Le 30 août 2025, le CNDD-FDD a fêté ses 20 ans au pouvoir lors d’une cérémonie marquée par des discours sur la paix, la stabilité et le développement. Si le parti de l’Aigle se présente comme un pilier du redressement national, les indicateurs économiques et sociaux offrent un bilan plus contrasté.
Depuis la capitale politique, le parti au pouvoir a célébré ses 20 ans au pouvoir. Un anniversaire jumelé avec la neuvième édition de l’Imbonerakure Day, placé sous le thème « Vingt ans de stabilité politico-sécuritaire : tremplin d’une jeunesse engagée pour le développement du Burundi ». La fête a été marquée par des expositions, des présentations et un panel réunissant exclusivement des experts proches du parti. Tous les intervenants ont rivalisé d’éloges dressant le portrait d’un parti sauveur qui aurait sorti le pays du chaos et de la misère.
Le numéro un burundais a rappelé ce qu’il considère comme un héritage transformateur. « Le CNDD-FDD est arrivé lorsque les Burundais étaient dans le désespoir. Ils étaient dans une pauvreté extrême. Mais, voyez maintenant ! Aucune maison en paille (Nyakatsi). Le kwashiorkor a disparu du pays. La population mange à sa faim. L’espoir a été retrouvé ». Selon lui, en 20 ans, le parti a développé un pays qu’il avait trouvé ruiné par les crises et la guerre.
Le locataire de Ntare House a affirmé que le CNDD-FDD avait hérité d’un pays très pauvre mais qu’actuellement des progrès notables ont été réalisés dans les infrastructures, l’éducation, la santé, la bonne gouvernance, la justice, la réconciliation et la sécurité. Il trouve qu’« avant 2005, les Burundais étaient victimes d’injustice, d’oppression et de tyrannie » et que c’est le parti au pouvoir qui a permis de tourner la page.
Des louanges contredites par les chiffres
Les différentes interventions ont mis en avant trois grands axes : la paix et la sécurité ; la gouvernance ainsi que la justice sociale. La paix et la sécurité sont présentées comme la plus grande fierté du parti. Les orateurs rappellent que le Burundi sortait d’une décennie de guerre civile et que le CNDD-FDD a restauré la stabilité.
Sur la gouvernance, le discours met en avant des efforts de transparence, de lutte contre la corruption et de participation citoyenne, notamment à travers les travaux de développement communautaire. Mais, sur ce terrain, les chiffres montrent une histoire différente.

Les données économiques et sociales contredisent en partie les éloges officiels. La croissance économique du Burundi, par exemple, ne suit pas une trajectoire linéaire de progrès. Le taux de croissance annuel du PIB, selon la Banque de la République du Burundi, était de 4,83 % en 2004. Il a chuté à 0,9 % en 2005, avant de rebondir à 5,1 % en 2010. En 2015, il s’est effondré à 0,4 % à la suite de la crise politique, avant de se redresser lentement pour atteindre 3,9 % en 2024.
Le tableau est encore plus sombre du côté de l’inflation. Selon l’Institut national de la statistique du Burundi (INSBU) elle était de 8,3 % en 2004. En juillet 2025, elle atteint 38,9 %, réduisant drastiquement le pouvoir d’achat des ménages et fragilisant la consommation.
Dans le domaine de l’éducation, le parti met en avant une progression remarquable. Et effectivement, les chiffres témoignent d’améliorations notables. Le taux brut d’inscription à l’école primaire est passé de 81,47 % en 2004 à 103,90 % en 2022. Pour l’enseignement secondaire, il est passé de 12,08 % en 2004 à 41,98 % en 2022 selon les données de la Banque mondiale. Mais, cette expansion s’accompagne de défis persistants : qualité de l’enseignement, manque d’infrastructures scolaires et surcharge des classes.
Gouvernance et corruption : des progrès en trompe-l’œil
La gouvernance est sans doute le domaine où l’écart entre discours et réalité est le plus flagrant. Selon Transparency International, le Burundi a obtenu 23 points sur 100 en 2005, se classant ainsi 130e sur 180 pays dans l’Indice de perception de la corruption. En 2024, il n’obtient plus que 17 points et recule à la 165e place. Il se retrouve parmi les pays les plus corrompus du monde.
Le rapport de 2024 de la Fondation Mo Ibrahim confirme ces faiblesses. Dans son Indice Ibrahim de la gouvernance en Afrique (IIAG), le Burundi affiche un score de 25,3 points en matière de lutte contre la corruption et se classe 42e sur 54 pays africains.
Un autre domaine où les données sont alarmantes est celui de la liberté de la presse. En 2004, le Burundi occupait la 73e position sur 167 pays dans le classement mondial de Reporters sans Frontières. En 2025, il est relégué à la 125e place avec un score de 45,44 sur 180 États évalués.
Réactions
Gaspard Kobako « Peut-on parler honnêtement et véritablement de stabilité politico-sécuritaire ? »
Le président de l’AND-Intadohoka rappelle qu’entre 2005 et 2025, le CNDD-FDD a connu plusieurs secousses internes. Le troisième mandat de Pierre Nkurunziza en 2015, contesté jusque dans le parti, a provoqué violences, exils et départs de hauts responsables. Pour Kobako, ces épisodes fragilisent la stabilité revendiquée.
Il reconnaît que le pays fut trouvé ruiné après plus d’une décennie de guerre civile, mais il met en doute les proclamations de redressement économique. « Faut-il alors mesurer, avec des indicateurs chiffrés, comment le parti présidentiel a donné un coup de pouce en montrant concrètement de quelle manière il a fait sortir le pays de ses ruines ? » s’interroge-t-il avant de pointer la dévaluation de la monnaie, une inflation galopante, les pénuries de produits de première nécessité et l’octroi de monopoles économiques.
« La question qui se pose est la suivante : a-t-il fait un pas de géant, en termes de progrès économiques avec un taux de dévaluation qui a été multiplié par trois et qui continue ; une inflation galopante caractérisée par une descente aux enfers ; une pauvreté extrême ; des spéculations de toutes sortes ; un manque de l’essentiel des produits de première nécessité, des carburants, du sucre, des devises pour faire des importations ; de l’accord du monopole à deux ou trois opérateurs économiques ne passant pas souvent par les marchés publics, etc. ? Il devrait encore réfléchir pour vérifier si certaines assertions ne sont pas gratuites avant de tomber dans l’autoglorification ! »
Pour Kobako, « c’est plutôt la période actuelle qui est de désespoir, car les Burundais perdent leur espoir en observant 5 ans sur les 20 ans sans voir le bout du tunnel ». S’il concède une diminution des disparitions forcées, il estime que la paix et la sécurité demeurent fragiles. Il critique aussi la situation dans les secteurs sociaux : manque de médicaments, fuite des médecins, redéploiements d’enseignants gérés de façon partisane et réforme éducative « improvisée.
Sur les infrastructures, il déplore « l’état de délabrement des routes » et les retards dans les chantiers. Concernant l’alimentation, il trouve que « nous ne pouvons pas affirmer gratuitement que des Burundais mangent à leur faim, à moins d’être cyniques » au regard de la flambée du coût du panier de la ménagère.
Kobako remet également en cause les proclamations de bonne gouvernance et de justice équitable. Pour lui, la corruption gangrène toujours l’appareil judiciaire et l’administration. Il évoque « des exemples frappants » où ceux censés lutter contre la fraude l’ont plutôt facilitée. Il rappelle aussi que les prisons burundaises sont peuplées en grande majorité de jeunes de moins de 40 ans, souvent incarcérés pour des délits mineurs, alors que « de véritables prédateurs de l’économie burundaise se la coulent douce ».
Kobako plaide pour des réformes économiques concrètes allant de la libéralisation du marché des carburants jusqu’à la lutte contre la corruption. Il appelle à dépasser « l’autoglorification » pour répondre aux besoins réels des Burundais.
Térence Manirambona : « 20 ans du pouvoir CNDD-FDD ont été marqués en général par une régression dans presque tous les domaines. »
Térence Manirambona, porte-parole du parti CNL dépeint un tableau noir sur le bilan du CNDD-FDD au pouvoir. « Les 20 ans du pouvoir CNDD-FDD ont été marquées en général par une régression dans presque tous les domaines de la vie du pays et de la population. Des promesses et annonces politiques chimériques, une absence avérée et notoire de planification des projets à court, moyen et long termes, une politique de tâtonnement.»
Sur le plan politique, cet opposant parle d’un bilan marqué par des crises/luttes intestines qui ont affecté négativement la vie du pays ainsi que le verrouillage de l’espace politique. Et de dénoncer « la fraude électorale née de la volonté de se pérenniser au pouvoir et d’instaurer un régime d’un parti unique. »
Il estime que l’économie burundaise est en crise avec une dévaluation de la monnaie, une inflation galopante et des salaires insuffisants face à la flambée des prix. Il déplore aussi la pénurie des produits essentiels ainsi que les problèmes d’eau et d’électricité.
Le porte-parole du CNL indique que dans le domaine de la gouvernance, le régime CNDD-FDD a brillé par « des pratiques honteuses. Il y a la corruption ; des détournements des deniers publics ; la faillite ou le ralentissement des sociétés étatiques et paraétatiques ; la confusion délibérée entre le parti au pouvoir et l’État ; la violation des libertés fondamentales dont la liberté d’expression, la liberté de la presse, le droit de vote. »
Le domaine de la justice et des droits de l’Homme a connu un recul sans nom. « Une impunité consacrée, des disparitions forcées et enlèvements, des exécutions extrajudiciaires, des emprisonnements abusifs, des détentions arbitraires, la lenteur des procès, la corruption qui gangrènent l’appareil judiciaire. »
Le porte-parole du CNL fait savoir que sur le plan social tout est noir. « Le chômage bat son plein avec l’absence de politique, la chute de la qualité de l’enseignement avec l’insuffisance des bancs pupitres, d’enseignants, des supports pédagogiques. Il y a aussi la fuite des cerveaux dans les domaines de l’éducation et de la santé due aux mauvaises conditions de travail et au manque de motivation. »
Terence Manirambona recommande de rétablir l’État de droit, de renforcer la bonne gouvernance et d’organiser des élections transparentes. Il appelle aussi à séparer l’État du parti au pouvoir et à instaurer un dialogue sincère entre tous les acteurs nationaux.
Kefa Nibizi : « Le pouvoir du CNDD-FDD a ruiné la démocratie par le verrouillage de l’espace politique. »
Pour Kefa Nibizi, président du Codebu, les 20 ans de pouvoir du CNDD-FDD présentent un bilan mitigé. La sécurité et la stabilité institutionnelle peuvent être inscrites à son actif. Cependant, elles ne sont pas durables car, les pratiques d’exclusion et les méthodes d’intimidation sont des préludes d’instabilité. « Le pouvoir du CNDD-FDD a ruiné la démocratie par le verrouillage de l’espace politique, la séquestration des militants de l’opposition et le déchiquetage des partis de l’opposition sans oublier la privation à la population du droit aux élections équitables. »
Il trouve que sur le plan économique, le parti CNDD-FDD a précipité le pays dans la précarité. Pour preuve, il parle de la corruption, des malversations économiques, de l’exclusion de l’intelligentsia et du refus ou de l’incapacité de coopérer avec les partenaires techniques et financiers. « La rareté des devises et des denrées de première nécessité ainsi que la perte drastique du pouvoir d’achat sont des manifestations symptomatiques d’une économie exsangue par les prédations systématiques du pouvoir CNDD-FDD. »
Le président du Codebu fait savoir que malgré quelques réalisations dans le domaine des infrastructures, la qualité de ces dernières laisse à désirer. « Pendant 20 ans, un seul hôpital public a été construit et la qualité des soins est en recul. La qualité de l’éducation n’a cessé de dégringoler. Le chômage catastrophique pousse des milliers de jeunes, hommes et femmes, à fuir notre pays pour survivre dans des pays aux économies mieux structurées. »
Kefa Nibizi appelle le CNDD-FDD à assainir l’environnement politique pour instaurer des institutions compétitives, capables de relever les défis du pays. Il estime que, dans sa forme actuelle, le parti ne peut pas développer le Burundi et risque d’endoctriner sa jeunesse.
Aloys Baricako : « Il y a beaucoup de choses qu’on peut apprécier malgré que des défis ne manquent pas. »
Selon Aloys Baricako, président du parti Ranac, le parti CNDD-FDD a apporté la paix et la stabilité politico-sécuritaire dans tout le pays. « Par rapport à la sécurité, personne ne peut douter parce que vous pouvez circuler sur tout le territoire du Burundi, pendant la journée ou la nuit, sans aucun problème. »
Sur le plan social et sanitaire, il parle de l’espérance de vie qui a changé et de la santé de la population qui s’est développée. Il parle aussi de la construction des hôpitaux et des centres de santé dans toutes les communes ; de la gratuité des soins pour les femmes enceintes et les enfants de moins de 5 ans ainsi que de la scolarisation gratuite. « Il y a beaucoup de choses qu’on peut apprécier pendant ces 20 ans de pouvoir malgré que des défis ne manquent pas. »
Il faut également évaluer économiquement comment les choses se passent. « Comment les choses marchent pour finalement voir si nous pouvons justement atteindre la vision de 2040, 2060. J’aime un bon slogan, mais aussi il faut qu’il y ait des réalisations de travaux qui accompagnent le slogan. »
Aloys Baricako souligne l’absence de traçabilité dans l’exploitation minière et plaide pour une gestion transparente des ressources afin de générer des devises et stabiliser la monnaie. Il insiste sur la nécessité de lutter contre l’inflation par une meilleure gouvernance économique. Selon lui, la vision du Burundi émergent en 2040 et développé en 2060 ne pourra être atteinte que par des actes concrets qui s’appuient sur des indicateurs clairs.
Hamza Venant Burikukiye : « Le CNDD-FDD a développé l’unité et la réconciliation des Burundais. »
Selon Venant Hamza Burikukiye, président de l’association Capes+, le CNDD-FDD a apporté la paix et la sécurité ainsi que la consolidation de la démocratie. « Il y a eu la consolidation de la paix et de la démocratie. Les Burundais étaient victimes de la tyrannie et de l’oppression car, en 1993, un président démocratiquement élu a été assassiné. Depuis 2005, il y a toujours des élections libres à quatre reprises. Cela montre que les Burundais sont démocrates. »
Il fait aussi savoir que le CNDD-FDD a développé une diplomatie pour défendre le Burundi à l’international. « Depuis que le CNDD-FDD a accédé au pouvoir, le pays a retrouvé une bonne image aux yeux de la communauté internationale. Les troupes burundaises sont dans des missions de maintien de la paix dans différents pays. »
Pour lui, depuis 2005, le parti au pouvoir a enseigné aux Burundais comment travailler pour lutter contre la pauvreté et la faim. « Des projets de jeunes ont été financés et le secteur agropastoral a été développé. De hautes autorités ont pris les devants pour l’augmentation de la production. »
Pour Burikukiye, le CNDD-FDD a favorisé l’unité nationale, le retour des réfugiés et l’investissement de la diaspora. Il salue les avancées dans l’éducation avec la gratuité scolaire et la construction des écoles ainsi que dans la santé avec la gratuité des soins pour les femmes enceintes et les enfants de moins de 5 ans. Toutefois, il appelle le parti à combattre l’impunité et à écarter les auteurs de détournements des biens publics.
Gabriel Banzawitonde : « La plus importante des réalisations est la consolidation de la paix et la stabilité politico-sécuritaire. »
Selon Gabriel Banzawitonde, président du parti APDR, durant ses 20 ans au pouvoir, le parti CNDD-FDD a réalisé pas mal de choses pour le pays. « La plus importante des réalisations est la consolidation de la paix et la stabilité politico-sécuritaire du Burundi après l’insertion des groupes rebelles dans l’armée régulière. »
Pendant ses 20 ans de pouvoir, le CNDD-FDD a rencontré plusieurs défis politico-sécuritaires mais il a su comment les surmonter. « On peut citer la crise interne au parti des années 2006-2007 et la crise de 2015 qui a failli déstabiliser le pays. Dans l’ensemble, nous sommes convaincus que le CNDD-FDD a réalisé des choses visibles et salutaires. »
M. Banzawitonde fait savoir que beaucoup de projets ont été réalisés pour assurer le bien-être de la population. Il parle de la réhabilitation et de la construction des routes goudronnées et le pavage des rues dans les villes et centres urbains ; la construction et la multiplication des écoles et des hôpitaux.
Il estime que le CNDD-FDD doit encore relever des défis économiques, notamment le manque de carburant et l’inflation. Il appelle aussi le parti à éviter le monopole du pouvoir et à garantir la démocratie.
Emery Pacifique Igiraneza : « Un bilan catastrophique. »
Selon le président du MAP- Burundi Buhire, les Burundais manquent de tout : eau, électricité, carburant, médicaments, engrais chimiques, devises, etc. Sur le plan politique, Emery Pacifique Igiraneza parle de l’exclusion de tous ceux qui ne sont pas du parti au pouvoir. « Aujourd’hui, le CNDD-FDD est devenu un parti-Etat qui contrôle tout, seul dans toutes les institutions républicaines avec une présence forte des généraux ou des membres de leurs familles, un monopartisme de fait et une dictature féroce. Les réfugiés et les déplacés intérieurs sont oubliés. Le régime a même peur de ces réfugiés. »
Sur le plan socio-économique, M. Igiraneza fait savoir que les différents leviers de développement socio-économique ne sont plus au service de la nation. Il s’observe une gabegie généralisée, un pillage et une prédation au profit de quelques responsables politiques, aucune planification économique. « La corruption est devenue un mode de gouvernement. Les lingots d’or de la BRB ont été vendus, l’avion présidentiel idem. Le Cotebu a été vendu. Toutes les industries construites par le président Bagaza ont fait faillite ou sont menacées de faillite. La faim et la maladie font rage. Le franc burundais ne cesse de plonger, l’inflation a explosé atteignant 45%. Le Burundi est devenu le pays le plus pauvre au monde. »
Il trouve que les 20 ans de pouvoir du CNDD-FDD ont été marqués par des violations graves des droits humains et des emprisonnements arbitraires. Il dénonce le rejet de l’Accords d’Arusha, source d’exclusion et de dictature politique. Pour lui, seule une Conférence nationale inclusive pourrait ouvrir la voie à la refondation du pays et au départ du CNDD-FDD.
Faustin Ndikumana : « Nous vivons une situation indescriptible. »
Le directeur de Parcem revient d’abord sur la situation qui prévalait au moment de la prise du pouvoir du CNDD-FDD. « Le Burundi venait de connaître une longue période de guerre de plus d’une décennie. Au niveau économique, le pays venait de perdre 33% de son produit intérieur brut (PIB) suite au cumul de croissances négatives lié à cette guerre. Le taux de pauvreté, qui était de 33% en 1993, avait atteint un chiffre inimaginable de 67%. L’inflation avait atteint 30% suite à l’embargo. »
Au niveau social, le Burundi venait de bénéficier des dividendes de l’initiative des pays pauvres et très endettés notamment l’effacement de la dette par les partenaires techniques et financiers. « Mais, en contrepartie, ces derniers exigeaient que l’argent destiné au remboursement de cette dette soit engagé dans le financement des secteurs sociaux comme l’éducation et la santé. Ce qui a permis au nouveau pouvoir à l’époque de décréter la gratuité des soins de santé et de scolarité. »
Au niveau politique, le Burundi venait de se doter de l’Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation qui devait cimenter à jamais la réconciliation nationale et installer un nouvel ordre de gouvernance pour asseoir définitivement la paix au Burundi. « Cet accord mettait en place un partage du pouvoir ethnico-politique. Il y avait aussi le retour des réfugiés et la création d’un monument et d’une journée de commémoration des victimes ensemble. Il fallait consacrer la gouvernance et la lutte contre la corruption. »
Au niveau démocratique, rappelle Faustin Ndikumana, l’Accord d’Arusha exigeait l’organisation des élections libres, transparentes et inclusives en évitant le principe de s’éterniser au pouvoir parce qu’on avait vu que le mal du conflit burundais, c’était la tendance à s’accrocher au pouvoir ; de créer une sorte d’exclusion, l’accaparement du pouvoir par peut-être une région, une ethnie, un groupe de gens, en asservissant le reste de la population. « Vraiment, le Burundi partait sur une base nouvelle. »
M. Ndikumana déplore une pauvreté croissante, une inflation record de 40 % et de graves pénuries affectant devises, carburant et produits de base. Il cite les difficultés des entreprises publiques et privées ; l’effondrement du café, du coton et la montée du chômage des jeunes. Selon lui, la gouvernance est minée par la corruption, le recul du partage du pouvoir et des emprisonnements abusifs. Il appelle à un dialogue inclusif, à l’assainissement de l’environnement économique et à une lutte ferme contre la corruption pour redresser le pays.
Lambert Nigarura : « Il s’agit de la période la plus sombre de l’histoire des droits de l’Homme au Burundi. »
« Nous pouvons affirmer sans nous tromper qu’il s’agit de la période la plus sombre de l’histoire des droits de l’Homme au Burundi. C’est durant ces 20 ans que la quasi-totalité des organisations de la société civile et les médias indépendants ont été suspendus ou radiés, leurs leaders contraints de prendre le chemin de l’exil », estime Me Lambert Nigarura, activiste des droits de l’Homme. Selon lui, c’est durant ces 20 années que les graves violations des droits humains ont été commises poussant la Cour pénale internationale (CPI) à ouvrir des enquêtes sur le Burundi.
Selon Me Nigarura, le rejet de l’Accord d’Arusha par le CNDD-FDD a conduit à une gouvernance autoritaire, au démantèlement du multipartisme et à la résurgence des tensions politiques et ethniques. Il estime que cela met en péril la réconciliation et la paix au Burundi. Pour lui, une refondation nationale incluant dialogue inclusif, retour des exilés et lutte contre l’impunité est nécessaire.
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