dans l’ordre pour le reporter du Journal Iwacu, Jérémie Misago,  introuvable depuis samedi 19 novembre alors qu’il était censé aller présenter ce même jour sa future moitié à sa famille.

Mais aussitôt libre, le calvaire ne faisait que commencer. Visiblement, il n’avait pas mesuré l’ampleur du geste. Il a tout reçu notre confrère. Des paroles terribles, des accusations et autres médisances. Soyons honnêtes, il y a eu aussi quelques messages de compassion, de réconfort.

Apparemment, notre confrère ou notre frère a frôlé la dépression. Le « burn out », suite à un cumul de problèmes personnels sur lesquels je ne reviens pas.

Je pense que la plupart d’entre nous, portons des masques, voire des carapaces, arborant le meilleur de nos sourires en public, pleurant à chaudes larmes dans un coin. « Les larmes d’un vrai Burundais coulent à l’intérieur ».

Certains essaient de noyer les soucis dans l’alcool. Mais comme disait un humoriste, « les soucis savent nager ». D’autres tentent de les dissiper par quelques joints, « les soucis savent voler ». Ou à l’instar de notre collègue, en implorant à en perdre haleine, le Seigneur, pour qu’ils les délivrent de leurs lourds fardeaux.

Qui ne s’est jamais retrouvé dos au mur ou par terre, accablé de crédits, de factures impayées, croulant sous les ardoises ? Qui ne s’est jamais retrouvé à quelques jours d’un grand événement, nez à nez avec un problème insurmontable, une échéance fixe, sans alibi, sans moyens, désarmé, impuissant ?

L’essentiel est de se relever, reprendre son courage à deux mains avec détermination, engagement et lucidité. Sinon on tombe, on fait des erreurs d’appréciation, on se fait avoir chaque jour. Mais aussi, on a des leçons chaque jour.

L’important est d’éviter la rechute, de retomber dans ses errements. « Une de mes erreurs impardonnables, c’est de n’avoir pas communiqué », a avoué Jérémie Misago face aux questions et aux dards de ses confrères. Ils ne l’ont pas épargné. Ils n’ont pas fait dans la dentelle, presque pas de confraternité.

« Jérémie, tu pries, tu affirmes que tu as peur du péché, tu nous dis souvent que tu lis la Bible, d’ailleurs tu l’avais dans ton sac quand tu es parti, est-ce que tu trouves normal de plaquer ta future épouse et tes amis et aller prier dans les montagnes de Magara, sans un mot ? ». Silence dans l’assistance.

Et Jérémie de répondre : « Je vous le répète, à un certain moment, je ne savais pas où j’en étais, où donner de la tête et ma faute est d’avoir oublié de communiquer ».

Que celui qui ne s’est jamais retrouvé dans une situation d’impasse, lui jette la première pierre.  Je me sens Jérémie. Ou presque.

Forum des lecteurs d'Iwacu

3 réactions
  1. Margarita

    Dans la détresse, les gens peuvent se comporter d’une façon irrationnelle.
    Je suis contre les religions par principe. Leurs philosophies et preches induisent les gens.
    Comprennez son compartment dans ce sens

  2. Gacece

    J’imagine que Monsieur Misago a été sommé de se justifier publiquement, conséquence de l’embarras dans lequel il venait de plonger son employeur : le journal Iwacu. J’insiste sur le fait que je ne fais qu’imaginer.

    Dans l’immédiat, le journal aurait dû le soustraire des autres médias, le temps de sortir un communiqué et de le préparer à affronter la tempête. Même s’il n’a commis aucun crime, un conseiller, de préférence juridique, lui aurait été d’une grande utilité. Et vu le peu de moyen qu’il avait, le journal Iwacu aurait pu lui offrir cette protection temporaire.

    Les gens (du public) n’ont pas besoin de savoir qu’il était allé prier (ni sa religion d’ailleurs), qu’il avait des problèmes d’argent ou qu’il a laissé en plan sa fiancée le jour où il devait la présenter à sa famille. Ils n’ont pas non plus besoin de savoir à qui était la faute de ce qui est arrivé, tout simplement parce qu’il y a des détails qui concernent le contexte et la succesion des événements qui ont conduit au résultat que nous connaissons.

    Un simple… « Notre confrère Jérémie Misago a été retrouvé sain et sauf. Nous remercions la police, les services gouvernementaux ainsi que toutes les personnes qui nous ont aidés dans nos recherches. Nous nous exprimerons plus tard sur le sujet. »… aurait pu suffir. La police aurait également pu se limiter à un message semblable, ni plus ni moins.

    LE JOURNAL IWACU AURAIT DÛ OFFRIR UNE PROTECTION À JÉRÉMIE MISAGO EN LE SOUSTRAYANT DES « autres » MÉDIAS, ET SI NÉCESSAIRE, EN LUI INTERDISANT FORMELLEMENT DE LEUR ADRESSER LA PAROLE. Cela s’appelle limiter les dégâts… Le temps (OUI!… ATTENDRE!) de mettre en place et paufiner une stratégie de communication sur l’événement. Les sanctions, les sermons, les mauvais quarts d’heures, les remontrances, les suspensions, les avertissements, les congédiements, les fins de contrats, les poursuites,… mais aussi les conseils, le soutien, les recommandations, les formations, les psychologues, les psychiatres, les consolations, les rapports, les excuses… tout cela se fait discrètement entre le patron, son employé et les autres personnes directement impliquées… Et le public n’a pas besoin de savoir ce qui s’est passé « dans les coulisses » de l’événement.

    Quant aux journalistes des autres médias, ils devraient savoir qu’on ne frappe pas quelqu’un qui est déjà à terre ou à taire (n’allez pas plus loin que le sens premier du mot!)… On ne s’attaque pas publiquement à la vie personnelle de quelqu’un, et de surcroît celle d’un confrère! C’est une règle tacite.

    Je suis presque certain que Monsieur Misago a des détails croustillants (et pas que positifs) sur les vies personnelles de quelques uns de ses confrères. Et je doute que ces derniers apprécieraient s’il décidait d’en parler publiquement? Certes, on peut exprimer un désaccord avec la publication d’un confrère, à condition que la critique ou la réponse à la critique et vice versa indéfiniment se limitent au contenu.

    Suggestion 1 : avoir ou moins un avocat, un sage, un conseiller ou un expert spécialisé en gestion de crise… qu’il soit payé à la tâche ou un employé régulier.
    Suggestion 2 : Les médias, faute d’une loi qui encadre la diffusion des informations qui risquent de porter atteinte à la vie privée des individus, devraient se mettre ensemble et déterminer ce qui peut être révélé ou pas au public… Mais l’idéal serait l’existence d’une loi… À bon entendeur!

    Des faux pas à prévenir dans l’avenir et dans l’à venir. Ces suggestions utilement inutiles et inutilement utiles sont offertes gratuitement. Faite-en ce que vous voulez sans m’en vouloir.

  3. Kira

    À ceux qui appelaient un de vos confrères lui demandant ce qu’il fallait faire désormais de votre collègue Misago, je crois que vous venez de donner une réponse claire, qui honore votre profession. La vraie question n’est pas ce qu’il faut faire du journaliste, mais  »ce qu’il faut faire pour le journaliste ». Jérémie Misago est beaucoup plus à plaindre qu’à blâmer. Au moment ou on évoque les assises du journalisme au Burundi, la mise sur pied d’une cellule de soutien psychologique pour venir en aide aux membres de la profession ne serait pas inutile. Le cas Misago le démontre à suffisance.

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