Vendredi 06 décembre 2024

Politique

Un gouvernement «monolithique »

06/07/2020 Commentaires fermés sur Un gouvernement «monolithique »
Un gouvernement «monolithique »
Le président de la République, entouré par les nouveaux membres du gouvernement

Le gouvernement nommé par le président Evariste Ndayishimiye a prêté serment ce mardi 30 juin 2020 à l’hémicycle de Kigobe. L’équipe gouvernementale ne fait pas l’unanimité. Certains parlent d’un gouvernement aux seuls couleurs du Cndd-Fdd. D’autres d’un gouvernement de « militaires ».

Dossier réalisé par Fabrice Manirakiza, Rénovat Ndabashinze, Edouard Nkurunziza, Alphonse Yikeze, Félix Haburiyakira et Alain Majesté Barenga.

Dans la soirée de dimanche 28 juin, des rumeurs commencent à circuler que le nouveau gouvernement va être annoncé. Les Burundais se ruent vers les postes de radio et devant leurs télévisions. Ils étaient impatients de connaître les heureux élus du président de la République, Evariste Ndayishimiye.

Sur les ondes de la Radio Télévision nationale du Burundi (RTNB), le porte-parole du président de la République, Jean-Claude Karerwa Ndenzako, égrène une liste de 15 ministres. Un gouvernement resserré. Plusieurs ministères ont été fusionnés. Le gouvernement sortant était composé de 21 ministres.

Dix nouveaux ministres entrent au gouvernement. Cinq ministres sont reconduits. Il s’agit du Dr Thaddée Ndikumana qui reste au ministère de la Santé. En plus de son portefeuille de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche scientifique, Gaspard Banyankimbona hérite du portefeuille de l’Education nationale.

Ezéchiel Nibigira, jusque-là chef de la diplomatie burundaise, hérite du ministère des Affaires Est-africaines, de la Jeunesse, des Sports et de la Culture. Domitien Ndihokubwayo reste aux Finances et Déo Guide Rurema à l’Environnement, l’Agriculture et l’Elevage.

Des «stars» et des illustres inconnus

Au Palais des Congrès de Kigobe, les nouveaux ministres attendent pour prêter serment

Certains ministres ont fait une entrée remarquée au gouvernement. Tout d’abord, le Commissaire de police chef Gervais Ndirakobuca connu sous le sobriquet de «Ndakugarika». Sa nomination a suscité des remous au sein de la classe politique et de la société civile. Il hérite d’un super ministère:  le ministère de l’Intérieur, de la Sécurité publique et du Développement communautaire.

Selon certains observateurs, c’est incompréhensible qu’il soit au gouvernement alors qu’il est sous sanctions des Etats-Unis et de l’Union européenne. «En plus, il dirige en même temps la police, l’administration du territoire et il est en charge du développement communautaire».

Un autre nom est celui d’Albert Shingiro. «Il le mérite car il a défendu bec et ongles notre pays alors que les colons voulaient nous assujettir», commentera un militant du parti de l’aigle. Depuis 2014, Albert Shingiro était représentant permanent du Burundi auprès des Nations Unies.

Imelde Sabushimike, actuelle ministre de la Solidarité Nationale, des Affaires Sociales, des Droits de la Personne Humaine et du Genre, a fait aussi sensation. L’association Uniproba (Unissons-nous pour la promotion des Batwa) s’est dite très satisfaite par la nomination d’une femme Mutwa au poste de ministre. Une première au Burundi.

Pour respecter la Constitution, un civil de l’ethnie Tutsi a été nommé ministre de la Défense et des anciens Combattants en la personne d’Alain-Tribert Mutabazi.

Zéro Covid-19, Zéro corruption

Président Evariste Ndayishimiye : «Il y a d’autres personnes, compétentes que vous, prêtes à vous remplacer si vous déméritez».

L’équipe gouvernementale a prêté serment, mardi dernier au Palais des congrès à Kigobe, devant le président de la République. Après la prestation de serment des nouveaux ministres, le président de la République a annoncé une série de mesures.

Il a déclaré la guerre à la pandémie du coronavirus. «Je reconnais que la pandémie du Coronavirus est un grand ennemi des Burundais parce que je trouve que tout le monde vit la peur au ventre. Nous nous engageons à combattre cet ennemi. »

Un slogan pour la riposte est vite trouvé : « Guérir, ne pas être contaminé et ne pas propager». Du coup, le prix du savon est réduit de 50 %. L’Etat s’engage à payer le manque à gagner. «Gare à toute personne qui profitera de cette baisse du prix du savon pour les exporter à l’étranger. Des sanctions seront prises».

Dans les centres urbains, le gouvernement s’engage à réduire le coût de l’eau jusqu’à ce que le coronavirus ne soit plus une préoccupation au Burundi.
De plus, le président a annoncé qu’une équipe chargée de faire des dépistages massifs va être mise en place au niveau de chaque province. Le dépistage et le traitement du coronavirus se feront gratuitement. « Toute personne qui refusera de se faire tester sera considérée comme si elle est pour une propagation de cette pandémie et rien ne la différencie d’un sorcier. Et il y a déjà des sanctions déjà fixées pour les sorciers ». Les comités mixtes de sécurité vont être mis à contribution dans cette lutte contre le coronavirus.

Quant à la lutte contre la corruption, le président Evariste Ndayishimiye n’y va pas avec le dos de la cuillère : « Je vais me charger de la bonne gouvernance ». Il a indiqué que les secteurs les plus corrompus ont été identifiés. «Nous mettons en garde ceux qui s’adonnent à la corruption. Un homme averti en vaut deux». Il promet d’installer des boîtes à suggestions qui seront contrôlées par des gens à lui.

Gabriel Rufyiri : «Peut-être qu’aujourd’hui, on aura des actes concrets».

Gabriel Rufyiri, président de l’Olucome, nuance. «C’est une tâche difficile à réaliser dans un pays où les corrompus sont devenus plus forts que l’Etat. Depuis l’indépendance, nous entendons ce genre de discours. Peut-être qu’aujourd’hui, on aura des actes concrets ».

Selon lui, les détournements des fonds, l’enrichissement illicite, le blanchiment de l’argent, le délit d’initiés, les exonérations exagérées,… sont légion dans le pays. «Si les responsables ne sont pas sanctionnés, rien ne va marcher. L’Olucome est en train de préparer des dossiers qu’il va transmettre au président de la République. On verra la suite».

Tenez, poursuit Gabriel Rufyiri, les membres du gouvernement sortant et entrant doivent normalement déclarer leurs biens. «Vont-ils le faire? Imaginez un pays qui n’a pas la Haute-Cour de Justice chargée de sanctionner les plus hautes autorités de l’Etat. Elle doit être mise en place, car certaines institutions actuelles de lutte contre la corruption sont des sortes d’épouvantails ».

Quant aux boîtes à suggestions, le président de l’Olucome n’y croit pas. «Elles ont toujours existé au niveau de la Brigade spéciale anti-corruption. Mais, elles n’ont servi à rien».

Des nominations au plus haut sommet de l’Etat

Le président Ndayishimiye a tenu à rappeler aux membres du gouvernement qu’ils n’ont pas été choisis à cause de leurs partis politiques ou de leurs provinces d’origine. «Nous vous avons choisis parce que vous êtes des travailleurs. Vous devez travailler pour tous les Burundais et les étrangers vivant sur le sol burundais». Et de les exhorter à se surpasser. « Sachez bien qu’il y a d’autres personnes, assez compétentes que vous, qui sont prêtes à vous remplacer si vous déméritez ».

Dans la foulée de cette composition du gouvernement, le chef de l’Etat a procédé à des nominations. L’actuel chef d’état-major, le lieutenant-général Prime Niyongabo a été élevé au grade de Général. De même, l’ancien patron du SNR, Etienne Ntakarutimana alias « Steve », est passé de Général de Brigade à Lieutenant-Général

Le Commissaire de police chef (CPC) Gabriel Nizigama a été reconduit dans ses fonctions de Chef de cabinet civil du président de la République et son adjoint est l’ancienne ministre de la Justice, Aimée Laurentine Kanyana.


>>Réactions

Nancy-Ninette Mutoni : « Nous leur souhaitons pleins succès»

Nancy Ninette Mutoni

La porte-parole du parti Cndd-Fdd salue la nomination du nouveau gouvernement et saisit cette occasion pour féliciter la nouvelle équipe gouvernementale. « Nous leur souhaitons pleins succès dans la réalisation du programme politique vainqueur orienté essentiellement vers le bien-être du Peuple », indique Nancy-Ninette Mutoni, la commissaire chargée de la communication de ce parti.

Térence Manirambona : « Un égoïsme politique poussé à outrance»

« C’est une équipe qui reflète l’image réelle du régime en place. C’est une équipe monolithique, mono partisan. Même ceux qui sont censés être de provenance d’autres partis politiques ou de la société civile, ce sont des sous-marins du régime en place », réagit Térence Manirambona, porte-parole du parti CNL, après la mise en place du gouvernement. D’après lui, cela montre qu’on s’achemine vers un régime mono partisan. « Mais cela ne nous étonne pas ». Car cela avait été annoncé dans le discours d’investiture du président. « Il est en train de mettre en application ce qu’il avait dit, la mise en place d’un gouvernement non pas rassembleur, mais plutôt un régime qui montre un égoïsme politique poussé à outrance. »

Le porte-parole du CNL souligne que son parti n’a jamais été consulté. « Nous l’avons par exemple dit au moment de la nomination du 1er ministre et du vice-président, aussi pour le cas de cette équipe gouvernementale, le parti n’a jamais été associé dans le choix de ces hautes personnalités du pays. » Ce qui est déplorable. Car, explique-t-il, malgré les irrégularités qui ont marqué le scrutin du 20 mai, le parti CNL a démontré sa force politique.
En nommant certaines personnalités dans son gouvernement, M. Manirambona estime que le président Ndayishimiye l’a fait sciemment. « Sûrement que ce sont de gens de confiance qui vont l’aider à exécuter son programme. C’est comme un coach qui place ses joueurs sur le terrain ».

Olivier Nkurunziza : «On le jugera à ses actes»

« Nous avons accueilli favorablement le nouveau gouvernement », fait savoir le porte-parole et Secrétaire général du parti Uprona. Et d’indiquer que ce nouveau gouvernement se réfère à la Constitution, car cette dernière stipule que le parti qui a remporté les élections a le droit de rafler tous les postes ministériels. « Même si le parti Uprona n’a pas de ministre au sein de ce gouvernement, nous avons quand même un vice-président provenant de notre formation politique. Ce qui montre qu’il y a un peu d’ouverture».

Une autre chose qui nous a émus, poursuit-il, est que ce nouveau gouvernement est inclusif concernant les quotas ethniques et l’équilibre du genre, car on a 60% de Hutu, 40% de Tutsi, un Mutwa pour la première fois et 30% de femmes. «Le reste, il faut accorder le bénéfice du doute à ce nouveau gouvernement même si c’est un gouvernement homogène. On le jugera avec ses actes ».

Néanmoins, il émet des doutes sur la fusion des grands ministères comme la Sécurité publique et l’Intérieur, ce qui peut provoquer des chevauchements. «C’est trop dur de contrôler trois ministères pour un seul ministre. Ce ministère comprendra plusieurs directions qui seront difficiles à gérer. Le Premier ministre doit être vigilant pour intervenir en cas de besoin».

Phenias Nigaba: « Un gouvernement qui ne rassure pas »

« La nouvelle équipe gouvernementale ne répondra qu’aux aspirations du parti au pouvoir », certifie Phenias Nigaba, porte-parole du parti Sahwanya-Frodebu. Par la mise en place des membres du gouvernement, dit-il, le président n’a pas respecté le discours tenu lors de son investiture.
«On s’attendait à un gouvernement inclusif comme annoncé par le chef d’Etat, mais la nouvelle équipe fait finalement montre d’un gouvernement monopartite ». Pour lui, l’Etat providence annoncé par le président Ndayishimiye devait tout au moins inclure des partis politiques qui ont participé aux élections.

Le porte-parole du Frodebu se dit pour la réduction de ces ministères. « Au nombre qu’ils étaient, ils exigeaient énormément d’argent. » Néanmoins, il fustige la procédure de combinaison des ministères. « Certains des ministères ne pouvaient pas être combinés, car n’ayant rien en commun ». Il évoque notamment la combinaison du ministère des Affaires de la Communauté Est-Africaine avec celui en charge de la Jeunesse, des Sports et de la Culture.

En outre, M. Nigaba déplore la suppression du ministère ayant la bonne gouvernance dans ses attributions. C’était un ministère clé, transversal, au service du bon fonctionnement de tous les autres. A ses yeux, cette suppression peut influer négativement sur les financements étrangers. «Les bailleurs pourront rester réticents quant à l’usage des frais à octroyer».

Phenias Nigaba dénonce un « travail fait à la hâte » et qui constitue « un handicap majeur » à la vie du pays. Il demande à la nouvelle équipe de savoir « mettre en place les hommes qu’il faut aux postes qu’il faut », indistinctement de leur appartenance politique. C’est ce qui serait, dit-il, permettre le développement du pays.


Qui sont-ils ?

Gervais Ndirakobuca alias « Ndakugarika », le dur

Connu sous le surnom de «Ndakugarika» (je vais te tuer), le Commissaire de Police Chef, Gervais Ndirakobuca, était Directeur général du Service national de renseignements (SNR) avant sa nomination comme ministre de l’Intérieur, de la Sécurité Publique et du Développement Communautaire. Issu de l’ex-rébellion du Cndd-Fdd, Gervais Ndirakobuca a occupé le poste de chef de cabinet de l’administration présidentielle chargé de la police nationale.
Selon des sources, cet ancien maquisard est très craint dans sa province natale et même dans la ville de Bujumbura. Toutefois, les mêmes sources indiquent que quand il partage un verre avec des connaissances, il est jovial et blagueur. Depuis 2015, le ministre Ndirakobuca est sous sanctions des Etats-Unis et de l’Union européenne.

Né sur la colline Kibaya, zone Ndora en commune Bukinanyana de la province Cibitoke, Gervais Ndirakobuca a fait ses études à l’Ecole primaire Gihango avant de poursuivre les études secondaires, le cycle inférieur, au Lycée de Cibitoke. Cet ancien maquisard va poursuivre le cycle supérieur au Lycée Ngagara.


Jeanine Nibizi, l’intransigeante

Travailleuse selon ses collaborateurs, l’actuelle ministre de la Justice est décrite comme une personne très ferme dans ses décisions. «Lorsqu’elle a déjà pris une décision, c’est difficile de lui faire changer d’avis». D’après les magistrats et les avocats qui prestent à Gitega, Jeanine Nibizi est très courageuse.

«C’est difficile de l’impressionner». Selon des témoignages, pour des «petits» dossiers, Jeanine Nibizi écoutait les gens et les remettait dans leurs droits. Toutefois, ils nuancent : «Comme la plupart des magistrats, c’est une autre paire de manches quand il s’agit de gros dossiers se rapportant surtout à la politique par exemple».

Avant sa nomination, Jeanine Nibizi était procureure générale de la République près la Cour d’Appel de Gitega. Auparavant, elle était directrice de la prison de Gitega. Originaire de la province Gitega, la ministre de la Justice a fait ses études secondaires au Lycée Sainte-Thérèse de Gitega avant de poursuivre ses études de droit à l’Université Lumière de Bujumbura.


Déogratias Nsanganiyumwami, un proche du pouvoir

Le ministre des Infrastructures, de l’Equipement et des Logements sociaux est le président du Parti pour l’Indépendance économique du Burundi (PIEBU-Abanyeshaka), une formation quasi inconnue. Il était, avant sa nomination, directeur de la santé animale au sein du ministère en charge de l’Agriculture et de l’Elevage. Il est originaire de la commune Musongati en province Rutana.

Le ministre Déogratias Nsanganiyumwami est qualifié de très proche du parti au pouvoir. «A la naissance de la Coalition ADC-Ikibiri, il était parmi ceux qui diabolisaient l’opposition. Il était pour toutes les décisions du parti au pouvoir», confie un responsable d’un parti de l’opposition.
Interrogé à cette époque par Iwacu si son parti est dans l’opposition ou dans la mouvance gouvernementale, le président du PIEBU-Abanyeshaka avait rétorqué : « Nous ne sommes pas là pour combattre le pouvoir ni pour aller nous cramponner dans l’opposition. Notre parti est là pour combattre les problèmes liés à la famine, à la pauvreté,… en vue d’arriver à une indépendance économique. Notre parti a été toujours indépendant».


Ibrahim Uwizeye : «Toujours prêt à servir»

Depuis 2010 jusqu’à aujourd’hui, le ministre de l’Hydraulique, de l’Energie et des Mines était député élu dans la circonscription de Muyinga. Il a fait ses études primaires dans la commune de Kirundo avant de poursuivre le secondaire au Collège Don Bosco de Ngozi. Il intègre l’Université du Burundi dans l’Institut technique supérieur(ITS), section Aménagement et Urbanisme.

Après l’université, il a travaillé dans des entreprises privées. En 2006, il est nommé chef d’antenne de l’urbanisme, région nord. Par après, il devient directeur général a.i de l’urbanisme avant de retourner à Ngozi. Les gens qui le côtoient dans la vie courante et à l’Assemblée nationale parlent d’un homme jovial, toujours prêt à servir. Musulman pratiquant, il est père de 3 enfants, deux garçons et une fille.


Domine Banyankimbona, la juriste

Originaire de la province Bururi, la ministre de la Fonction Publique, du Travail et de l’Emploi est juriste de formation. Depuis novembre 2019, Domine Banyankimbona était Vice-président de la Cour Suprême et président de la Chambre de Cassation. Selon des sources, elle a fait ses études de droit à Hope University de Nairobi.


L’ambassadeur Albert Shingiro, le diplomate

Le nouveau patron de la diplomatie burundaise, Albert Shingiro était représentant permanent du Burundi auprès des Nations Unies. Il connaît les rouages du ministère des Affaires étrangères où il a occupé plusieurs postes.

M. Shingiro a été secrétaire permanent au ministère des Relations extérieures et de la Coopération du Burundi depuis 2012.

Avant, il a été de 2010 à 2012, chef de service extérieur au sein du service spécialisé relevant de la présidence de la République, une fonction qu’il a assumée après avoir été conseiller d’ambassade à la Mission permanente du Burundi auprès des Nations Unies à New York, de 2006 à 2010.

De 2002 à 2003, M. Shingiro a été stagiaire à l’Association internationale des études québécoises (AIEQ), en 1999, il a été, tour à tour, assistant de direction à Tropicom-communication, une agence de communication et de publication de presse basée au Bénin, et correspondant de presse pour le compte du bihebdomadaire béninois « Les Tropiques ».

M. Shingiro est titulaire d’une maîtrise en relations internationales obtenue en 2003 à l’Université de Laval au Canada, et d’une licence en sciences juridiques, options sciences politiques et relations internationales de l’Université nationale du Bénin, en 1997.

L’ambassadeur Albert Shingiro est aussi connu pour ses discours de protestation et d’indignation face aux rapports de la Commission d’enquête sur la situation des droits de l’homme au Burundi devant l’Assemblée Générale des N.U. Il les a toujours qualifiés de mensongers et de diffamatoires pour le Burundi.

Entre autres défis, il aura à raviver les relations entre le Burundi et son voisin du nord, d’une part et l’UE d’autre part. Relations gelées depuis 2015.

Le 1er juillet 2019, lors de la célébration du 57ème anniversaire de l’Indépendance du Burundi, l’ambassadeur Albert Shingiro a été primé par feu président Pierre Nkurunziza de la Médaille de l’Ordre de l’amitié entre les peuples, grade d’officier, pour avoir donné ses lettres de noblesse à la diplomatie burundaise.

M. Shingiro parle le français, l’anglais et le swahili. Il est né le 31 décembre 1970 en commune Buhiga, province Karusi. Il est marié et père de trois enfants.


Imelde Sabushimike, « Elle incarne l’espoir »

Une première dans l’histoire du Burundi, Imelde Sabushimike, de la communauté Batwa, est à la tête du ministère de la Solidarité nationale, des Affaires sociales, des droits de la personne humaine et du genre.

Originaire de la province Mwaro, Imelde Sabushimike détient un diplôme de Licence en économie. Elle est vice-présidente de l’association «Unissons-nous pour la promotion des Batwa » (Uniproba). Avant sa nomination à ce portefeuille, elle travaillait comme responsable de la sauvegarde sociale pour le projet d’appui aux filets sociaux « Merankabandi » (Sois comme les autres).

Elle a été secrétaire de la Commission nationale du dialogue inter-burundais (Cndi). Elle a travaillé en tant que commissaire auprès la brigade anti-corruption. Elle a été membre du comité technique chargé de la mise en place du Forum des femmes. Elle a occupé le poste de conseillère dans ce Forum.
Elle incarne l’espoir et fait la fierté pour la communauté Batwa comme l’a témoigné Emmanuel Nengo, président de l’Uniproba. « Nous avons appris cette nouvelle avec un sentiment de joie. Nous félicitons le président de la République pour ce changement dans l’histoire du Burundi ».

Selon lui, « cela démontre que les leaders politiques ont compris que toute composante sociale du Burundi doit participer à sa construction ». Et de rassurer : «Je suis confiant qu’elle va accomplir avec satisfaction cette mission. Elle sera à la hauteur ».


Marie Chantal Nijimbere : « Active dans la recherche des résultats rapides »

Agée de 37 ans et originaire de la province Cankuzo, la ministre de la Communication, des Technologies de l’information est Licenciée en économie de l’Université du Burundi.

Avant sa nomination, Marie Chantal Nijimbere était membre de l’équipe technique de l’Association des Scouts du Burundi et de l’Association des guides du Burundi, chargée de la prévention des méfaits de la consommation de l’alcool. Depuis 2010, elle a occupé plusieurs postes de responsabilités dans ces associations.

Elle a le souci d’un travail bien fait. « J’aime la compétition dans la recherche des résultats rapides », a-t-elle affirmé. Elle est aussi active dans la défense des droits des enfants. « Elle est une des rares femmes qui a continué les activités dans les associations des scouts et guides du Burundi étant mariée », témoigne un scout qui l’a longtemps côtoyée, avant d’ajouter, «Elle est dynamique, toujours prête à rendre service ».


Alain Tribert Mutabazi, l’ingénieur

Diplômé en Génie civil à l’Université du Burundi, Alain Tribert Mutabazi est né en 1980 dans la commune Ntega, province Kirundo. Il a d’abord presté au Lycée de la Convivialité de Kanyosha, en mairie de Bujumbura. Il a travaillé ensuite à la direction provinciale de l’enseignement en province Kirundo en tant que chef du service financier avant de devenir conseiller économique du gouverneur dans la même province.

Jusque-là, gouverneur de la province Kirundo depuis juin 2018, l’ingénieur Alain Tribert, remplace Emmanuel Ntahomvukiye qui avait succédé quelques jours après la tentative de coup d’Etat de mai 2015 au Général-Major Pontien Gaciyubwenge. M. Mutabazi est le troisième civil nommé ministre de la Défense dans l’histoire du Burundi.


Immaculée Ndabaneze, l’économiste

La doyenne d’âge dans le Sénat sortant, Immaculée Ndabaneze, nouvelle ministre du Commerce, du Transport, de l’Industrie et du Tourisme, est originaire de la commune Gihanga, en province Bubanza.

Economiste de formation, Immaculée Ndabaneze jouit d’une expérience professionnelle de 20 ans dans le domaine bancaire. La crise de 1993 la pousse à se lancer dans la politique dès 1999. Et de confier: «La crise a éveillé ma conscience. Je me suis sentie interpellée comme Burundaise et mère en voyant la souffrance des orphelins, des veuves, des mutilés et toute la souffrance du peuple burundais ».

Présidente de la commission permanente chargée des questions économiques, de l’environnement, des finances et du budget, elle a toujours dénoncé le manque d’attention dans l’attribution des parcelles et des constructions anarchiques. Elle n’a cessé d’évoquer des constructions érigées sur des périmètres qui devraient servir à l’agriculture mécanisée.

Elle préside actuellement le conseil d’administration de ’’Tujane microfinance’’ depuis sa création en 2018. Une microfinance ayant son siège social au chef-lieu de la province Bubanza.


Interview exclusive avec Gérard Birantamije : « Certains ministres choisis n’incarnent pas le changement »

Après la mise en place du nouveau gouvernement, l’enseignant-chercheur en Sciences politiques et sociales, Dr Gérard Birantamije, explique que la nouvelle équipe constitue à la fois une rupture et une continuité avec le régime du président Nkurunziza.

Votre commentaire sur la nouvelle équipe gouvernementale ?

Pour moi, le premier point positif, c’est un gouvernement resserré, ce qui atteste que les décideurs ont une idée claire de la situation des ressources du pays.

Le second point positif, c’est un gouvernement Cndd-Fdd sans partage aucun des parcelles de prise de décision. C’est d’ailleurs le reflet de l’esprit de la Constitution de 2018 qui instaure un régime présidentiel fort. Donc en filigrane, il sera plus aisé d’évaluer les actions de ce gouvernement que les précédents.

En revanche, il y a aussi des aspects négatifs notamment le fait que certaines personnalités choisies n’incarnent pas le changement que les Burundais souhaiteraient.

Ces nominations s’écartent tout de même du discours du chef de l’Etat lors de son investiture promettant un gouvernement qui va redorer l’image de l’Etat. Quand il parle de « Reta mvyeyi » (Etat-providence), ce n’est qu’en comparaison de l’autre gouvernement qu’il est appelé à remplacer.
Enfin, certains ministres ont été reconduits, je présume qu’un bilan aurait été fait à la tête des cabinets qu’ils occupaient lors de la récente législature, sinon ce serait une grave erreur de promettre un changement avec les mêmes démarches et acteurs.

Quid du bilan dans le domaine agricole, dans l’éducation; au niveau de la santé, au niveau des finances de l’Etat, au niveau de la coopération régionale ?

Cette nouvelle équipe consacre-t-elle une continuité avec le régime du président défunt ou sonne-t-elle une rupture avec celui-ci ?

Il y a une continuité au niveau des acteurs de premier plan, mais une rupture au niveau de l’approche. La rupture avec l’esprit des Accords d’Arusha est plus que jamais mise en évidence.

Nkurunziza tout en cherchant à s’en débarrasser depuis 2005, a tout de même essayé de respecter autant que faire se peut certaines des dimensions importantes.

Maintenant que ces accords ne sont plus d’actualité dans les arènes du pouvoir, la rupture est consommée. Et c’est là un signal fort envoyé à l’opposition.

Certains ministères regroupent des domaines en total décalage les uns des autres, cela ne risque pas d’anesthésier certains secteurs ?

Je ne connais pas les intentions profondes de ces regroupements, mais c’est le commun des processus de resserrement des portefeuilles. Cependant, il y avait lieu de faire mieux, par exemple en ajoutant au ministère de l’Education nationale et de la Recherche, la dimension de la Culture ou encore la Jeunesse à celui de la communication et des nouvelles technologies. Cela aurait eu plus de cohérence.

C’est un décalage qui ne va pas faciliter la coordination. Le ministère de l’Intérieur qui se voit attribuer le développement communautaire, en plus de la Sécurité publique aura sans doute du pain sur la planche. Mais espérons que les cahiers de charge seront bien élaborés pour permettre de bonnes prestations qui fassent avancer le pays.

La nomination de certains membres du gouvernement sous sanctions internationales n’est pas un mauvais signal envoyé à la Communauté internationale ?

Ce n’est pas bien perçu même au niveau national. Le problème c’est que les structures de justice ne fonctionnent pas normalement, sinon il ne revient pas à la Communauté internationale de nous indiquer qui a fait quoi ou quoi.

Certaines personnalités auraient dû être écoutées par le parquet, et ce dernier aurait depuis belle lurette demandé des preuves à charge ou à décharge à l’Union européenne ou aux Etats-Unis.

Bien plus, à mon avis, ces sanctions ne pèsent pas sur les concernés étant donné qu’elles ne sont pas assorties de mandat d’arrêt international. Ces personnalités ne peuvent pas mettre un pied dans l’espace européen, mais elles peuvent voyager ailleurs, dans la sous-région, en Afrique, en Asie. Bref, cela reste des sanctions purement symboliques.

Avec la configuration actuelle, il n’y a pas une sorte de ’’militarisation des institutions’’ ?

Personnellement, je pense que c’est la principale grosse erreur que le président Ndayishimiye vient de commettre, en pensant que les compagnons du maquis sont les plus à même de relever les principaux défis qu’il a lui-même soulevés. Certes, le gouvernement Nkurunziza n’était pas moins militarisé, les trois étaient au cœur du régime depuis 2005.

Et le plus important, c’est la symbolique qu’ils incarnent dans l’opinion des Burundais. Est-ce cette symbolique qu’il veut mettre plus que jamais en exergue ? S’il y avait des instituts de sondage ou une bourse de Bujumbura, je pense qu’une chute précoce en cote de popularité aurait déjà été observée.

Aucun membre de l’opposition ne fait partie du nouveau gouvernement. Ce n’est pas un mauvais signe ?

C’est plutôt une bonne chose. Ils ne partagent pas le même programme, pourquoi participer à un gouvernement qui ne rentre pas dans leur projet de société ?

Par ailleurs, le modèle de gouvernement promu par la Constitution de 2018 fait que le gagnant prend tout. Et à mon avis, ce n’est pas mauvais non plus de quitter ’’les gouvernements de coalition’’ de fortune.

Cela a certes un impact par rapport à la coutume qu’ont les Burundais depuis les premières marches vers la démocratie, mais je pense que cela va permettre aux opposants de se retrousser les manches et se mettre en marche pour la conquête du pouvoir.

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