Vingt jeunes ont été stoppés à l’Aéroport Melchior Ndadaye de Bujumbura alors qu’ils se rendent à Dubaï pour le travail. Quatre individus, non encore identifiés, ont empêché leur embarquement alors qu’ils étaient en règle. Motif : ces jeunes n’ont pas passé par les agences de recrutement agréées. Nombre de Burundais se demandent comment des gens non habilités peuvent se donner le droit d’empêcher les gens de voyager.
J.N est arrivé à l’Aéroport Melchior Ndadaye, ce lundi 19 août 2025, plein d’espoir. Quelques minutes plus tard, une douche froide. « J’ai postulé pour un travail dans le secteur de la construction. Mes employeurs m’ont trouvé un visa et m’ont donné un contrat de travail. J’ai acheté des billets d’avion. Munis de ces documents, je suis arrivé à l’aéroport à 9h. J’ai donné tous les documents à un policier. Lorsqu’il a vu que j’allais à Dubaï, il les a confisqués et il m’a dit de me diriger vers 4 hommes qui attendaient en retrait ».
Selon lui, ces 4 hommes en civil ont commencé à lui poser des questions. « Comment tu as eu le contrat ? J’ai répondu que c’est un ami de la famille qui est sur place qui a tout arrangé. » Ces hommes lui ont signifié que le voyage est annulé sous prétexte qu’ils partent clandestinement alors qu’il y a des agences de recrutement agréées.
« J’ai protesté en disant qu’on ne doit pas nécessairement passer par les agences de recrutement. En vain. C’est à ce moment que d’autres personnes sont arrivées dans la salle d’interrogatoire. Nous étions au nombre de 20 dans le même cas. Les questions étaient semblables : qui t’a aidé ? combien as-tu payé ? … »
L’avion s’est envolé sans eux A.G, un autre voyageur, raconte que même un agent d’Air Tanzania est venu signaler le départ imminent de l’avion. Rien n’y fit. « C’est vers 11h30 que le commandant de la police de l’aéroport est venu pour s’enquérir de la situation et a convoqué les 4 qui nous avaient arrêtés. Ils sont entrés dans son bureau pour discuter jusqu’à ce qu’un agent très gentil de l’aéroport vienne plaider pour nous, mais il était déjà 12h30 alors que le vol était de 12h10. C’est suite à ces tracasseries que nous avons raté l’avion ».
Selon lui, ceux qui sont partis avant eux avec Ethiopian Airlines et Kenya Airways sont parvenus à embarquer à destination de Dubaï. « Ces agences de recrutement exagèrent. Elles nous facturent 15 millions voire 16 millions de BIF, alors qu’avec ceux qui sont à Dubaï, il y a lieu d’arranger l’affaire avec 10 millions de BIF, le ticket y compris ».
Selon les témoignages, ces 4 hommes continuaient à exhiber une note du ministère des Affaires étrangères autorisant les agences à recruter les travailleurs migrants.
Qui va les rembourser ?
Impuissant, le commandant de la police de l’aéroport a jeté l’éponge. « En partant, il a lancé qu’il nous laisse avec les personnes qui nous ont arrêtés pour nous convenir du remboursement. Il nous a aussi conseillé de porter plainte et qu’il va témoigner pour nous », confie J.N. Les 4 hommes ont promis de leur rembourser leurs tickets. Ils ont attendu en vain.
Aujourd’hui, les 20 personnes ne savent plus à quel saint se vouer. « Porter plainte contre qui ? C’est la direction de l’aéroport qui devait poursuivre ces personnes qui nous ont empêché de partir alors que nous sommes en règle », indique un d’entre eux.
« C’est une grande perte pour nous. Je viens de l’intérieur du pays, chaque jour qui passe me coûte de l’argent. On nous a dit que nous devons payer des pénalités de 350 USD. Qui va me rembourser ? Sans parler du stress, car nos employeurs nous attendent depuis lundi », a-t-il déploré.
Contacté, le directeur général de l’Autorité de l’Aviation Civile (AACB), Joël Nkurabagaya, n’a pas voulu répondre à nos questions. Interrogée, la porte-parole du ministère des Affaires étrangères a indiqué qu’il n’est pas au courant de ce cas. « Il faut demander au ministère chargé de la Sécurité publique ». Iwacu a essayé, à maintes reprises, de contacter le Commissaire général de la PAFE et le porte-parole de la police, sans succès.
« Oser fermer la porte aux opportunités de ces jeunes, âprement cherchées, c’est même criminel ».
Selon Faustin Ndikumana, directeur national de Parcem, le gouvernement doit savoir que la libre circulation des personnes, sortir ou revenir du pays, est garantie par la Constitution. « Un tel acte est contraire aux droits les plus inaliénables des citoyens sauf dans le cas où ces jeunes qui voudraient voyager ont un problème lié ou à régler avec la justice ».
Cet activiste de la société civile s’interroge sur ceux qui ont mandaté celui qui l’a fait : «Quelle est l’autorité qui s’est arrogée ce droit ? Si le gouvernement prétend négocier des opportunités à l’extérieur pour l’intérêt des jeunes en quête d’emploi, le libre choix de l’individu ou des jeunes concernés est garanti ».
Il trouve que c’est la liberté naturelle de l’homme de choisir son avenir ou comment y arriver: « Aussi, il faut casser ces monopoles où l’État entend garder le monopole sur ce secteur. Cela cache une odeur de corruption, car certainement, il y a des personnes qui profitent de ce phénomène d’envoyer, contrôler et encadrer des jeunes gens désespérés pour aller travailler à l’étranger ».
Il fait savoir qu’il est grand temps de faire une enquête sur les enjeux, les tenants et les aboutissants de ce phénomène. « Par ailleurs, on voit que, même après, aucune assistance de la part du gouvernement n’est pourvue à l’endroit de cette jeunesse actuellement désemparée. Oser fermer la porte aux opportunités de ces jeunes, âprement cherchées, c’est même criminel, nous demandons au gouvernement de cesser ce comportement ».
Il trouve que cela fait le lit de la violation des droits de l’homme, de l’oppression ou de maintenir la jeunesse dans une situation de désespoir le plus total.
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