Jeudi 14 novembre 2024

Économie

Une inquiétante flambée des prix des denrées alimentaires 

29/04/2022 Commentaires fermés sur Une inquiétante flambée des prix des denrées alimentaires 
Une inquiétante flambée des prix des denrées alimentaires 
Des sacs de certaines denrées alimentaires.

Les prix des produits de première nécessité ne cessent de grimper, l’Abuco et les syndicalistes déplorent cette flambée. Ils confient que leur pouvoir d’achat s’est dégradé. Unanimes, les leaders des organisations de la société civile et un professeur d’université prônent la hausse de la production et la promotion de l’importation pour réduire les prix.

En ce moment, les prix des denrées alimentaires de première nécessité, notamment le haricot, affichent une hausse exponentielle sur le marché. Des échanges houleux entre les clients et les commerçants se remarquent suite à cette envolée des prix.

Mercredi 20 avril, vers 11h. Au marché de Ngagara II communément appelé « Cotebu », les commerçants attendent impatiemment les clients. Les prix ont sensiblement augmenté, il arrive qu’ils passent du simple au double.

Le kilo de haricot dit « Jaune » qui était à 2.000 BIF coûte actuellement 3.000 BIF voire 3.100 BIF, celui de la variété dite « Kinure » est passé de 1.250 BIF à 2.100 BIF. Et la variété dite « Kirundo » qui s’achetait à 1.000 BIF, se vend désormais à 1.600 BIF.

Le prix du riz a également augmenté. Pour le riz simple, il est passé de 2.000 BIF à 2.600 BIF et le riz tanzanien est à 3.200 BIF alors qu’il était à 2.800 BIF, il y a trois mois. Contrairement au riz et au haricot, le prix du maïs a diminué de 200 BIF, passant ainsi de 1.200 BIF à 1.000 BIF.
Cette augmentation des prix ne concerne pas uniquement ces denrées, d’autres comme la farine, la viande, l’huile et bien d’autres, ne sont pas en reste.

Selon les données de l’Institut des statistiques et d’études économiques du Burundi (ISTEEBU), le taux d’inflation des produits alimentaires (variation du niveau des prix par rapport au même mois de l’année précédente) a presque doublé, passant de 8,3% en novembre 2021 à 15,1% en mars 2022.

Ce sont les pains et les céréales qui ont considérablement augmenté, jusqu’à 26,1% en mars 2022 alors qu’ils connaissaient une variation des prix de -1,5% en janvier 2021, selon toujours les données de l’ISTEEBU.

Des répercussions sur le pouvoir d’achat

« La montée des prix des denrées alimentaires de première nécessité a débuté au mois de septembre et les prix ont augmenté progressivement. La pénurie du carburant est venue envenimer une situation qui était déjà mauvaise », constate Pierre Nduwayo, président de l’Association des consommateurs du Burundi (ABUCO).

Pour lui, la collecte et la fixation des prix par le gouvernement sont une bonne chose, mais nous n’en sentons pas les effets positifs, car la production est insuffisante par rapport à la population qui en a besoin. « Et quand l’offre est inférieure à la demande, les prix montent absolument », précise-t-il.

Il trouve que pour pallier à cette insuffisance de l’offre qui entraîne une hausse des prix et par conséquent la cherté de la vie, il faut des mesures qui permettraient de booster l’importation et la production.

A l’instar de Monsieur Nduwayo, Emmanuel Mashandari, vice-président de la coalition des syndicats des enseignants (Cossesona), estime qu’à côté des prix de plusieurs produits alimentaires, les frais de loyer et de déplacement ne cessent également de grimper depuis un certain temps.

Pire, accuse ce syndicaliste, le salaire n’a pas suivi la même cadence et cela s’est répercuté sur le pouvoir d’achat des fonctionnaires. « Joindre les deux bouts du mois est devenu un casse-tête », ajoute M. Mashandari.

Il espère qu’il y aura un léger mieux avec la mise en application de la nouvelle politique salariale : « Si rien ne change, il faudra encore une fois revoir à la hausse les salaires dans les mêmes proportions que les prix des produits alimentaires. »

« L’importation de ces produits est fortement recommandée»

Pour Faustin Ndikumana, directeur national de la PARCEM, l’inflation des produits alimentaires est une évidence, même les données de l’ISTEEBU le prouvent. « En 2015, nous avions un déficit de 30% et la population continue d’accroître. L’offre est toujours inférieure à la demande et cela entraîne une hausse des prix », souligne-t-il.

De surcroît, confie M. Ndikumana, l’état piteux des routes et la pénurie du carburant viennent empirer les choses, car les prix augmentent sans cesse suite au coût de transport élevé.
Selon lui, l’ANAGESSA (une structure chargée de la collecte de la récolte) est venue alourdir le circuit de commercialisation et concurrencer les commerçants, qui, eux, au moins, paient les taxes. « Elle collecte et revend la récolte sans valeur ajoutée, sans transformation. Je ne vois pas son importance. Plutôt, elle va incorporer ses dépenses de fonctionnement dans le prix », précise M. Ndikumana.

« Ils nous disent que les coopératives ont beaucoup contribué dans l’accroissement de la production. Mais le constat est que c’est ces derniers jours les prix des produits alimentaires sont devenus exorbitants et ainsi annihilent le pouvoir d’achat de la population », constate-t-il.

M. Ndikumana trouve qu’il faut une révolution du secteur agricole pour augmenter la production : « Le rendement de ce secteur reste dérisoire avec une contribution de moins de 35% dans le PIB, malgré son exploitation par plus de 90% de la population burundaise. »

En outre, conclut-il, la promotion de l’importation de ces produits pour combler le déficit est fortement recommandée. « Le gouvernement devrait également promouvoir l’environnement des affaires pour attirer les investisseurs et la suppression des taxes sur les produits agricoles vendus sans transformation »

Diversification des cultures, une des solutions

Patrice Ndimanya : « Il revient aux agriculteurs de décider quoi produire. La liberté de choix est fondamentale. »

Patrice Ndimanya, de l’Université du Burundi dans le département d’Economie rurale et des entreprises agro-alimentaires, explique que l’offre alimentaire est composée de la production agricole et de l’importation.

M. Ndimanya observe que l’offre nationale n’a pas été bonne en saison A, suite à la sécheresse dans certaines régions comme Kirundo, qui est d’ailleurs la principale productrice du haricot. De plus, l’importation pour combler le déficit reste limitée à cause du manque de devises. « Tous ces facteurs expliquent cette hausse des prix sur le marché».

Il trouve également que l’affectation de certains marais à certaines cultures, notamment le maïs a été l’une des causes, car, avant, les cultures étaient diversifiées : « Vous entendez que l’offre d’autres cultures sur le marché sera affectée et par conséquent le prix, suite à la substitution de nombreuses cultures à une seule culture.»

Pour lui, il revient aux agriculteurs de décider quoi produire, car ils ont les capacités de comparer une innovation à ce qu’ils faisaient avant. « D’ailleurs, dans les années 1940, l’administration belge avait opté des cultures obligatoires et cela a causé des famines. La liberté de choix est fondamentale», souligne M. Ndimanya.
Selon lui, un pays avec des ressources en terres limitées doit miser sur la qualité que sur la quantité. « Pour le Burundi, il faut miser sur les fruits par exemple, car la Tanzanie ne peut importer le maïs du Burundi. Ces fruits nous permettraient d’obtenir des devises afin d’importer les produits de première nécessité qui sont abondants et à bas prix dans les pays voisins», précise-t-il.

Contacté, le ministère de l’Agriculture et l’Elevage a promis de s’exprimer ultérieurement.


Article 36 de la loi sur la stabulation permanente

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