Lundi 05 mai 2025

Politique

Au cœur du pays/Jeunes et femmes de la commune Muramvya : Une volonté affichée de participer à la vie politique, mais…

Au cœur du pays/Jeunes et femmes de la commune Muramvya : Une volonté affichée de participer à la vie politique, mais…
Bâtiment abritant les bureaux de la commune Muramvya

Non accès aux crédits bancaires ; chômage : manque d’infrastructures de base ; stéréotypes culturels… Tels sont quelques défis qui empêchent les jeunes et les femmes de la commune Muramvya de participer pleinement à la vie politique et au développement. Ils interpellent les futurs élus à joindre la parole à l’acte.

« Le développement pour moi semble être un rêve. Comment est-ce qu’une cultivatrice comme moi peut s’asseoir avec les femmes de la ville ? J’imagine que je ne peux même pas avoir la parole. Les grands projets de développement n’arrivent pas dans nos zones. Par contre, ces projets restent dans la ville. Nous avons des projets mais, nous les voyons comme des illusions. Nous avons besoin d’un appui financier de la part du gouvernement », déplore Divine Ndayishimiye, une cultivatrice habitante de la colline Masango dans la commune Muramvya.

Elle demande aux futurs candidats de mettre en avant les projets de développement en faveur des habitants de sa colline, plus précisément les femmes vulnérables. « Toute la colline est dans le noir. Nous avons besoin du courant électrique. Le candidat qui va mettre cc projet en œuvre sera le meilleur. Une zone qui a l’électricité se développe rapidement car, les habitants y créent différents projets. »

Les autres projets qui pourront aider dans le développement de la femme sont, entre autres, le projet d’élevage des bovins. « Le candidat qui peut nous offrir des bovins, cela peut nous aider à avoir des engrais pour nos champs de cultures. Comme nous sommes des cultivatrices, celui ou celle qui sera élu(e) devrait voir comment relever le secteur agricole. »

Divine Ndayishimiye recommande aux futurs candidats de tenir leurs promesses. « Lors des élections, les candidats promettent de bons projets. Mais, après avoir été élus, ils ne tiennent pas leurs promesses. J’imagine qu’ils doivent mettre en œuvre des projets qui visent à relever financièrement la population. Ici, les femmes ont également besoin d’être sensibilisées pour qu’elles ne se sous-estiment plus. J’ai voulu me faire élire. Mais, comme je ne savais même pas les documents exigés et que je n’avais pas de moyens, je n’ai pas posé ma candidature. »

Encore des stéréotypes

(g à d) : Jeanine Nzeyimana, Goreth Minani, Divine Ndayishimiye et Cécile Tuyisenge : « Nous encourageons les autres femmes pour l’auto-développement »

Les femmes de la colline Masango affirment qu’elles se sont faites enrôler pour les élections législatives et souhaitent une représentation plus accrue. Malheureusement, les femmes se heurtent à barrières culturelles. « Nous espérons que les 30 % seront respectés pour que nous soyons représentées. Mon mari m’a empêchée de me mettre sur la liste en m’expliquant que je ne serais pas capable de diriger. J’espère que celles qui ont réussi à se faire élire vont être élues », lâche la prénommée Marie-Ange de cette même localité.

Diane Niyonkuru a rencontré les mêmes barrières. Elle témoigne en effet qu’elle avait l’idée de se présenter comme candidate aux prochaines élections mais, son mari l’en a empêchée.
« Tu ne peux pas être capable de diriger une colline. Être femme au foyer et cheffe de colline en même temps, j’avoue que tu ne peux pas t’en sortir. Comment est-ce que tu vas suivre l’éducation des enfants ? C’est moi le chef de famille qui a le dernier mot. Tels sont les mots blessants que mon mari m’a proférés lorsque je lui ai partagé l’idée de me faire élire. Je ne sais pas d’où vient cette attitude des hommes. Il faut qu’ils nous donnent cette chance d’émerger et cessent de nous infantiliser », se révolte Mme Niyonkuru.

Sans hypothèque, pas de crédits bancaires

La plupart des femmes rencontrées sur la colline Biganda de la commune Muramvya sont des cultivatrices. Elles indiquent qu’elles ne peuvent pas approcher les banques pour demander des crédits faute d’avoir des hypothèques.
« C’est vrai. Nous avons entendu parler de la banque qui aide les femmes. Mais, comment approcher cette banque alors qu’on n’a pas d’hypothèques ? J’ai proposé cette idée un jour à mon mari. Il l’a rejetée en me disant que je n’ai rien comme garantie. Il nous faut une sensibilisation car, même si je sais comment fonctionne une banque, il y a d’autres femmes de mon entourage qui ignorent les conditions exigées pour bénéficier d’un crédit auprès d’une banque », déplore Cécile Tuyisenge, habitante de la colline Biganda.

Elle ajoute qu’il existe des associations d’épargne et de crédit sur leur colline. Mais, s’indigne-t-elle, les crédits qui leur sont accordés sont insignifiants « Nous épargnons une somme de 500 BIF par semaine. Dans notre association, on ne peut pas donner un crédit de plus de 50 000 BIF. Avec cette somme, on ne peut rien faire comme projet de développement. On n’achète qu’un seul sac d’engrais chimiques. Nous ne pouvons pas approcher les banques pour demander des crédits car, on n’a rien comme hypothèque ».

Toutefois, les femmes de la colline Biganda témoignent qu’elles ne croisent pas les bras. Elles ont des projets de développement mais, elles se heurtent à un manque d’appui financier pour les mettre en œuvre. « Le manque de moyen financier bloque notre développement. Par exemple, j’ai eu la chance d’apprendre la couture. Mais, comme je n’ai pas de moyen pour m’acheter une machine à coudre, je suis au chômage », regrette Jeanne Niyonsenga.

Pour d’autres femmes, la cherté de la vie vient aggraver la situation. Chantal Inamahoro de la localité de Buganda ne mâche pas ses mots. « Je n’appartiens à aucun parti politique. Je vais élire celui qui va présenter les projets de développement. Nous voyons les prix des denrées alimentaires grimper du jour au lendemain. Un kilo de riz à 6 000 BIF, qui peut s’en procurer ici ? Personne ! »

Elle s’interroge sur cette montée exponentielle des prix. Elle invite les futurs dirigeants à y apporter une solution. « Un candidat qui pourra nous appuyer financièrement pour qu’on puisse satisfaire les besoins familiaux est le bienvenu. »

Accès à l’eau potable et à la carte d’assistance maladie : un défi

Les habitantes de la colline Masango indiquent également qu’elles ont un problème d’eau potable. « Nous avons un problème d’eau potable. La colline Masango n’a aucun robinet, que ce soit public ou privé. Cela figure parmi les causes du sous-développement de notre colline. Souvent, des maladies liées au manque d’hygiène nous attaquent. Même à l’hôpital Muramvya, il y a un manque criant d’eau potable. J’y étais la semaine dernière. Je devais me rendre dans la vallée pour laver les habits et revenir avec l’eau pour m’assurer que mon enfant malade reste propre. Il nous faut de l’eau potable. La colline n’est pas loin de la ville. Que l’administration nous vienne en aide ! », s’alarme Goreth Minani.

Jeanine Nzeyimana, la trentaine, mère de quatre enfants, témoigne : « Avant, mon mari me battait parce qu’il ne comprenait pas comment je peux passer toute une heure à puiser de l’eau. Un jour, il s’est rendu au puits. Il est revenu en me demandant pardon. Comme j’ai vécu ce malheur, le candidat qui mettra en avant l’adduction d’eau, a plus de chance de remporter. Et je ne serais pas la seule et à lui faire confiance. »

Par ailleurs, ajoutent les femmes rencontrées sur la colline Biganda, l’accès à la carte d’assistance maladie (CAM) reste problématique. « Nous entendons à la radio qu’il y a une carte d’assistance maladie. Chez nous, nous avons besoin de cette carte car, lorsque nous tombons malades, nous rencontrons des problèmes pour nous faire soigner. Il y a même ceux qui meurent à cause du manque de moyens pour se faire soigner », déplore Isidonie Ndarishikanye.

Elle ajoute que même l’économie familiale est touchée. « Les frais de soins de santé sont coûteux. Sans la carte, nous utilisons beaucoup d’argent. Mon mari a été enfermé à l’hôpital dernièrement parce que nous n’avions pas les moyens de payer la facture. J’ai dû vendre son vélo pour le faire sortir de l’hôpital. Vous entendez que le travail qu’il effectuait avec son vélo s’est arrêté. Ça a perturbé l’économie familiale. »

Une participation politique timide

Emelyne Gahimbare est une jeune fille du quartier chinois à Muramvya. Elle fait savoir qu’elle est prête à participer aux élections pour élire. Elle fait remarquer que les élections permettent d’asseoir la paix et la sécurité.

Elle indique néanmoins qu’elle n’a jamais participé dans une réunion d’explication du code électoral pour savoir ses droits et ses devoirs. « J’attends seulement que l’heure sonne pour aller poser mon acte civique ».

Même sentiment chez Belyse Irakoze, une jeune femme diplômée, habitante de la colline Bihororo. Elle trouve que ce qui est important est d’asseoir un climat de paix dans le pays. Elle fait aussi savoir que leur localité est calme. « Il n’y a pas de conflits d’ordre politique entre jeunes ».

Cette jeune fille dit que les jeunes font face à beaucoup de défis notamment le chômage. Par-là, elle souhaite que les projets viennent pour résoudre ce problème majeur en créant de l’emploi, à travers des sociétés qui embauchent les jeunes. Elle demande des projets d’agriculture et d’élevage ainsi que le développement des groupements d’épargne et de crédit.

Elle estime malheureusement que les jeunes filles sont durement touchées plus que les autres. Elle parle notamment des grossesses non désirées. « Les jeunes filles font face à de nombreux problèmes. Il y a beaucoup de cas de grossesses à cause de la pauvreté. Ces filles doivent être mises au travail pour les épargner de ce fléau ».

Belyse Irakoze : « Les politiques doivent s’abstenir de tout propos violent et défendre seulement leurs projets de société ».

Cette jeune fille émet d’autres préoccupations à résoudre pendant la prochaine législature. « Il faut qu’on adopte une loi centrée sur l’égalité des genres qui puisse garantir l’égalité en termes de droits dans tous les domaines : l’éducation, l’emploi, la santé notamment en milieu rural. Il faudra également que la prochaine législature soit marquée par une avancée significative au niveau des droits des femmes au Burundi ».

Elle invite toutes les femmes burundaises à participer dans les prochaines élections, de se faire élire et de se choisir parmi elles les candidates capables de gouverner. Il faut des femmes qui ont des projets réalisables pour le développement de la femme en particulier et celui du pays en général. Ces femmes veulent aussi une augmentation du quota de 30% ainsi qu’une bonne représentation dans tous les domaines de la vie du pays. Elles doivent le défendre dans les urnes.

Belyse Irakoze appelle les jeunes à résister contre toute manipulation et instrumentalisation politique. « Nous devons penser à notre avenir au lieu de tomber dans des pièges. Les politiques doivent s’abstenir de tout propos violant et défendre seulement leurs projets de société ».

Diane Ndayikengurukiye ajoute qu’au regard du climat social actuel, les candidats devraient faire un examen de conscience en faisant une sorte de bilan avant de solliciter le soutien de leurs électeurs : « Ils viennent seulement pour chercher des voix alors qu’ils devraient d’abord montrer ce qu’ils ont déjà réalisé et ce qu’ils comptent réaliser dans le futur ».


« La place de la femme n’est pas au foyer »

En commune Muramvya, les femmes réclament une représentativité plus accrue. Elles appellent les candidats potentiels à briser les barrières culturelles qui freinent le développement des femmes.

Dorothée Nahimana, assistante à la Direction du développement familial et communautaire en commune Muramvya fait savoir que les femmes ne sont pas restées en arrière. Elles sont prêtes à élire et à se faire élire. « Il y a plusieurs femmes qui sont membres des partis politiques. La Constitution nous accorde au moins 30% dans les instances de prise de décisions. C’est vrai que certaines femmes ne peuvent pas se faire élire par manque de moyens exigés à cause de la pauvreté. Mais, c’est important qu’elles briguent les postes politiques ».

Elle constate que la représentativité des femmes reste faible par rapport aux hommes. « Il y a un défi majeur car les 30% ne suffisent pas. L’électorat féminin est majoritaire. Pourquoi ne pas élever la barre jusqu’ à 60% ? Les femmes font face à moult défis, mais nous espérons que la situation changera progressivement ».

Dorothée Nahimana : « Les femmes font face à moult défis. Mais, nous espérons que la situation changera progressivement »

Selon Mme Nahimana, les défis sont notamment la pauvreté qui ne leur permet pas d’avoir les moyens nécessaires pour se faire élire. En plus, elle épingle la question de liberté. Des cas de femmes dont les maris ne les autorisent pas à militer dans les partis politiques existent. « Cela fait que la représentativité reste très basse ».

Elle fait observer que les femmes qui occupent déjà des fonctions administratives le font bien malgré le poids des tâches ménagères. Elles essayent en effet de concilier les deux fonctions et elles s’en sortent bien. « C’est pourquoi les femmes doivent être soutenues. Elles sont capables ».

Cette assistante sociale indique que des séances de sensibilisation ont été organisées pour inciter les femmes à la participation politique et surtout à intégrer les partis politiques.
Dorothée Nahimana parle des projets prioritaires qui lui tiennent à cœur. Elle souhaite voir soutenir le développement des femmes pour une autonomie financière. « Nous avons une banque d’investissement pour les femmes et des coopératives des femmes. Les dirigeants qui seront élus doivent donner des facilités aux femmes pour accéder aux crédits. Toutes les banques au Burundi exigent une hypothèque et cela doit être un titre de propriété. C’est comme si la femme n’a droit à aucune chose. C’est pourquoi tous les projets doivent faciliter les femmes car elles ont la force et la volonté d’aller de l’avant ».

Bien plus, le Burundi a besoin de la stabilité et de la paix. Elle invite la jeunesse à la retenue et à éviter toute manipulation politique. Les acteurs politiques sont également interpellés pour s’abstenir de toute instrumentalisation et de la violence.

« La femme est le pilier du développement »

Interrogée, Filde Nahimana, la cheffe de la colline Biganda, appelle les futurs candidats aux l’élections législatives de 2025 à mettre en avant les projets qui aideront la femme à se développer. « La femme est le pilier du développement. Alors, je demanderai aux futurs élus de mettre en place les projets qui pourront aider la femme à se développer. Les femmes de notre localité ont besoin d’être sensibilisées pour qu’elles aient confiance en elles. »

Cette autorité qui vient de totaliser plus de 20 ans dans l’administration collinaire, encourage également les femmes à briser le tabou, à ne pas se sous-estimer et à participer dans les activités des politiques. Cela les aidera à avoir une place dans les organes décisionnels. Elle invite ses administrées à lui emboîter le pas ».
« Personne ne viendra chercher une femme chez elle. Les organisations qui opèrent dans notre province ne vont pas s’imaginer qu’il y a une femme sur telle ou telle autre colline. Il faut qu’elles prennent les devants. Il ne faut pas qu’elles soient des femmes au foyer seulement. Je veux qu’elles comprennent que pour une femme, faire partie des organes décisionnels ne signifie pas perdre sa dignité ».

Filde Nahimana : « J’interpelle plutôt les hommes à soutenir leurs épouses dans ce combat vers le développement et la démocratie »

Pour Mme Nahimana, la femme est et reste le pilier du développement.« Si la femme se développe même l’éducation de ses enfants devient facile. On ne peut pas laisser la femme derrière car, sans elle, on ne pourra pas développer notre colline encore moins notre commune ».

Enfin, Filde Nahimana lance un appel aux hommes à rompre avec les vieilles attitudes qui ne valorisent pas les femmes. « Les femmes sont dynamiques. Elles sont capables d’accomplir plusieurs tâches à la fois. J’interpelle également certains hommes qui sont embrigadés par les vieilles croyances à y mettre fin et à soutenir plutôt leurs épouses dans ce combat vers le développement et la démocratie. La place de la femme n’est pas à la cuisine. La femme peut diriger et assumer d’autres fonctions au même titre que l’homme. »


Élections de 2025 : les jeunes réclament eau, électricité, emploi et vérité aux candidats

À un mois des élections de 2025, les jeunes de la commune Muramvya expriment avec vigueur leurs attentes, espoirs et frustrations. Leurs témoignages, recueillis sur différentes collines telles que Masango, Buganda, Biganda ou encore Murambi, révèlent des réalités dures : chômage, manque criant d’infrastructures de base, routes impraticables, promesses politiques non tenues. Ils ont aussi une volonté affirmée de participer à la vie démocratique et de bâtir un avenir meilleur.

Jacques Ndayishimiye, 30 ans, habitant de Masango, affiche son attachement à la vie politique. « Ici, la plupart des jeunes sont affiliés aux partis politiques. Nous sommes prêts à exercer nos droits et devoirs civiques lors des prochaines élections ». Mais, il y a un frein à cette volonté politique. Ces jeunes évoquent d’abord le chômage. « Il faut créer des emplois. Nous, les jeunes, sommes nombreux, et nous sommes les premières victimes du chômage. Il faut que nous ayions quelque chose pour participer au développement du pays. ».

S’il y avait de l’électricité, les jeunes disent qu’ils pourraient exercer différents métiers pour gagner

Il regrette aussi l’absence d’infrastructures. « On n’a même pas d’eau. Et s’il y avait de l’électricité, je pourrais entreprendre en me lançant dans les métiers tels que travailler dans un salon de coiffure ou devenir soudeur pour gagner ma vie. »
Ces jeunes s’indignent du fait qu’à moins de deux kilomètres se trouve la centrale hydroélectrique de Gikonge construite en 1981 sur la rivière Mubarazi, au pied du mont Saga. Malgré cette proximité avec une source d’énergie, les populations locales n’ont jamais bénéficié des bienfaits de cette invention révolutionnaire de Nikola Tesla.

Oswald Nduwayo, 18 ans, élève en 9e fondamentale sur la colline Masango, se prépare aussi pour les élections. Contrairement à Liévin Ntakirutimana, un autre jeune de la même zone, il connaît l’existence du Programme d’Autonomisation économique des jeunes (PAEEJ). « Il faut que le PAEEJ aide les jeunes chômeurs en finançant leurs projets. Ce serait essentiel. L’eau et l’électricité sont aussi indispensables pour le développement de notre localité. »

Tous rêvent d’entreprendre, mais…

À Muramvya, la population signale qu’en période de pluie, certaines routes deviennent impraticables

La doléance la plus répétée par les jeunes reste l’accès à l’eau potable et à l’électricité qui sont une priorité absolue. Pour Liévin Ntakirutimana,« l’électricité et l’eau suffiraient déjà à transformer notre quotidien. » Il s’agit de la même observation du côté d’Emmanuel Rujugiro, de la sous-colline Ndago : « Si l’électricité venait, le développement suivrait forcément. »

« Une fois que nous aurons l’électricité, je pourrai investir dans un moulin ou créer une menuiserie », souligne Ntakirutimana. Mais, ces rêves restent pour l’instant utopiques, faute d’infrastructures.

Jean-Claude Habonimana, commerçant à Masango, dénonce les difficultés qu’il rencontre dans son activité. « Je me débrouille dans le commerce, mais on paie les impôts deux fois. L’Office burundais des recettes vient collecter et, ensuite, c’est la commune qui repasse. Ce n’est pas compréhensible. Et pour le transport de mes marchandises, c’est le calvaire à cause de la pénurie persistante de carburant. »

Félicité Namanimana, 34 ans, de Biganda, demande des actions concrètes. « Il faut financer les coopératives des jeunes filles et garçons pour qu’on puisse se développer. L’eau et l’électricité sont indispensables mais, il nous faut aussi un centre de santé. Le plus proche est à Muramvya, de l’autre côté, dans la commune Bukeye. Quand il pleut, les routes deviennent impraticables. »

Diane Ndayikengurukiye, 21 ans, habitante de Biganda, insiste. « Pour chercher de l’eau, il faut marcher plus de 45 minutes aller-retour. Que ce soit du côté de Mubarazi ou de l’autre côté, c’est pareil. Et quand il pleut, l’eau devient extrêmement sale. On ne peut pas la boire. »

Adolphe Nahayo : « Chez nous, la cohabitation est bonne. Il serait préférable que ce soit pareil ailleurs ».

Etienne Bigirimana, de la colline Murambi, explique que sur sa colline, l’eau n’est pas un problème. Le grand défi reste l’électricité : « On a un centre de santé. Il y a vraiment de l’eau mais l’électricité reste un rêve pour nous. »
« Le manque d’infrastructures constitue un autre frein majeur sur notre collin. Quand il pleut, les voitures ne peuvent pas passer. On boit l’eau des marais, et on puise très loin. », déplore Obed Irakoze.

Adolphe Nahayo, 33 ans, de Biganda, n’a pas pu s’enrôler car il était en prison. Néanmoins, il soutient que les autres jeunes l’ont fait. « Ce que je veux, ce sont des routes rénovées et l’accès à l’électricité. »

La participation électorale : un engagement malgré les défis

Sur les collines Biganda, Massango, Murambi et Muramvya les jeunes interrogés affirment qu’ils se sont inscrits pour participer aux élections.

Sur la question de la représentativité, les appréciations divergent. Liévin Ntakirutimana souligne que « les jeunes figurent sur les listes des conseils communaux. » De son côté, Étienne Bigirimana nuance. « Chez nous, les jeunes ne sont pas suffisamment représentés. »

Pour Félicité Namanimana, la situation des filles est encore plus préoccupante. « Les filles ne sont pas représentées de manière satisfaisante. Elles ont tendance à se sous-estimer. Il faut maintenant prendre cette responsabilité pour sensibiliser les femmes à se faire élire afin que nous puissions être plus représentées. »

En outre, la cohabitation pacifique et le rejet de la violence restent un engagement chez certains jeunes de Muramvya. Pour d’autres, l’accalmie qui s’observe aujourd’hui à Muramvya reste de façade. Ils en appellent à plus de vigilance.
Emmanuel Rujugiro témoigne. « Il n’y a pas de violence entre jeunes de différents partis ici. Et nous appelons les jeunes d’autres provinces à éviter les violences. »

Jacques Ndayishimiye reconnaît cette accalmie. Il interpelle les jeunes à faire preuve de retenue. « Il faut comprendre que le fait d’appartenir à des partis différents ne devrait pas être un problème. Les jeunes doivent s’unir, se conseiller entre eux et instaurer une harmonie au service de la sécurité de tous. »

Liévin Ntakirutimana insiste aussi. « Il faut éviter les violences électorales. Se battre, c’est s’exposer soi-même à des blessures, et personne ne sera responsable à votre place. »

Jean- Claude Habonimana, commerçant, met en garde. « Si tu te bats et que tu te blesses, tu es seul responsable. » Pour Obed Irakoze « les jeunes doivent arrêter d’être violents. S’ils ternissent l’image de leurs partis, cela entache tout le monde. »

Adolphe Nahayo rencontré sur la colline Biganda complète. « Chez nous, la cohabitation est bonne. Il serait préférable que ce soit pareil ailleurs. » Enfin, Étienne Bigirimana de la colline Murambi conclut. « Il ne faut pas détester quelqu’un parce qu’il n’est pas de votre parti. Nous sommes tous Burundais. »

Toutefois, nuance N.B, certains jeunes exercent une forme de surveillance sur les autres. Il s’inquiète qu’il puisse y avoir des accrochages pendant la période électorale.

Un appel à l’honnêteté et à la retenue des politiciens

À l’approche des élections de 2025, les jeunes de Muramvya ne cachent plus leur indignation face aux promesses électorales non tenues. Ils aspirent avant tout à une relation de confiance avec ceux qui vont occuper les mandats électifs. Ils lancent en même temps un appel solennel à l’honnêteté des politiciens.

Pour beaucoup d’entre eux, les discours de campagne n’ont plus de crédit. Jacques Ndayishimiye déplore le contraste entre les engagements officiels et la réalité vécue. « On nous a promis l’eau et l’électricité en 2020. Mais, regarde ! Rien n’a été fait jusqu’à présent ».

Il insiste sur la nécessité pour les futurs candidats de renoncer aux « mensonges électoraux » et de baser leurs programmes sur des projets réalisables. Selon lui, une parole politique tenue renforcerait la cohésion sociale et redonnerait un sens à la démocratie locale.

Emmanuel Rujugiro partage le même sentiment. « Les politiciens ne doivent plus nous faire de fausses promesses. Mieux vaut dire la vérité ». Il rappelle que l’eau, l’électricité ou la rénovation des routes ne sont pas des chimères, mais des besoins concrets qui conditionnent le développement de la commune.

Jean- Claude Habonimana insiste : « Il faut qu’ils arrêtent de jouer à la manipulation et de nous promettre des projets irréalisables ». il estime que le respect des engagements est la clé pour relancer l’activité économique et le moral des jeunes entrepreneurs.

Obed Irakoze revient sur la relation de confiance entre élus et citoyens. « Si on promet des choses qu’on ne réalise pas, on perd la confiance du peuple ». Il redoute que la répétition des promesses non tenues n’entraîne un désintérêt croissant pour la vie politique.

Étienne Bigirimana reste ferme. « Les promesses non tenues doivent cesser. Il faut apporter des projets concrets ». Il fait observer que les engagements politiques ne doivent plus être perçus comme de simples slogans, mais comme de véritables contrats moraux entre élus et électeurs.

Augustin Havyarimana, 27 ans, un jeune de la colline Biganda, considère que les élections sont une occasion pour permettre aux citoyens de voter des projets de développement afin de changer leur mode de vie.

Il fait savoir qu’il n’a jamais participé dans une réunion d’explication sur le processus électoral. La seule réunion à laquelle il a pris part était celle qui les incitait à se faire inscrire au début du processus.

Il invite les candidats à penser aux projets de développement pour les jeunes. Il dénonce la précarité dans laquelle se trouve la plupart des jeunes. « Les jeunes diplômés et non diplômés croupissent dans la misère à cause du chômage ».

Ce jeune appelle les jeunes à participer aux élections tout en évitant d’être une source de violences. « Les élections de 2025 doivent se faire dans un climat apaisé, sans méfiance ni violences. Tous les acteurs politiques et les jeunes des partis doivent être des acteurs de paix ».

Toujours la même rhétorique

Bâtiment abritant les bureaux de la province de Muramvya

H. G, est un activiste de la société civile dans la province de Muramvya. Il épingle certains politiciens qui peinent à joindre la parole à l’acte. « Les promesses ne sont jamais traduites en actes. Ce sont des discours populistes », s’insurge-t-il.

Il soutient les revendications des habitants de la commue Muramvya. « Les préoccupations exprimées par les femmes et les jeunes de la province de Muramvya sont fondées. Mais, les futurs élus, seront-ils capables d’y trouver une solution satisfaisante ? » s’interroge-t-il.

Cet activiste de la société civile insiste sur la nécessité de développer les secteurs porteurs de croissance et la mise en place des infrastructures de base. Il interpelle les futurs élus à réhabiliter les infrastructures routières déjà existantes qui sont aujourd’hui dans un mauvais état.

Par ailleurs, il reste préoccupé par le non-accès à l’eau potable dans certaines localités. « Il y a beaucoup de sources en eau dans cette commune. Mais, malheureusement, elles ne sont pas aménagées. D’où l’accès à l’eau potable reste un défi majeur les habitants de cette commune »
ll invite les futurs compétiteurs à penser d’abord et surtout à l’intérêt de la population et non aux postes qu’ils vont occuper.

« Certains politiques ne s’intéressent pas aux problèmes des citoyens Ils viennent pour les manipuler. Ils instrumentalisent surtout les jeunes afin d’atteindre leurs intérêts ».
Ce défenseur des droits de l’Homme interpelle les jeunes à s’abstenir de tout acte de violence. Il les met en garde contre toute manipulation par les futurs compétiteurs. « Il faut s’atteler aux travaux de développement et non prêter une oreille attentive aux manipulateurs ».

Interrogé sur la représentation des femmes dans les institutions politiques et de prises de décisions, il recommande aux futurs élus de tenir compte des préoccupations de ces dernières tout en invitant les femmes à être actives et compétitives.
« J’invite les femmes à ne pas croiser les bras mais plutôt à se faire élire pour occuper les postes qu’elles méritent. »


Interview exclusive avec Euphrem Ndikumasabo

« Un bon projet est celui qui vient répondre aux préoccupations des citoyens »

Des projets sur les secteurs porteurs de croissance, visibilité des partis politiques, respect du code électoral… Entretien avec Euphrem Ndikumasabo, gouverneur de la province de Muramvya.

Comment appréciez-vous l’enrôlement aux élections de 2025 ?

Je dirai que tous les citoyens en âge de voter se sont faits inscrire sauf celui qui aurait rencontré un problème particulier. Sinon, nous sommes satisfaits des scores enregistrés. Ce qui est le résultat des campagnes tous azimuts que nous avons menées auprès de la population.

Par ailleurs, c’est en même temps un droit et un devoir que chaque citoyen doit exercer librement. Il n’appartient pas à quiconque de l’exercer à la place de l’autre au risque de lui faire un choix qu’il ne veut pas.

Quels sont les partis politiques les plus visibles sur le terrain ?

Il y a au moins neuf partis politiques qui exercent leurs activités dans cette province. Mais, ils n’ont pas la même force. Les formations politiques les plus visibles sur le terrain sont notamment le parti au pouvoir, le CNDD-FDD, l’Uprona et le CNL.

D’autres formations politiques existent. Mais elles ne sont pas vraiment visibles sur le terrain. Peut-être qu’elles se sont réservées et qu’elles vont se réveiller pendant la campagne électorale.

Quid de leur degré de cohabitation ?

Leur cohabitation reste bonne à l’heure où je vous parle. Nous tenons des réunions trimestrielles à l’intention des dirigeants de ces partis politiques pour qu’ils expriment leurs préoccupations.
Etant donné qu’ils aspirent à occuper tel ou tel autre poste en cas de victoire, nous les interpellons à être de bons modèles à suivre en tout et partout.

Les jeunes affiliés à ces partis politiques restent sereins. Nous espérons que cette accalmie va se pérenniser même pendant et après les élections.

Un message particulier aux jeunes, …

J’interpelle les jeunes à ne pas se laisser manipuler par les dirigeants des partis politiques qui pourraient les inciter à des actes de violence. Ils sont les dirigeants de demain. Il leur appartient de préparer le bon terrain et de s’atteler aux travaux de développement.

D’après vous, quels sont les projets de développement que les futurs élus sont appelés à mettre en avant en faveur des jeunes et des femmes dans cette province ?

Ancien palais royal de Muramvya

Un bon projet est celui qui vient répondre aux préoccupations des citoyens. Nous invitons les compétiteurs ou les futurs élus à approcher les citoyens pour s’enquérir de leurs besoins spécifiques. Les défis peuvent différer d’une commune à l’autre ou d’une colline à l’autre.

Il faut qu’ils consultent d’abord le Plan communal de développement communautaire pour en savoir plus sur les projets proposés par la population. Il appartiendra donc à chacun de voir lequel de ces projets il faut mettre en avant tout en tenant compte des préoccupations et des priorités de la population.

Et cela s’entend parce que les besoins sont exprimés par la population et les projets sont exécutés au nom de cette dernière. Par ailleurs, la plupart des moyens à utiliser dans la mise en œuvre de ces projets proviennent de la population elle-même.

Concrètement, quels sont ces projets ?

Il faut mettre en avant les projets en rapport avec les infrastructures de base telle que la construction des écoles et des centres de santé.

Il faut travailler sur les secteurs porteurs de croissance en développant l’agriculture et l’élevage, l’électrification des milieux ruraux. Quand vous visitez par exemple une localité qui vient d’être électrifiée, deux mois après, vous remarquerez un grand changement dans le mode de vie des habitants. Le commerce et les métiers se développent très rapidement.

Qu’en est-il du secteur du touristique ? La province de Muramvya est réputée pour avoir des sites touristiques historiques. Sont-ils bien protégés et aménagés ?

Site touristique: Lieu où on conservait le tambour royal appelé « Karyenda »

Cette province a été, pendant une longue période, la capitale royale du pays. Les éléments en rapport avec les rites d’intronisation des rois, l’enterrement des rois et des reines, la fête des semailles sont dans la province de Maramvya. C’est une grande richesse touristique pour le pays en général, et pour la province en particulier.

Il appartient aux décideurs d’exploiter cette richesse en développant le tourisme domestique mais aussi pour que ces sites soient connus et visités par les étrangers. De ce cette manière, ce secteur pourra générer des devises.

Quelle est la situation de la réserve naturelle de la Kibira ?

Il sied aussi de mentionner cette richesse qui attire pas mal de touristes locaux et étrangers, sans oublier la pierre d’Inangurire. Cette dernière a été depuis longtemps visitée par des personnes qui voulaient y tirer des bienfaits tels que la progéniture et la richesse.

Quant à la protection de cette réserve, l’Office burundais de l’Environnement essaie, autant que faire se peut, de veiller à sa préservation. Cependant, force est de déplorer que les ménages des Batwa, riverains de la Kibira, continuent de détruire sa faune et sa flore.

Il y a aussi des sites aménagés dont celui de Kiganda où a été signé le Traité de Kiganda entre le roi Mwezi Gisabo et les colons allemands. A cela, il faut ajouter le palais royal de Muramvya qui nécessite une réhabilitation.

Quel message lancez-vous à ceux qui tenteraient d’user de la violence ou de diffuser des messages de haine pendant la campagne électorale ?

Nous invitons la population à distinguer l’ivraie du bon grain. Un futur leader doit faire preuve de retenue. Et une fois élu, il faut qu’il gouverne pour tous en mettant en avant un discours rassembleur et surtout l’intérêt de la population.

Nous espérons que ce genre de dérapages n’auront pas lieu. Au cas contraire, les délinquants seront punis conformément au code électoral et à la loi pénale.

Un appel aux médias pendant la campagne électorale, …

Les médias sont appelés à faire preuve de professionnalisme. Des fois, il a été remarqué que certains journalistes affichent un comportement partisan. Il faut que chacun prenne du recul en dissociant son métier de journaliste et son appartenance à tel ou tel autre parti politique. Nous les invitons à éviter la précipitation au risque de diffuser une information erronée.

Mais, il s’observe des fois de la rétention de l’information par certaines autorités administratives. Votre commentaire.

Il s’est observé souvent des incompréhensions ou des soupçons entre les journalistes et certaines autorités administratives. Les uns et les autres sont au service de la nation. Ils devaient travailler dans le sens de la complémentarité.

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