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Affaire Manirumva : des condamnations qui sentent le soufre

05/05/2013 Commentaires fermés sur Affaire Manirumva : des condamnations qui sentent le soufre

Le 22 mai, le Tribunal de Grande Instance en mairie de Bujumbura a rendu son verdict dans l’affaire Manirumva. Pour plusieurs organisations, locales et internationales, c’est une parodie de justice qui protège les vrais coupables, après un marathon judiciaire décrié dans toutes ses étapes.

<doc4152|left>Le Tribunal de Grande Instance en Mairie de Bujumbura a annoncé, le 22 mai dernier, la condamnation de huit Burundais à la prison à vie pour l’assassinat d’Ernest Manirumva. Il avait également condamné, la veille, six autres personnes, dont trois policiers, à des peines de prison allant de 10 à 20 ans, pour complicité d’assassinat et non assistance à personne en danger. Ce verdict a été rendu en l’absence des prévenus, des parties civiles et de leurs avocats, non informés de la date. Ce verdict a entraîné des réactions d’indignation dans plusieurs organisations non gouvernementales locales et internationales.

Dans une déclaration conjointe publiée, le jour même, ces organisations ont qualifié ce verdict est guidé par des mobiles politiques. Pour elles, c’est un résultat profondément décevant, car des éléments de preuve potentiellement importants n’ont pas été pris en considération. Elles ont pointé du doigt le parquet qui a obstinément ignoré d’enquêter sur les hauts responsables des services de sécurité susceptibles d’être impliqués dans cette affaire.

De déni de justice en déni de justice !

Parmi les condamnés à perpétuité figurent Gabriel Nduwayo, alias Sésé, et Hilaire Ndayizamba, soupçonnés d’être les véritables auteurs de cet assassinat. Pourtant, le ministère public n’a jamais présenté – dans ce long procès qui a débuté en 2009 – des éléments à charge crédibles contre M. Ndayizamba. Tous les témoins à charge présentés, dont le principal était Gabriel Nduwayo, l’ont toujours blanchi, jusqu’à ce que le ministère public demande que le dossier lui soit rendu pour complément d’enquête. C’est à ce moment qu’a surgi deux nouveaux témoins à charge contre Hilaire Ndayizamba, un certain Johny Ndayishimiye, et Gaspard Ndayishimiye, qui l’avaient pourtant blanchi à plusieurs reprises auparavant. Quoiqu’il en soit, ces témoins n’ont ni témoigné en audience publique ni été confrontés au prévenu Ndayizamba.

<doc4151|right>Face au refus du siège d’examiner, avant le fond, la question de mise en liberté provisoire d’Hilaire Ndayizamba, alors que la loi de procédure pénale le permet, sa défense avait décidé de citer pénalement en justice les membres de ce siège pour déni de justice. En effet, le code pénal prévoit que tout juge, tout magistrat, qui se rend coupable de déni de justice peut être poursuivi pénalement. « La Cour Suprême a reçu la requête et s’est arrangée pour la remettre à chacun des juges. Je ne sais pas, aujourd’hui, s’ils ont répondu », indique Me Isidore Rufyikiri, avocat d’Hilaire Ndayizamba.

Un jugement illogique

Ces juges ont décidé de rendre un jugement alors qu’ils étaient cités pour déni de justice. « La logique aurait exigé qu’ils attendent que le tribunal se prononce sur cette question », poursuit Me Rufyikiri.

La défense de Ndayizamba avait demandé un complément d’enquête comme le ministère public l’avait demandé et obtenu avant elle. Requête balayée du revers d’une main par le siège. « Cela démontre un siège totalement partial. Surtout que ce que nous demandions visait à apporter la lumière et approcher la vérité dans cette affaire qui est restée pendant longtemps entretenue dans des conditions bizarres », s’indigne Me Isidore Rufyikiri. . Pour lui, il était clair que ce n’était plus un siège constitué de juges libres, indépendants et impartiaux. La défense a aussitôt introduit une action de récusation contre ces juges.

« Quand on introduit une récusation contre un juge ou tous les juges, le siège doit se retirer, délibérer et décider par un jugement si la récusation est recevable ou non. Il n’a jamais accompli ce devoir, ce qui est un autre cas de déni de justice », souligne Me Isidore Rufyikiri. Pour lui, tout cela constitue de gros vices de procédure, car un juge récusé ne peut pas juger avant d’avoir vidé la question de récusation.

Le peuple et les juridictions internationales comme dernier recours…

Le bâtonnier du barreau de Bujumbura ne désarme pas. Pour lui, la loi survit toujours à ceux qui la violent. Cependant, souligne-t-il, le dossier devra finir devant des juridictions internationales. Non seulement à cause des traitements inhumains subis par Manirumva, mais aussi pour que le dossier soit traité par des juges qui ne subissent pas la pression des dirigeants locaux.
Selon lui, c’est au peule burundais de prendre ses responsabilités pour résoudre ses problèmes. « De tels jugements ne trompent personne. Ils ne font que jeter le discrédit sur ces juges auprès de l’opinion », conclut-il.

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