Mardi 23 avril 2024

Politique

Sale temps pour les opposants

08/04/2019 Commentaires fermés sur Sale temps pour les opposants
Sale temps pour les opposants
Plusieurs membres du CNL arrêtés.

Certains des opposants dans les provinces du sud du pays estiment que l’intolérance politique s’est exacerbée dans ces provinces. Vague d’arrestations, interdiction de réunion, Ils demandent que la communauté internationale suive de près la situation.

Selon les informations recueillies sur place par notre correspondant, les dirigeants des partis CNL, Frodebu, Cndd et Ranac dans la région sud du pays protestent contre ce qu’ils qualifient d’intolérance politique qui sévit dans les provinces de Rumonge, Makamba et Bururi.

Le parti CNL indique que des jeunes membres de ce parti ont été malmenés par les jeunes affiliés au parti Cndd-Fdd, en zone Minago de la province de Makamba, ce dimanche. « Ils ont déjà porté plainte auprès de la police de Rumonge,» indique un dirigeant de ce parti. En moins de deux semaines, 3 personnes ont été arrêtées en communes Burambi et Rumonge.

Le parti Sahwanya Frodebu dénonce des contestations quand il s’agit d’implanter des comités au niveau des collines des communes de Kayogoro, Mabanda et Nyanza-Lac. « Les administratifs et les Imbonerakure nous mettent des bâtons dans les roues,» indique un responsable local de ce parti. Il y a deux semaines, il a été interdit de réunion. « Il a fallu l’intervention du gouverneur, » sur la colline Gatwe, de la zone Kizuka. Le parti Sahwanya Frodebu assure que leur drapeau a été arraché dans la commune Kiremba.

A l’approche des élections de 2020 (inutile de préciser), ces dirigeants de parti de l’opposition demandent à la communauté internationale en général de suivre de près la situation, notamment le rétrécissement de l’espace politique.


Une situation qui se généralise

La prison de Rumonge.

14 février, 6 militants du parti CNL sont arrêtés en commune Muyange, commune Mugina, province Cibitoke par les jeunes affiliés au parti Cndd-Fdd. Ils sont accusés de tenir une réunion nocturne et illégale. Ils seront par la suite libérés, faute de preuve.

Le 17 février, au lendemain de l’agrément du parti CNL, à Muyinga, commune de Bweru, Léonidas Congera est battu à mort dans la nuit de dimanche à lundi. Le député Pascal Bizumuremyi pointe du doigt un groupe de jeunes affiliés au parti Cndd-Fdd mené par Dieudonné Ncamwaka, surnommé « Major». La victime est hospitalisée. Le député demande l’arrestation des auteurs.

Dimanche 17 mars, deux jeunes gens embarquent Eric Niragira de la commune Murwi vers une destination inconnue. Trois jours après une plainte de la famille, le procureur de la province Cibitoke délivre des mandats d’arrêt pour deux Imbonerakure impliqués dans ‘l’enlèvement’ d’Eric Niragira. La famille a reconnu formellement les ravisseurs. Un certain Schadrack Niyonkuru et Jean Marie alias Kajagari, tous des Imbonerakure habitant le quartier Buhinyuza de la commune Rugombo, à la 7e transversale. La famille a cherché dans plusieurs cachots après que ces deux Imbonerakure l’aient emmené sans le trouver. On le découvrira finalement 3 jours après dans un cachot des services de renseignement au chef-lieu de la province Cibitoke. Le procureur dira plus tard qu’«Eric Niragira n’avait pas été enlevé », sans plus de commentaire.

Ce même jour, des dizaines d’Imbonerakure, conduits par un surnommé Kidaga, le chef de colline adjoint, s’introduisent dans la maison de Pacifique Nduwarugira, vers 16h, avec des gourdins. Ils vont l’embarquer ainsi que son père Bizimana et Japhet Irankunda après avoir passé à tabac tout le monde. La femme de la victime témoigne « Ces Imbonerakure n’ont rien demandé. Ils ont tabassé tout le monde, en commençant par mon mari.
Même ma belle-mère et mon beau-père, tous dans la soixantaine, n’ont pas été épargnés». Ils ont saisi trois téléphones. Selon Mme Ntunzwenimana, ils ont également pris 30 mille BIF.

Mardi 19 mars, trois militants du parti Sahwanya Frodebu sont arrêtés dans la province de Makamba. Ils sont accusés d’avoir passé à tabac des jeunes membres du parti au pouvoir, le Cndd-Fdd. Les représentants du parti Sahwanya Frodebu rejettent les accusations portées contre leurs membres et demandent leur libération immédiate.

Jeudi 21 mars à la colline Gatare de la commune Gashikanwa de la province de Ngozi cinq autres militants du parti CNL sont arrêtés.

Des arrestations, des libérations…

Mardi 26 mars, Philibert Batururimi est arrêté sur la colline Ryarunyinya en commune Ruhororo de la province Ngozi(Nord).

A Karusi (Centre-est), lundi 25 mars, Dieudonné Niyongabo, arrêté par des Imbonerakure à la colline Gitanga, a été emprisonné au cachot de la commune Buhiga, avant d’être relâché le lendemain.

Même situation au nord-ouest, en province Cibitoke. En plus des quatre arrêtés le 17 mars et détenus à Murwi, Georges Itangishaka, Daniel Nizigiyimana et Raymond Nkurikiyimana, tous des responsables du CNL en commune Mugina, ont été appréhendés lundi 25 mars à la colline Gitumba. Ils ont été accusés de tenir une réunion illégale.

Au nord-est du Burundi, en commune Butihinda de la province Muyinga, Edmond Ntakirutimana et Alexandre Nshimirimana, deux responsables communaux du parti CNL ont passé 5 jours au cachot de la commune, depuis le 19 mars. En commune Busoni de la province Kirundo(Nord), Aimable Ndayizeye, un militant du CNL de la colline Sigu a été tué, la nuit du dimanche 24mars.

Aussi neuf militants ont été interpellés, dimanche 24 mars, par la police, dans les communes Gitega et Itaba, en province Gitega (centre). L’accusation est toujours la même : «Une réunion illégale.»

Dimanche 24 mars, un homme du nom d’Aimable Ndayizeye a été poignardé et a succombé sur-le-champ. Cela s’est passé sur la colline Sigu, de la zone Nyagisozi de la commune de Busoni dans la province de Kirundo. Cette même soirée, un autre, Sabintore est blessé à la grenade lancée sur la colline Cewe de la province de Kirundo.

Oscar Nizigiyimana, le président du parti CNL dans cette province indique qu’Aimable Ndayizeye présidait le comité de la jeunesse de la zone Nyagisozi. Sabintore faisait partie du comité de la colline Cewe. Il parle de mobiles politiques.

Le gouverneur de cette province nie les informations indiquant que la victime du meurtre et le blessé sont membres du CNL. Alain Tribert Mutabazi indique qu’Aimable Ndayizeye a succombé lors d’une bagarre qui a mal tourné. Le suspect a été arrêté. Celui qui a été blessé est un ‘citoyen lamda’.

1er avril, neuf militants du parti CNL de la commune de Mugina en province de Cibitoke ont été relâchés sur ordre du procureur général de la province de Cibitoke. Il avait constaté qu’il n’y avait pas assez d’éléments tangibles à charge. Une bonne nouvelle pour Simon Bizimungu, député CNL élu dans la circonscription de Cibitoke. Il déplore une arrestation abusive par les Imbonerakure.

Analyse/ Excès de zèle ?

Les témoignages s’accumulent. La colère est là, palpable. A travers le pays, plusieurs personnes disent avoir été arrêtées puis relâchées, faute de preuve. Certaines familles attendent toujours que les leurs qui croupissent dans différents cachots, soient libérés. L’accusation chaque fois avancée est « arrestation pour raisons d’enquêtes ». Imparable. Elle permet de détenir et de relâcher une personne quelques jours plus tard, lui disant tout simplement que « les enquêtes n’ont rien donné, vous êtes libre, rentrez chez vous ». Seulement, entre-temps la personne a été privée de sa liberté et sa famille a vécu dans l’angoisse. C’est une violation du droit des citoyens. «C’est généralisé, ce ne sont plus des cas isolés. Il est difficile de s’imaginer que ces Imbonerakure agissent d’eux-mêmes, » s’insurge Simon Bizimungu, député élu dans la circonscription de Cibitoke. S’il s’agit d’un excès de zèle de certains militants, le pouvoir devrait agir et punir sévèrement ceux qui se prennent pour juge, partie et bourreau. Les autorités sont donc appelées à agir pour éviter l’embrasement. Avec la tension, une petite goutte pourrait faire déborder le vase. Les ardeurs des uns et des autres doivent être refrénées. Le pouvoir joue son image. Ceux qui sont emprisonnés à tort, battus, torturés risquent d’aller grossir le nombre de réfugiés. Ceci pourrait également refroidir la volonté de certains réfugiés qui espéraient rentrer chez eux. La sécurité et la paix méritent que l’on se batte pour elles. Selon nos investigations, à un an des élections de 2020, les esprits s’échauffent. A moins de recadrer ceux à l’origine des dérapages, il y a lieu de s’imaginer qu’en 2020 la tension sera à son comble. Une question se pose aussi jusqu’à quand les victimes des bavures vont continuer de tendre l’autre joue sans broncher. Qui veut la paix, prépare la paix, dit-on.

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Réactions

Abel Gashatsi : « Les dirigeants des partis politiques doivent appeler leurs militants à la retenue. » Abel Gashatsi reconnaît l’existence croissante des dérapages des militants de certains partis politiques qui n’acceptent pas la démocratie et la pluralité de partis. « Il faut qu’ils le sachent. C’est comme la religion, chacun va prier où il veut, on ne peut forcer personne à intégrer une Eglise. » Pour le président de l’Uprona, c’est aux dirigeants des partis politiques de calmer leurs militants et de les appeler à la retenue. « Surtout que les esprits commencent déjà à s’échauffer à une année des élections ». Agathon Rwasa : « Une intolérance politique inacceptable.» Pour le président du parti CNL, il s’agit ici d’une intolérance inacceptable. « Pourquoi nous malmener comme si on n’est pas des citoyens comme les autres ». Agathon Rwasa estime qu’il s’agit d’une tactique du parti au pouvoir pour monopoliser le terrain et empêcher les autres d’exercer leur droit politique. « Chacun a le droit d’adhérer à un parti de son choix ». Cela ternit l’image du pouvoir tant au niveau national qu’international. Le Burundi a besoin de tout citoyen pour le développer. « Or on ne peut participer au développement quand on est malmené, pourchassé ». Ministère de l’Intérieur : « Il faut se conformer à la loi. » Le porte-parole du ministère de l’Intérieur dément les accusations de recrudescence de l’intolérance politique émises par certains dirigeants. Il indique, néanmoins, que le ministre de l’Intérieur a adressé le 23 mars une lettre de rappel aux dirigeants des partis politiques pour leur demander d’actualiser leur représentativité au niveau territorial, c’est-à-dire au niveau communal et provincial. Pour le cas du CNL, Tharcisse Niyongabo indique que ce parti n’a pas encore soumis aux gouverneurs de 12 provinces les papiers indiquant qu’ils souhaitent y exercer leurs activités, indiquant leurs actuels dirigeants. « S’ils sont attrapés en réunion illégale, il est normal qu’ils soient arrêtés. Il faut se conformer à la loi». Nancy Ninette Mutoni  félicite les Imbonerakure pour leur retenue face à la provocation.  La Commissaire à la communication du parti au pouvoir indique qu’aucun membre du Cndd-Fdd n’est impliqué dans le harcèlement des membres de l’opposition. Selon elle, ils vivent en harmonie avec les membres d’autres partis politiques. « Ceux qui véhiculent de telles informations font de la surenchère, ils veulent attirer l’attention, attiser la fièvre électorale à la veille des élections ». Nancy Ninette Mutoni tient plutôt à «  féliciter les Imbonerakure pour leur retenue face à la provocation ».

Editorial de la semaine

Une responsabilité de trop

« Les décisions prises par la CVR ne sont pas susceptibles de recours juridictionnels. » C’est la disposition de l’article 11 du projet de loi portant réorganisation et fonctionnement de la Commission Vérité et Réconciliation analysée par l’Assemblée nationale et le Sénat (…)

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