Jeudi 18 avril 2024

Société

Affaire Kiraranganya : des familles imbriquées, un imbroglio juridique

23/02/2021 1
Affaire Kiraranganya : des familles imbriquées, un imbroglio juridique
Cet arbre généalogique n’est pas reconnu par tous.

L’affaire se corse. En plus de la partie demanderesse, la succession Hodari, d’autres plaignants, à la grande surprise, se sont présentés à la barre dont le frère du signataire du contrat avec la société GIGAWATT GLOBAL BURUNDI SA, Eric Kira. Joseph Kira ainsi que les descendants de Tharcisse Kiraranganya, un autre enfant du prince Joseph Kiraranganya, selon ses descendants, ont introduit une action en justice. Difficile de s’y retrouver.

L’affaire dite « RPC 2543 » était programmée ce mercredi 17 février 2021 en province Gitega. Il est 11 h 30, le siège entre dans une salle bondée. Plusieurs personnes sont venues suivre le procès. D’autres sont là, impliquées dans l’affaire Joseph Kiraranganya.

Le président du siège égrène les affaires à l’ordre du jour. C’est au tour alors de l’affaire Eric Kira contre la succession Antoine Hodari. Quatre avocats se présentent à la barre. Ils sont suivis par 7 descendants d’Antoine Hodari.

Le président du siège pose des questions. Un des avocats lève la main. En prenant la parole, il indique qu’il représente Joseph Kira. Il demande une saisine incidente. « Constitue une saisine incidente toute demande intervenant au cours d’un procès déjà né notamment la demande additionnelle, la demande reconventionnelle et la demande en intervention. Une demande reconventionnelle ou additionnelle n’est recevable que dans la mesure où elle se rattache par un lien suffisant à la demande originaire. » C’est un nouveau venu dans l’histoire. D’après les informations recueillies, il est le grand-frère d’Eric Kira. Le public est interloqué. « C’est une série avec plusieurs saisons », commente un avocat présent dans la salle. « Ça s’embrouille de plus en plus », renchérit son collègue assis à côté de lui.

Une autre famille entre dans la danse

L’audience n’est pas au bout des surprises. Plusieurs personnes se dirigent vers la barre. Ce sont les descendants de Tharcisse Kiraranganya. Selon eux, leur père est le frère de Boniface Kiraranganya donc le fils du Prince Joseph Kiraranganya. Ils demandent une jonction avec l’affaire des Hodari. Désormais, l’affaire comprend trois parties : Eric Kira, Joseph Kira, les Hodari et Tharcisse Kiraranganya.

Le siège n’y comprend rien. Il pose des questions. Les descendants de Tharcisse Kiraranganya indiquent qu’ils ont été les premiers à porter plainte avant la succession Hodari.

Bonaventure Kiraranganya : « Il a déclaré qu’il va nous donner de l’argent pour les Ndagala. Il nous a donné 3000 dollars américains. »

« Sans nous avertir, Eric Kira s’est approprié une parcelle qui est toujours en indivision. La famille Tharcisse Kiraranganya s’est réunie et nous avons porté plainte en premier. On avait des doutes que la famille Hodari était de connivence avec Eric Kira. Mais c’était une partie de la famille. Eric Kira est venu de Canada et il s’est présenté devant le tribunal. Il a demandé à ce que l’affaire soit réglée dans la famille. On ne s’est pas entendu. », confie Bonaventure Kiraranganya, fils de Tharcisse Kiraranganya. « Il a déclaré qu’il va nous donner de l’argent pour les Ndagala. Il nous a donné 3000 dollars américains. Nous avons partagé entre les membres de la famille. Mais nous avons vite compris qu’on a été dupé. Nous voulons que notre cas soit associé avec la succession Hodari. »

Le président du siège demande pourquoi certains membres du clan Hodari ne sont pas présents. Les procurations sont données. Il en manque deux. « Pourquoi les deux n’ont pas voulu s’associer avec vous ? », demande le président du siège. « Ils ont eu des contrats sur le site de Mubuga grâce à Eric Kira, c’est pourquoi ils n’ont pas voulu s’associer avec nous pour ne pas perdre ces privilèges. », répond un membre du clan Hodari. Le siège demande leurs adresses pour les assigner à comparaître la prochaine fois. Ils décident de remettre le procès le 21 avril 2021 afin que toutes les parties puissent analyser toutes les pièces.

GIGAWATT GLOBAL BURUNDI s’en lave les mains

Un acte notarié où André Maregeya affirme qu’Antoine Hodari est le fils du Prince Kiraranganya.

Pour rappel, Eric Kira, petit-fils du Prince Joseph Kiraranganya, a signé un contrat de concession de 25 ans sur une parcelle située à la colline Mirama, zone Mubuga de la commune et province Gitega avec la société GIGAWATT GLOBAL BURUNDI SA. Cette dernière va exploiter la parcelle dans laquelle est érigé son projet de production de l’énergie solaire. Un projet d’intérêt général. Un contrat de 58.000 dollars américains par année. Eric Kira a confirmé le contrat. Mais les autres descendants du Prince le contestent. D’après des témoignages, feu le Prince Joseph Kiraranganya avait trois fils : Antoine Hodari, Tharcisse Kiraranganya et Boniface Kiraranganya. Ce dernier est le père d’Eric Kira qui s’estime le seul héritier.

« Ce projet est un projet d’intérêt national soutenu par le gouvernement de la République du Burundi. Etant un projet d’intérêt national, il est important que rien ne le perturbe. Notre client n’est pas propriétaire, n’a aucune prétention à devenir propriétaire et n’a encore moins de relation avec Eric Kira autre que celle de bailleur à locataire », écrivent les avocats de GIGAWATT GLOBAL BURUNDI. Comme locataire, poursuivent-ils, notre client n’a aucun intérêt et encore moins qualité à être défendeur au présent litige. « En vertu du contrat de location, le bailleur répond de toutes prétentions des tiers pouvant affecter aux droits du locataire. »

Selon les avocats d’Eric Kira, Boniface Kiraranganya a légué la propriété de Mubuga à Eric Kira par acte notarié. « Par la même occasion, il a donné mandat à Pascasie Hakizimana, fille de Antoine Hodari pour gérer la succession Boniface Kiraranganya. Pascasie Hakizimana n’y a trouvé rien d’irrégulier. » Pascasie Hakizimana est l’une des enfants de la famille Hodari qui n’a pas voulu s’associer avec les autres. D’après ces avocats, Antoine Hodari n’a jamais été reconnu par le Prince Joseph Kiraranganya.

Interrogé par Iwacu, André Maregeya, fils de Gabriel Maregeya a confirmé qu’Antoine Hodari est le fils aîné du Prince Kiraranganya. Il l’a aussi signifié devant des notaires. Gabriel Maregeya est le frère de Joseph Kiraranganya. Affaire à suivre.

Forum des lecteurs d'Iwacu

1 réaction
  1. Gacece

    D’un côté, nous avons un frère (si c’est prouvé), qui a signé un contrat de location pour un terrain qui ne lui appartient pas entièrement. Ce seul aspect suffit pour déclarer le contrat illégal, sauf si…

    La première chose est de réellement établir qu’il y a un lien de parenté entre tout ce beau monde. Pourquoi? Parce que s’ils ne se reconnaissent pas entre eux comme frères et/ou soeurs, un ou un groupe des uns ou des autres peuvent mentir. Quoi de mieux pour les départager avec un test d’ADN, à leurs frais? Nous savons tous que des témoignages et autres documents, notariés ou pas, peuvent s’obtenir facilement. Ils ne devraient être pris en compte que comme des appuis supplémentaires aux résultats des tests d’ADN. L’ADN peut révéler des surprises, surtout dans le cas où le père a eu plusieurs compagnes et les mères plusieurs maris. Des surprises comme celles où ce principal concerné pourrait s’avoir aucun lien avec le défunt prince!…

    La société qui loue le terrain peut sûrement leur avancer la somme pour couvrir les frais qu’ils devront débourser pour les tests. Et je vous garantis que les imposteurs qui se savent ainsi vont se soustraire très rapidement quand ils vont comprendre que s’ils ne sont pas reconnus comme membre de cette famille élargie, ils devront rembourser tous les frais.

    Un fois qu’on aura déterminé qui est qui, ce sera à ce moment que la loi entrera en jeu. Que dit exactement la loi? Est-ce qu’un père peut désigner son héritier et écarter les autres? Existe-il un testament dans ce sens. Je sais qu’au Burundi tous les fils héritent à parts égales des propriétés de leur père. Peu importe la mère. Mais je sais également que traditionnellement un père pouvait renier un fils (kumuvuma) et le déshériter. Existe-il des preuves dans ce cas-ci?

    Ce sera aux avocats des parties de plaider la cause de leurs client, et espérons que la justice fera ses devoirs équitablement.

    À bon entendeur!

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