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Ruyigi : l’imbroglio juridique qui embarrasse le parquet

17/11/2013 Commentaires fermés sur Ruyigi : l’imbroglio juridique qui embarrasse le parquet

Le procureur de la République à Ruyigi a arrêté, le 28 septembre 2013, un citoyen de la zone Nyabitare, commune Gisuru, alors qu’il venait de bénéficier la veille d’une liberté provisoire. Depuis ce jour, le parquet a les mains liées d’autant plus que le Tribunal de Grande Instance (TGI) refuse de lever cette liberté provisoire.

Le Tribunal de Grande Instance de Ruyigi prononce trois condamnations et un acquittement ©Iwacu
Le parquet de Ruyigi dans l’embarras … ©Iwacu

«Je ne sais pas pourquoi je suis en prison. Arrêté sans mandat, j’ai été conduit en prison comme un agneau à l’abattoir», martèle Bernard Ntaconayigize. Incarcéré depuis le 28 septembre 2013 dans les cachots du commissariat de police de Ruyigi, ce jeune homme de Nyabitare fait savoir qu’il n’a pas encore comparu depuis son arrestation. De surcroît, il accuse le procureur de la République, Isaac Sabuwanka, de le menacer : «Il m’a dit que je vais moisir en prison ou que les journalistes à qui j’ai raconté mes déboires vont me libérer.»

Faux, répond le procureur. D’après lui, il lui a seulement demandé le nom de celui qui l’a aidé à écrire une lettre au Procureur Général près de la Cour d’Appel de Gitega. Dans cette lettre, insultante selon Isaac Sabuwanka, le prévenu raconte son histoire et demande au Procureur Général de l’aider à comparaître afin de savoir le crime dont il est accusé et le mandat qui l’a arrêté. Dans cette même lettre, il affirme que c’est le procureur de la République à Ruyigi qui a incité les jeunes de Nyabitare à la révolte après sa libération provisoire. Ce que ce dernier balaie d’un revers de la main.
Pour rappel, Bernard Ntaconayigize et ses deux acolytes (Léonard Bigirimana et Elysée Nsengiyumva) sont libérés provisoirement, le 27 septembre 2013, par la Chambre de conseil. Ils venaient de passer un mois dans la prison de Ruyigi. Accusés d’avoir cambriolé quatre kiosques dont un d’une valeur de 7 millions de Fbu. Le lendemain, la population de la zone Nyabitare barricade toutes les rues. Aucun véhicule ne peut ni entrer ni sortir de cette zone. Elle exige que les trois hommes soient de nouveau arrêtés. Le procureur accède à leurs doléances et ordonne leur arrestation.

Mais, Léonard Bigirimana et Elysée Nsengiyumva réussissent à prendre le large avec la complicité d’un policier. Bernard Ntaconayigize est conduit manu militari dans les cachots. Deux jours après, ces habitants de Nyabitare observent un sit-in devant le parquet de Ruyigi. Ils exigent des explications sur la relaxation de ces trois hommes. Le TGI de Ruyigi se défend arguant que la Chambre de conseil leur a accordé cette libération provisoire sur recommandation du ministère public.

Le parquet et le TGI se tirent dans les pattes

Après la lettre de Bernard Ntaconayigize, Isaac Sabuwanka saisit le TGI pour demander la main levée de l’ordonnance de mise en liberté provisoire. C’était le 24 octobre 2013. Un mois environ après son arrestation. Pour motiver sa demande, le procureur indique que les prévenus ont agressé la victime du vol, ce qui a occasionné la révolte et le barrage des routes par la population. «Nous estimons que leur ré arrestation apaiserait le trouble de l’ordre public», écrit-il.

La réponse de Thomas Ntimpirangeza, président du TGI de Ruyigi, est sans équivoque : «Cette affaire ne nous concerne plus.» Selon lui, pour lever la liberté provisoire, il faut que le prévenu ait violé certaines conditions, ce qui n’est pas le cas dans ce dossier. «Comment lever une liberté provisoire pour quelqu’un qui est emprisonné depuis un mois?», s’interroge un des juges du TGI. «La main levée d’une liberté provisoire concerne une personne libre», renchérit un autre juge. Pour lui, le procureur aurait formulé cette demande avant de procéder à l’arrestation. «C’est tout simplement une arrestation arbitraire», juge-t-il.

Aujourd’hui, ce dossier est devenu un casse-tête pour Isaac Sabuwanka dans la mesure où sa marge de manœuvre rétrécit. Les organisations des droits de l’Homme crient à l’injustice et à une violation fragrante de la loi. Iwacu a essayé de joindre le Procureur Général près la Cour d’Appel de Gitega sans succès.

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