Dimanche 12 octobre 2025

Économie

Exportation des minerais : Un mirage ?

Exportation des minerais : Un mirage ?
Président Évariste Ndayishimiye : « Désormais, plus personne ne vendra les minerais sans passer par les voies légales et reconnues. »

Le président de la République, Évariste Ndayishimiye, vient de lancer officiellement, le 7 octobre 2025, l’exportation des minerais du Burundi. Le but est de renforcer la transparence dans le secteur minier et de stimuler l’entrée des devises étrangères. Quelques centaines de tonnes de quartz vert et d’améthyste ont quitté Bujumbura à destination de la Chine. Pour la transparence et l’afflux des devises, estiment les observateurs avisés, il reste encore du chemin à faire.

Sacs de minerais alignés. Des camions sur le départ. Sourires aux lèvres, plusieurs dignitaires se congratulent. Un grand moment. Un camion sort du parking. Il s’arrête devant le chef de l’État. Tel un arbitre, drapeau du pays à la main, le président Évariste Ndayishimiye donne le coup d’envoi de ces camions qui transportent la manne censée sauver l’économie burundaise vers le pays de l’Empire du Milieu. Une salve d’applaudissements déchire le ciel. Les véhicules prennent la route sous l’œil émerveillé des hauts cadres de l’Office burundais des recettes (OBR), de la Banque de la République du Burundi (BRB), de l’Office burundais des mines (OBM), ainsi que des responsables du Programme d’autonomisation économique et d’emploi des jeunes (PAEEJ). Une scène bien orchestrée.

Au total, ce sont dix gros conteneurs comprenant six conteneurs de 156 tonnes d’améthyste et quatre conteneurs de 104 tonnes de quartz vert. Selon le président Ndayishimiye, le coltan et la cassitérite récoltés seront exportés ultérieurement. Et de préciser que ces minerais ont été extraits par des jeunes appuyés financièrement par le PAEEJ, dans le cadre d’un programme de 100 jours lancé à la fin du mois de juillet 2025.

La transparence à l’honneur

Devant un parterre de journalistes, le président Évariste Ndayishimiye n’a pas tari d’éloges sur l’exploit qui vient d’être réalisé.
« Nous avons un champ prêt à être récolté et qui appartient à tous les Burundais : ce sont les minerais. Nous avons constaté que dans toutes les provinces, il y a des gisements miniers. Nous commençons avec l’exploitation artisanale des mines. C’est vrai, au début, nous ne gagnerons pas beaucoup, car nous vendrons à bas prix. Mais après ces premières ventes, nous achèterons des machines pour exploiter et traiter nous-mêmes les minerais, afin de vendre le produit fini. »

Pour le président Ndayishimiye, il faut une transparence totale dans la chaîne d’exportation des minerais afin de booster les recettes en devises. Gare à ceux qui mentent en exploitant des minerais sans jamais verser d’argent dans les caisses de l’État.
« Nous avons découvert plusieurs sites où ils extrayaient illégalement. Ces personnes détournaient les richesses du pays, vendant les minerais sans faire entrer les recettes dans le Trésor public. Désormais, plus personne ne vendra les minerais sans passer par les voies légales et reconnues. Je vous l’ai dit, c’est le chemin pour concrétiser la vision 2040-2060. »

Le PAEEJ, meilleur élève ?

Dans cette saga, le Programme d’autonomisation économique et d’emploi des jeunes (PAEEJ) est à l’honneur. Le 4 octobre dernier, le chef de l’État avait effectué une visite des stocks de minerais dans la ville de Bujumbura. Il s’agissait du coltan, de la cassitérite, de l’agate, du quartz vert et de l’améthyste.

D’après le PAEEJ, ces minerais proviennent de différents sites en cours d’exploitation par des sociétés de jeunes financées par le programme. Selon ce dernier, ces sociétés sont réparties sur huit sites à travers toutes les provinces du pays. Le PAEEJ fait savoir que ces sociétés de jeunes sont encadrées par la société FANALEK. Pour rappel, Jean-Baptiste Ntakirutimana, le directeur général de la société FANALEK, a été reçu en audience au palais présidentiel de Kiriri le 10 mars 2025.

Dans la foulée de cette visite, le chef de l’État a encouragé le recrutement massif des jeunes dans tout le pays pour booster la production de ces minerais. Il avait alors annoncé la création d’usines de transformation. « Très bientôt, l’exportation de ce trésor va révolutionner l’économie burundaise », s’est targué le PAEEJ.

Quid des recettes minières ?

Le compte 786 de la loi n° 1/20 du 5 juillet 2024 portant règlement et compte rendu budgétaire pour l’exercice 2022-2023.

Un économiste qui a requis l’anonymat s’étonne que les services de la présidence de la République parlent du « lancement officiel de l’exportation des minerais du Burundi », alors que les minerais sont exportés chaque jour. Pour lui, les décideurs se réveillent trop tard. Et de rappeler la déclaration du ministre burundais des Finances lors de la séance plénière du 25 septembre 2024 à l’Assemblée nationale :
« Il a déclaré que le montant des recettes attendues au cours de l’année budgétaire 2023-2024, en provenance du secteur minier, s’élevait à 26 008 148 741 BIF, mais que seuls 6 273 590 939 BIF sont arrivés dans le Trésor public, soit un taux de 24 % des prévisions. »

Les chiffres du non-rapatriement des devises.

Un autre économiste estime que la transparence devant les médias ne suffit pas. « C’est un spectacle pour la population, sous le grand sourire de prédateurs bien connus. De plus, 260 tonnes d’améthyste et de quartz vert, cela vaut quoi sur les marchés internationaux ? L’histoire du PAEEJ, c’est pour endormir les gens. »

Lors de l’exercice budgétaire 2023-2024, les 40 milliards de BIF attendus du secteur minier n’ont pas été versés au Trésor public, pointant un écart important entre les recettes prévues et celles effectivement réalisées. Les raisons évoquées incluent une gestion opaque et des contrats miniers peu rentables, ce qui a conduit à la suspension temporaire des activités des sociétés minières en 2021 pour la renégociation des contrats.

Pour l’exercice 2025-2026, le gouvernement prévoit une augmentation importante des recettes minières, espérant collecter plus de 130 milliards de BIF grâce à la mise en place d’un système de suivi numérique des productions minières afin d’améliorer la transparence et la collecte fiscale.


Réactions

Gabriel Rufyiri : « Les minerais sont exploités par des gangsters qui ne sont pas des moindres. »

« La question qu’il faut poser, c’est d’abord de savoir quelles procédures ont été utilisées par ces personnes qui exploitent les minerais pour l’exploration, l’exploitation et ensuite l’exportation. »
Selon Gabriel Rufyiri, avant de parler de transparence, il faut d’abord un « arsenal juridique et des outils » clairs, aussi bien en matière de textes que d’institutions capables de garantir une gestion rigoureuse du secteur minier.

Le président de l’Olucome se montre sceptique face à l’idée que le PAEEJ puisse être la clé de la transparence. « Me dire que le PAEEJ va aider pour que la transparence soit là, ce n’est qu’une partie émergée de l’iceberg. » A ses yeux, croire que la bonne gouvernance naîtra uniquement des jeunes impliqués dans l’exploitation minière relève de l’utopie. « Dire que la transparence et la gouvernance vont commencer par cette partie de l’iceberg, ce n’est pas possible pour moi. »

Pour Rufyiri, le problème est beaucoup plus profond.
« Comme vous le savez, les minerais sont exploités par des gangsters qui ne sont pas des moindres », dénonce-t-il, appelant à une transparence « globale » et à un contrôle rigoureux dès la base.

Il rappelle qu’en février 2025, une retraite avait été organisée au palais de Kiriri pour mettre en place une stratégie nationale de lutte contre la corruption. Celle-ci devait déboucher sur des institutions solides dans un délai de trois mois, mais « le secteur minier, qui devait en être un pilier, reste encore dans l’ombre ».

M. Rufyiri évoque également l’engagement du Burundi à adhérer à l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), un processus qui, selon lui, suscite déjà des résistances.
« Il y a plus d’une année, le Burundi s’est engagé à adhérer à l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE). Mais lors d’une réunion coorganisée par l’Olucome et le ministère en charge des Mines, je dois vous dire que les exploitants de minerais ne veulent pas entendre parler de cette adhésion du Burundi à l’ITIE. »

Pour lui, la volonté du chef de l’État est importante. « Mais il doit y avoir des mécanismes et des hommes et des femmes qu’il faut pour que le pays puisse réellement jouir de ses minerais. La transparence, ce n’est pas seulement appeler les médias pour montrer qu’on exporte. »

Pour l’Olucome, la transparence ne se limite pas à des déclarations publiques ou à des cérémonies d’exportation. Elle doit se refléter dans le budget national. « On doit avoir un montant clair dans la loi de finances concernant les types de minerais exploités. Mais lorsqu’on consulte les comptes budgétaires, on trouve zéro. »

Il cite en exemple d’autres pays de la région, comme la Tanzanie ou l’Ouganda, où des sites web officiels publient les marchés miniers, les exportations et les revenus générés. « Où peut-on trouver ces données au Burundi ? »
Gabriel Rufyiri promet : « Lorsqu’il y aura la révision budgétaire, nous allons vérifier s’il y a des améliorations au niveau de la rubrique “minerais”. C’est à partir de là qu’on vérifiera s’il y a des retombées de ce message du chef de l’État. Si ce n’est pas le cas, ce sera un message qui a des visées politiques. »

Faustin Ndikumana : « Ce n’est pas cette quantité qu’on vient d’exporter qui va créer des miracles. »

« D’abord, c’est une exploitation artisanale qui, dans plusieurs cas, ne se conforme pas à la loi ni aux normes environnementales. Dans le secteur minier, il y a des défis d’expertise. Les jeunes ne peuvent pas s’aventurer, sous prétexte qu’ils sont du PAEEJ, dans un métier comme l’exploitation des minerais sans aucune expérience. Il y a le Code minier qu’il faut observer et les conditions d’exportation qui doivent être transparentes », relève le directeur national de Parcem.D’après lui, l’exploitation artisanale donne toujours de petites quantités, loin de ce que produit une exploitation professionnelle.
« 260 tonnes, c’est une goutte. Je ne crois pas qu’il faille attendre des résultats extraordinaires. C’est une petite quantité qui doit d’ailleurs être soumise à un traitement à l’extérieur, suite à cette exploitation artisanale qui n’observe pas les standards internationaux. Le secteur minier garde des défis qu’il faut absolument relever. »

Pour le directeur national de Parcem, il faut d’abord actualiser la carte minière. « Le Burundi a un problème lié à l’actualisation de la carte minière. Il faut des études pour localiser les minerais, savoir quantifier et évaluer les ressources dont regorge le sous-sol du Burundi, et les localiser. Il ne faut pas jeter la faute aux colonisateurs de nous avoir caché des gisements. Cela fait soixante ans d’indépendance, et c’est notre sous-sol. Il faut actualiser la carte minière. »

Deuxièmement, poursuit-il, il faut des études objectives de prospection, afin de pouvoir évaluer la rentabilité d’une mine au regard des prix sur les marchés internationaux, des études d’impact socio-économique et des études d’impact environnemental.
Il y a aussi un problème lié à l’harmonisation institutionnelle.
« Nous avons le ministère, les institutions de régulation, les sphères politiques au plus haut sommet, le parti au pouvoir qui s’ingère et garde le dernier mot dans plusieurs cas, violant ainsi la loi, notamment au niveau des marchés publics et du Code minier. Il y a actuellement un problème de recettes minières. Une partie des devises qui entrent se volatilisent, le reste est mal géré. »

D’après Faustin Ndikumana, l’adhésion à l’ITIE est fondamentale pour évaluer un pays qui décide de s’engager dans la transparence dans la gestion du secteur minier. « La concurrence qui doit être observée partout est inexistante, les contrats ne sont pas transparents, le choix des acheteurs étrangers n’est pas transparent, la lutte contre la corruption est toujours problématique, … »

Selon lui, un gouvernement qui ne parvient pas à faire rentrer les devises issues de l’exportation des minerais prouve que le pays est corrompu jusqu’à la moelle des os.
Pour le directeur de Parcem, l’implication du président de la République n’est pas une chose extraordinaire.
« Il y a des secteurs comme le carburant où le chef de l’État a dit qu’il allait s’en occuper lui-même, mais les résultats ne sont pas spectaculaires, car il utilise la même administration. »

Selon cet analyste économique, le chef de l’État ne peut pas être partout. « S’il n’a pas confiance en ses cadres subalternes, c’est toujours problématique. Le président supervise, mais il ne peut pas dire qu’il va être au premier plan dans l’exécution des politiques de l’administration. Il y a beaucoup de défis à relever. Sinon, ce n’est pas cette quantité qu’on vient d’exporter qui va créer des miracles. Il faut un engagement fort vers la transparence, la lutte contre la corruption et surtout l’adhésion à l’ITIE, comme on l’a toujours réclamé. »


Analyse de Jean Ndenzako

« L’exportation de minerais bruts constitue un leurre qui perpétue la dépendance et la vulnérabilité. »

Alors que de nombreux Burundais — y compris le président de la République — voient dans les exportations minières, comme celle réalisée le 7 octobre dernier, une opportunité de relance économique, l’économiste Jean Ndenzako appelle à la prudence. Selon lui, l’exportation de minerais bruts peut donner l’illusion d’une croissance rapide, mais elle ne génère pas de véritable valeur ajoutée.

Que représente, selon vous, cette récente exportation de minerais par le Burundi ?
L’exportation de matières premières brutes, comme les minerais, est souvent présentée comme une voie rapide vers la croissance économique pour les pays en développement comme le Burundi. Cependant, d’un point de vue économique, cette stratégie ne suffit pas à générer une véritable émergence économique et peut même s’avérer être un leurre, car elle ne crée pas de valeur ajoutée significative et expose le pays à des vulnérabilités structurelles.

En quoi cette stratégie d’exportation brute est-elle problématique ?
Je vais expliquer cela étape par étape, en m’appuyant sur des principes économiques classiques (comme la théorie de la malédiction des ressources ou “resource curse”) et des éléments spécifiques au contexte burundais.

Avant d’aller plus loin, que faut-il entendre exactement par “émergence économique” ?
L’émergence économique désigne un processus de transformation structurelle d’une économie, menant à une croissance soutenue, une diversification des secteurs productifs, une industrialisation, une réduction de la pauvreté et une amélioration des standards de vie.

Comment ce concept d’émergence s’applique-t-il au cas spécifique du Burundi ?
Pour le Burundi, un pays classé parmi les plus pauvres du monde (PIB par habitant autour de 250-300 USD en 2023-2024, selon les données de la Banque mondiale), cela impliquerait de passer d’une économie dominée par l’agriculture de subsistance (qui représente environ 40% du PIB et emploie 90% de la population) à une économie plus industrialisée et intégrée aux chaînes de valeur mondiales. L’exportation de minerais bruts (comme le nickel, l’or, le coltan ou les terres rares, dont le Burundi dispose de réserves potentielles) ne répond pas à ces critères, car elle reste une activité extractive basique sans transformation.

Certains estiment toutefois que ces exportations minières sont bénéfiques. Quels avantages peuvent-elles offrir, au moins à court terme ?
Sur le court terme, exporter des minerais bruts peut générer des revenus :
Revenus en devises étrangères : Les exportations minières pourraient augmenter les réserves de change du Burundi, permettant d’importer des biens essentiels (aliments, carburants, machines). Par exemple, si les prix mondiaux des minerais montent (comme pour le nickel utilisé dans les batteries électriques), cela pourrait booster les recettes fiscales.

Emplois directs : L’extraction crée des emplois dans les mines, bien que souvent précaires et à faible qualification (environ 10-15% des exportations burundaises proviennent déjà des minerais, mais cela reste marginal comparé au café et au thé).

Investissements étrangers : Des compagnies minières internationales pourraient investir, apportant du capital et de la technologie.

Ces bénéfices semblent attractifs, mais ils masquent des faiblesses structurelles qui rendent cette approche illusoire pour une émergence durable.

Où se situe, selon vous, le cœur du problème ?
L’absence de création de la valeur ajoutée. Économiquement, la “valeur ajoutée” désigne l’augmentation de la valeur d’un produit à travers des processus de transformation, qui génèrent des emplois qualifiés, des innovations et des liens avec d’autres secteurs.

Pouvez-vous illustrer concrètement ce manque de valeur ajoutée ?
Exporter des minerais bruts signifie vendre un produit à l’état brut, où la majeure partie de la valeur est captée par les pays importateurs qui les raffinent et les transforment.

Perte d’opportunités : Au Burundi, les minerais sont extraits et exportés sans traitement local. Par exemple, le coltan (utilisé dans l’électronique) est envoyé en Chine ou en Europe pour être raffiné, où la valeur ajoutée peut multiplier le prix par 10 ou plus. Le Burundi ne capture que la fraction extractive (environ 10-20% de la valeur totale de la chaîne), ce qui limite les retombées économiques.

Faible effet multiplicateur : Contrairement à une industrie de transformation (par exemple, fondre le nickel localement pour produire des alliages), l’export brut n’entraîne pas de “liens en amont et en aval” (backward and forward linkages, selon la théorie d’Albert Hirschman). Pas de développement d’industries connexes comme la métallurgie, la chimie ou la logistique avancée, ni de transfert de compétences techniques.

Comparaison avec d’autres pays : Des nations comme la Norvège ou le Botswana ont évité le piège en investissant les revenus miniers dans la diversification (éducation, infrastructures). À l’inverse, des pays africains comme la RD Congo (riche en minerais) restent pauvres malgré des exportations massives, car sans valeur ajoutée, les revenus fuient via les multinationales ou la corruption.

Peut-on alors parler d’un “leurre économique” ?
La théorie de la “malédiction des ressources” (développée par des économistes comme Jeffrey Sachs et Andrew Warner) explique pourquoi les pays dépendants des exportations de matières premières peinent à émerger :
Volatilité des prix : Les minerais sont sujets à des fluctuations mondiales (par exemple, chute des prix du nickel en 2023 due à la surproduction). Pour le Burundi, déjà vulnérable aux chocs externes (climat, conflits régionaux), cela créerait des cycles boom-bust : prospérité temporaire suivie de récessions, sans base stable pour l’investissement.

Maladie hollandaise (Dutch disease) : Les revenus miniers apprécient la monnaie locale (le franc burundais), rendant les autres secteurs (agriculture, tourisme) moins compétitifs à l’export. Résultat : une désindustrialisation prématurée et une dépendance accrue aux importations.

Problèmes institutionnels : Sans institutions solides, les revenus miniers favorisent la corruption, les conflits (comme dans les “minerais de sang” en Afrique de l’Est) et une mauvaise allocation des ressources. Au Burundi, où la gouvernance est faible (indice de corruption élevé selon Transparency International), cela pourrait aggraver les inégalités plutôt que de financer des réformes.

Manque de diversification : L’export brut renforce une économie mono-exportatrice. Le Burundi exporte déjà principalement des produits primaires (café, thé, minerais), ce qui le rend vulnérable. Une véritable émergence requerrait d’investir dans la transformation locale, l’éducation et l’innovation pour créer des chaînes de valeur (par exemple, produire des batteries au lithium à partir de minerais locaux, si les réserves le permettent).

En quoi ce modèle est-il particulièrement risqué pour le Burundi ?
Le Burundi dispose de réserves minérales estimées (nickel à Musongati, or artisanal), mais elles sont sous-exploitées en raison de l’instabilité politique, du manque d’infrastructures (routes, électricité) et d’un climat des affaires défavorable. Même si les exportations augmentaient (via des partenariats avec la Chine ou la Russie, comme observé récemment), cela ne créerait pas d’émergence.

Pourquoi cette stratégie reste-t-elle, malgré tout, une impasse pour le pays ?
Échelle limitée : Les réserves ne sont pas comparables à celles de géants comme l’Australie ou la Guinée, donc les revenus resteraient modestes.

Coûts environnementaux et sociaux : L’extraction brute dégrade l’environnement (pollution, déforestation) sans bénéfices locaux durables, aggravant la pauvreté rurale.

Alternatives nécessaires : Pour émerger, le Burundi devrait prioriser la valeur ajoutée, comme le font le Rwanda (transformation du café) ou l’Éthiopie (industrialisation légère). Cela impliquerait des politiques de raffinage local, de formation professionnelle et d’intégration régionale (via la Communauté Est-Africaine).

En somme, la dernière exportation de minerais constitue-t-elle un simple mirage économique ?
L’exportation de minerais bruts peut offrir un mirage de croissance à court terme, mais elle ne crée pas de valeur ajoutée et constitue un leurre qui perpétue la dépendance et la vulnérabilité. Une émergence réelle pour le Burundi passerait par une stratégie de transformation industrielle, soutenue par des investissements dans le capital humain et les infrastructures, pour convertir ces ressources en richesse durable. Sans cela, le pays risque de rester piégé dans un cycle de sous-développement.

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