Inondations récurrentes, exploitations agricoles, dépassement des bornes, … les menaces du parc de la Rusizi et de sa biodiversité se multiplient. Berchmans Hatungimana, directeur général de l’Office burundais pour la protection de l’environnement (OBPE) s’exprime. Il revient également sur les feux de brousse souvent observés durant la saison sèche.
Quelles sont les conséquences des récentes inondations sur le parc de la Rusizi ?
Elles sont nombreuses. Des animaux comme les antilopes ont été sérieusement touchés. Beaucoup ont été retrouvés morts. D’autres ont migré vers la partie palmeraie du parc. Les hippopotames ont été aussi perturbés. Avec les inondations, leurs lieux de détente ont été envahis. Ils sont sortis pour se réfugier dans les zones habitées. Je dois préciser qu’il y a même un pêcheur tué par ces hippopotames. Les oiseaux migrateurs n’ont pas été épargnés. Les petits îlots entourés par les eaux de la Rusizi ont été totalement submergés. Or, c’étaient des espaces sableux très prisés par ces oiseaux.
Même les bureaux administratifs et pour le personnel du parc ont été totalement détruits. Des espèces d’arbres qui ne tolèrent pas beaucoup d’eau n’ont pas pu tenir. Or, ils faisaient partie des caractéristiques de ce parc.
Du côté financier et touristique, quel a été l’impact ?
Côté touristique, il y a beaucoup de pertes. Je dois signaler qu’à un certain moment, nous avons même arrêté d’accueillir les touristes par manque de lieux d’accueil. Il n’y avait même pas quelque chose à leur montrer. Car, le parc était quasiment inondé.
Avez-vous des chiffres pour montrer l’impact des inondations côté financier ?
Non. Je n’ai pas de statistiques sur moi. Mais, il y a eu une forte baisse des entrées. Dans les premiers jours, nous n’avons reçu personne. Ce qui sous-entend que les recettes étaient nulles. Même les petites passerelles aménagées pour permettre au personnel d’y accéder avaient été détruites.
Aujourd’hui, quelles sont les activités en cours pour redynamiser le tourisme dans ce parc ?
D’abord, nous sommes en train de construire d’autres bureaux adaptés même en cas d’inondations. Nous sommes en train aussi de rapatrier certains animaux qui avaient fui le parc. Avec le recul de l’eau, nous constatons que les visites sont en train de reprendre à un rythme satisfaisant.
Pour améliorer l’accueil et le confort des touristes, nous avons eu un bateau à moteur moderne approprié. Cela nous permettra de les accueillir dans de bonnes conditions. Pour le moment, nous sommes en train de mettre certains accessoires et d’aménager son lieu d’accostage. Un expert en la matière est déjà là. Sans doute qu’avec le début de son utilisation, les touristes seront nombreux.
Mis à part les effets des inondations, quelles sont les autres menaces pour le parc ?
Là, je peux citer directement les gens qui ont dépassé les limites du parc. Ils sont de trois catégories.
Lesquelles ?
Il y a des gens qui, depuis l’instauration de cet endroit comme parc en 1983, réclament toujours qu’ils vivaient là. Pourtant, le gouvernement leur a octroyé des terres ailleurs. Ils disent qu’ils ont eu des parcelles pour construire et qu’ils n’ont pas de terres à cultiver.
La deuxième catégorie est constituée par des personnes à qui différentes autorités provinciales ou communales ont octroyé des terres dans le périmètre du parc. La troisième est faite d’ouvriers de la 2e catégorie.
C’est-à-dire ?
En fait, quand ils partent travailler pour le compte de leurs patrons, ils en profitent pour installer leurs propres champs agricoles dans le parc. Et quand ils y retournent pour moissonner, ils sèment directement. On dirait que leurs champs sont éternels.
Est-ce que le parc n’a pas de limites ?
Pour limiter ces occupations illégales, depuis 2021, nous avons montré ces limites et installé des bornes cadastrales. C’est une activité qui est presqu’à sa fin. Il ne reste que les zones inondées. Malgré ce bornage, ces agresseurs n’ont pas arrêté leurs activités. En collaboration avec l’administration, nous leur avions donné un deadline pour récolter leurs champs. Nous avons en plus décidé d’interdire tout accès dans cette zone.
En collaboration avec les militaires sur place, nous sommes en train de tout faire afin de redorer l’image de ce parc. Il faut aussi savoir qu’il se trouve dans une zone humide. Toutes les zones humides sont protégées par la Convention Ramsar que le Burundi a signée.
Que dit cette convention ?
Adoptée le 2 février 1971, à Ramsar, en Iran, la convention sur les zones humides a pour mission de conserver et d’utiliser rationnellement ces espaces. Et ce, à travers des actions locales, régionales, nationales et par la coopération internationale. Ce qui sous-entend que le parc de la Rusizi est un patrimoine national, régional et international à protéger. Cette convention a été ratifiée en 1975.
Mais, nous entendons souvent des lamentations des agriculteurs demandant de leur permettre de récolter leurs cultures. Quel est votre message ?
Je dois signaler que ce parc constitue une zone tampon de la rivière Rusizi. Ce qui signifie que le jour où on autoriserait aux agriculteurs de l’envahir et de l’occuper même la rivière Rusizi ne tiendrait pas longtemps. Les conséquences seraient très dévastatrices sur la population et la biodiversité du parc. Que ces gens le comprennent. Il est impossible de sacrifier plus de 10 millions de Burundais pour des intérêts de moins de 1 000 agriculteurs. Qu’on leur trouve d’autres espaces cultivables ailleurs !
Etes-vous au courant qu’il y en a même qui y ont cultivé du palmier à huile et qui vont bientôt commencer à y extraire d’huile de palme ?
Nous en sommes au courant. En fait, il y a une variété de cultures à l’intérieur : des cultures vivrières, des palmiers à huile aussi. Il y a ceux qui y ont planté des arbres non recommandés dans cet endroit. Toutes ces personnes ont été mises en garde. Car, beaucoup l’ont fait après le décret de 2011 montrant les limites du parc. Nous leur avons bien annoncé que tout ce qui y a été fait après cette date est sans valeur. Il en est de même pour ceux qui l’ont fait avant.
Certains ont demandé qu’on leur donne un délai de grâce. Mais, notre préoccupation est que le parc de la Rusizi assure les trois fonctions, à savoir contribuer à la régulation du changement climatique, servir de lieu touristique et contribuer au développement du pays.
Je dois noter que certaines activités peuvent y être exercées sans perturber le parc et sa biodiversité. C’est la pêche et l’apiculture. Il est strictement interdit d’y cultiver. Les gens doivent le comprendre ainsi.
Pas d’autres menaces donc ?
L’autre menace du parc est le cimetière de Mpanda. Il a été installé au moment où le pays était en crise. Mais, après, il n’y a pas eu de décision officielle instituant ce lieu comme cimetière. Normalement, un cimetière doit être fermé après un certain temps.
C’est le cas de Nyabaranda. Alors, durant notre travail de bornage du parc, nous avons aussi délimité ce cimetière. Et ce, en attendant que les ministères ayant l’intérieur et l’environnement dans leurs attributions décident un autre endroit de déménagement. Ils vont aussi étudier comment enterrer les nôtres sans gaspillage de l’espace. Vous trouverez souvent un espace occupé par une seule tombe alors que deux ou trois tombes pouvaient y être installées.
Est-ce que les choses bougent dans ce sens ?
Nous avons fini ce travail. Nous allons soumettre le rapport à nos supérieurs afin qu’ils puissent statuer là-dessus. En fait, si rien n’est fait, le cimetière risque de s’étendre sur tout le parc. Or, comme c’est une zone humide, même la nappe phréatique n’est pas profonde.
Donc, le parc de la Rusizi, c’est un trésor à protéger vigoureusement. Au cas contraire, en 30 ans, 40 ans, attendez-vous à de sérieuses conséquences sur la rivière Rusizi. Elle va tarir. Les nouvelles générations risquent de l’apprendre comme de l’histoire.
Nous sommes en saison sèche. Durant cette période, des cas de feux de brousses se multiplient. Quelle est la situation actuellement ?
Oui. Ces cas sont fréquents durant les mois de juillet, août et septembre. Afin de les prévenir, nous sommes en train de mobiliser les administratifs pour informer la population sur ce que dit la loi. Savoir les sanctions prévues pour les pyromanes par exemple. Même ceux qui n’interviennent pas pour éteindre le feu sont punis.
Que dit la loi ?
Les punitions sont vraiment exemplaires. Par exemple, si le feu détruit un hectare d’arbre, on comptabilise tous les arbres et l’auteur doit tout payer. C’est pour décourager. Le code forestier est clair là-dessus. Par exemple, en son article 212, il stipule que « toute infraction à la règlementation des feux de brousse et des incendies de forêt est punie d’un emprisonnement de 10 ans à 20 ans et d’une amende de 100 000 FBu à 500 000 FBu ».
En cas d’imprudence, de négligence, d’inattention, etc. l’article 211 prévoit une peine de prison de deux mois à un an ainsi qu’une amende variant de 50 000 FBu à 250 000 FBu.
S’il y a des pertes en vies humaines, la peine est de 5 ans à 10 ans de servitude pénale.
A l’encontre de ceux qui restent passifs en cas de feux de brousse, le code dispose, en son article 214, que sans justification plausible, tout coupable de cette infraction est puni d’un emprisonnement de 3 mois à un an et d’une amende de 150 000 BIF à 200 000 BIF.
Y’a-t-il des actions déjà en cours pour pouvoir intervenir efficacement en cas d’incendies ?
Dans l’avenir, comme c’est le cas pour les autres pays où on trouve qu’ils ont des unités professionnelles pour éteindre les feux de brousse, on est en train de penser à former et à équiper les premières unités d’experts en la matière. Nous avons des experts étrangers qui vont venir nous aider. Nous comptons commencer par la réserve de la Ruvubu. Si les moyens le permettent, sans doute que nous allons étendre cela sur tous les parcs et aires protégées.
Pourquoi le parc de la Ruvubu ?
Là, les braconniers sont encore très actifs et les feux de brousse y sont déclarés souvent. En cas d’incendies, il est tellement très difficile de maîtriser le feu. Car, il est très vaste. Ce qui nécessiterait des drones et des avions sapeurs-pompiers.
Souvent des éco-gardes se lamentent qu’ils sont peu et moins équipés. Comment êtes-vous en train de gérer cette situation ?
Ce n’est pas seulement dans ce domaine que le personnel est insuffisant. Car, le recrutement exige des fonds. Oui, les éco-gardes sont très peu nombreux.
Concrètement ?
Dans la Ruvubu qui s’étend sur plus de 50 800 hectares, il n’y a pas 100 éco-gardes. Imaginez-vous comment se débrouillent-ils pour assurer sa protection, faire face aux braconniers, aux éleveurs, etc.
Nous essayons alors de penser à d’autres technologies modernes pouvant aider en la matière. Pour les équipements, au Burundi, le port d’armes à feu et leur usage sont réservés aux forces de l’ordre et de sécurité, à l’armée. Mais, en cas de besoin, par exemple quand il y a des braconniers armés, nous faisons recours aux forces de l’ordre et de sécurité installées non loin de ces parcs.
Pour les autres équipements comme les tenues, les jumelles, etc. nous sommes en train de satisfaire la demande. Les défis ne manquent pas mais nous essayons de faire de notre mieux.
Le voisin du Nord ces parcs ont intérêt économique et touristique,chaque année pour visiter les gorilles ça rapporte des millions de dollars,création d’emploi l’hôtellerie etc……..
le Rwanda est vu comme un leader en matière de conservation en Afrique.
Quand je vois sur la photo, l’installation électrique ou autre avec des fils qui pendent n’importe comment, je m’interroge. Mais je comprends alors quand il dit « nous essayons de faire de notre mieux ». L’organisation d’un service commence par le bureau du responsable.
Bonjour,essayez d’aller de faire une formation des parcs sur votre voisin du nord,ils ont quatre parcs,volcanoes national Park,akagera national Park,nyungwe forest national Park,gishwati-mukura national Park,ces parcs incarnent la réussi de la conservation.