Mardi 23 avril 2024

Économie

Gouvernance 2022 : Une analyse au vitriol de la Parcem

12/01/2023 9
Gouvernance 2022 : Une analyse au vitriol de la Parcem
Faustin Ndikumana : « Il faut doter le pays d’une vision servant de trajectoire. »

Après l’analyse profonde de la situation de gouvernance pour l’année 2022, Parcem a relevé deux grands défis à savoir le manque de vision et de plan opérationnel pour orienter le développement économique ainsi que la mauvaise gouvernance, la corruption, les malversations économiques, le manque de transparence dans la gestion de la chose publique.

« Le pays a continué de subir de pleins fouets les conséquences douloureuses de la rareté des devises. Cette rareté alimente l’existence de deux taux de change », indique Faustin Ndikumana, directeur national de la Parcem, lors d’un point de presse de 11 janvier. Selon lui, cela handicape les affaires et nourrit la spéculation et bloque le développement du secteur privé tout en entretenant l’inflation.

« Une inflation record est actuellement à 26,8%. Cette inflation plonge des familles entières dans une situation de vulnérabilité notoire et renforce la paupérisation. Elle frappe les produits vivriers et d’autres d’usage courant. Cela fait le lit de la malnutrition qui avait déjà pignon sur rue. »

Faustin Ndikumana parle également de pénurie du carburant malgré les promesses du président d’y trouver une solution idoine. « La rareté du carburant devenue rebelle prouve encore une faible capacité du pays à importer, une mauvaise organisation du circuit d’approvisionnement des produits pétroliers et une faible capacité de stockage. Cette rareté a des conséquences incalculables sur l’économie et annihile ses structures entières. »

Un endettement frôlant les 3000 milliards BIF

D’après Faustin Ndikumana, les finances publiques restent marquées par un endettement intérieur colossal frôlant les 3000 milliards BIF. « Ce montant arrive à la limite supérieure de 60% du PIB. Cet endettement crée une pression sur le marché des capitaux intérieur car l’Etat les assèche au détriment du secteur privé. » Et d’ajouter que l’assainissement et le redressement des entreprises publiques est toujours problématiques.

« Une lutte contre la corruption annoncée dans le discours mais elle est peu cohérente dans les faits. Le gouvernement se contente de parler des remboursements de l’argent détourné sans montrer les auteurs et le sort qui leur a été réservé. » M. Ndikumana trouve que les secteurs porteurs de croissance restent en berne. « L’agriculture a été priorisée mais le résultat a été un fiasco. Le secteur minier est dans l’oubli. Le tourisme reste inexploité. La production du café recule et ne fait plus rentrer les devises comme auparavant. Etc. »

Des leaders des partis politiques intéressés par des postes

En politique, la Parcem relève des faits saillants : l’éviction de l’ancien Premier ministre, Général Alain Guillaume Bunyoni, sur fond de tension. Un travail de la CVR (Commission Vérité et Réconciliation) qui évolue en dents de scies. Une quasi-absence du débat contradictoire au sein des partis politiques sur l’échiquier politique burundaise. « Les leaders des partis politiques sont plus intéressés par des postes à acquérir que les projets de société assortis de programmes politiques à défendre. Cela continue à hypothétique l’avenir du leadership politique burundais. »

Au niveau de la justice, M. Ndikumana trouve que même s’il y a eu la réforme instituant des juridictions à la base sous forme d’Abahuza pour faciliter le règlement des litiges au niveau local, il y a toujours un bémol. « Le péché originel reste d’actualité : la politisation dans le choix des membres de ces structures. Cela pourra altérer leur efficacité. Encore plus, ces nouvelles structures sont venues casser l’ institution d’ « Abashingantahe » qui constitue l’épine dorsale de la culture burundaise dans le règlement des conflits. »

D’après le directeur national de la Parcem, la justice n’est pas encore réformée pour qu’elle joue le rôle d’arbitre et de lutte contre l’impunité. Il cite l’absence de la Haute Cour de justice, pas de reconnaissance du pouvoir judiciaire comme 3ème pouvoir, les recommandations des états généraux de la justice de 2013 qui restent reléguées au second plan.

Silence radio sur les crimes de sang

Côté sécurité et droits de l’homme, la Parcem relève quelques violations : des corps sans vie mais dont les auteurs du crime ne sont pas identifiés, l’abus de l’administration liés à l’exigence des paiements et contributions non prévus par la loi et à la participation par force de la population dans les activités festives, une brutalité policière où même les citoyens perdent la vie, les abus des jeunes Imbonerakure qui se font toujours entendre même si leur nombre a diminué par rapport aux années antérieures.

« Quant à l’intolérance politique, elle reste le péché originel de l’administration locale. Les activités organisées par l’opposition surtout le CNL sont parfois interdits ou perturbés par l’administration. » D’après M. Ndikumana, les arrestations arbitraires se multiplient et la population pénitentiaire est de 12.143 avec une majorité des prévenus de 6574 et les condamnés 5469. La population pénitentiaire augmente car, selon Faustin Ndikumana, elle était autour de 10.OOO en 2020.
« Ce qui est visible, la police fait un effort de dévoiler les identités des criminels qui font le vol d’escroquerie et à main armée. Mais très rare de nous parler les auteurs des crimes de sang. Encore plus, suite à l’impunité des crimes de sang, des citoyens développent un réflexe de porter atteinte à la vie des autres même pour des cas de conflits mineurs. Une dette de 1000 BIF suffit pour enregistrer une perte humaine. »

Doter le pays d’une vision

La Parcem trouve que le pays manque d’une vision et de plan opérationnel pour orienter le développement économique. « Les recommandations du Forum économique de novembre 2021 ne sont pas sortis et les documents de référence élaborés sont multiples et désorientent les planifications. »
De plus, la Parcem trouve qu’il y a un problème de gouvernance. « La mauvaise gouvernance, la corruption, les malversations économiques, le manque de transparence dans la gestion de la chose publique deviennent de plus en plus le péché originel dans notre pays avec des conséquences graves. »

Sur ce, la Parcem recommande de doter le pays d’une vision servant de trajectoire tout en précisant la fenêtre d’entrée à partir des potentialités dont dispose le pays afin de galvaniser et bien orienter les investissements. Selon cette organisation de la société civile, il faut asseoir un nouvel ordre de gouvernance centré sur le renforcement de la lutte contre la corruption et les malversations économiques.

Forum des lecteurs d'Iwacu

9 réactions
  1. Rukara

    La PARCEM n’est que le messager, il ne faut pas crucifier le messager lorsque le message ne vous convient.
    Tiens en parlant de corruption: savez vous que même pour demander un compteur d’eau ou d’électricité, il faut payer un pourboire aux agents du service concerné? C’est ça la vie quotidienne au Burundi. Histoire véridique car elle m’est arrivée il y a moins de deux jours.
    Alors ceux qui ne connaissent pas la corruption au Burundi, ils vivent sur une autre planète ou c’est une classe a part.
    Qu’on ne ne vient pas critiquer ceux qui rapportent Le réalité quotidienne.Pour ceux qui demandent plutôt des solutions, faut il se creuser les méninges jusqu’au fond pour trouver la solution pour terrasser la corruption? Si oui alors laisser le pouvoir a ceux qui peuvent gouverner pour le bien de tout le peuple burundais.

    • Kira

      @ Rukara,
      La réalité quotidienne est la résultante ou la conséquence directe d’une démarche méthodique, systématique, menée depuis bientôt une vingtaine d’années pour mettre à genou, étouffer et faire tomber au final le pouvoir en place au Burundi, à défaut d’avoir pu le renverser mais ce n’est pas faute d’avoir essayé. . Un adage burundais le dit si bien: Iyo vyanse mu mashi bashira mu migere » Le coup d’État de 2015 a échoué? Allons-y avec les sanctions et le tarissement des aides. Au final,  »le pouvoir finira par tomber comme un fruit mûr, ce qu’on n’a pas pu obtenir par un coup d’État, on l’obtiendra d’une façon ou d’une autre par les sanctions », se disaient-ils. Problème? L’attente se prolonge, hélas! Pour ma part, je résiste difficilement à la tentation de citer cet adage voulant que  »pour celui qui tient un marteau entre les mains, tous les problèmes ressemblent à un clou ». En certains se sont fait une spécialité de taper sur le même  »clou » burundais ad nauseam: la corruption, la pauvreté, l’inflation, etc. Sans pousser la lucidité jusqu’à pouvoir se dire que les difficultés économiques actuelles sont la conséquence directe de leur stratégie de sape et de destabilisation économique de leur propre pays. On est en plein dans le cas de figure de ce qu’on appelle une prophétie autoréalisatrice en psychologie du comportement. Cela me fait penser au philosophe français Jean-Paul Sartre. Dans un contexte tout à fait différent, et voulant souligner la libération de la parole chez les auteurs négro-africains au début du vingtième siècle, Sartre interpellait dans l’Orphée noire (préface au  »Cahier d’un retour au pays natal », un recueil de poèmes du poète martiniquais Aimé Césaire) ses concitoyens en ces termes:  »Mais qu’espériez-vous quand vous avez enlevé le baillon qui fermait leur bouche? Qu’ils allaient entonner vos louanges? ». Certains ont passé des années à prier pour que les sept plaies de l’Egypte s’abattent sur leur propre pays. Qu’ils se transforment sur le coup en professionnels de l’indignation, je trouve cela…….les mots me manquent!

  2. Jereve

    Ceux qui pensent que le pays n’a pas de vision se trompent. Nous en avons une, consignée dans un document titré Burundi Vision 2025. Fruit d’une réflexion intense, adopté par le Parlement en 2010. A 12 années plus tard et quelques 3 années avant son expiration, on a jamais entendu parler de son évaluation, aucune appréciation ou chiffre n’a été avancée pour dire si nous étions sur la bonne voie ou pas. Le document dort quelque part dans un tiroir. Je ne me hasarderai pas à donner une appréciation personnelle car je risque de donner une mauvaise note. Donc la vision il y a, mais c’est la mise en œuvre et la concrétisation qui font défaut. Pourquoi?

  3. Kibinakanwa

    Votre constat est accablant. Mais juste et honnête

  4. Kira

    Égrener une litanie de clichés et de poncifs passablement éculés démontre à suffisance votre incapacité fondamentale de renouveler votre discours. Dommage

    • Athanase Karayenga

      C’est une erreur de reprocher au pouvoir de manquer de vision. Il en a bien une. Voyons ! Elle s’appelle…  » Imbonera – Kure » ! « Ceux qui voient loin » ! Très loin même ! Les analystes de la chose politique au Burundi devraient ouvrir les yeux eux. Et voir très loin aussi ! Quand ils auront perdu les écailles qui couvrent leurs yeux et les privent de clairvoyance, ils seront convertis. Ils deviendront des Saint Paul burundais sur le chemin de Cendajuru !

    • Kaziri

      Ce ne sont pas des clichés, mais des verités qui crevent les yeux. Il fait des constats, interpellee et donne meme des solutions. Open your eyes, Kira. Dans son analyse clairevoyante, donnes une seule assertion qui est un cliché (de plus éculé).
      Bravo Mr le president de PARCEM

    • Gacece

      @Athanase Karayenga
      Laissez les Imbonerakure tranquilles. Je trouve que reprocher au gouvernement de manque de vision est effectivement un cliché. C’est toujours un mot lancé à tout bout de champ, mais personne ne veut en donner les tenants et les aboutissants. Vous pourriez commencer par nous démontrer à quoi ressemblerait une « bonne vision », la solution suprême, complète et définitive à tous les problèmes soulevés dans l’article et dans votre clairvoyante tirade.

    • Stan Siyomana

      @Kira
      Vous pourriez nous faire l’honneur de nous expliquer l’un ou l’autre de ces cliches.

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