Samedi 07 décembre 2024

Société

Rupture des cantines scolaires : L’explosion des abandons scolaires plane sur Bubanza

08/02/2022 Commentaires fermés sur Rupture des cantines scolaires : L’explosion des abandons scolaires plane sur Bubanza
Rupture des cantines scolaires : L’explosion des abandons scolaires plane sur Bubanza
L’école fondamentale Gahise de la commune Musigati a enregistré 40 abandons scolaires en un trimestre.

Une école primaire de la commune Musigati a déjà enregistré 40 abandons durant ce premier trimestre. La commune totalise à peu près 1.000 abandons. La rupture de stocks des cantines scolaires est la principale cause, assurent des professionnels de l’éducation.

Depuis le début de cette année scolaire en cours, les élèves de la province Bubanza ne mangent plus à l’école. Ce programme d’alimentation scolaire a été initié dans les écoles primaires depuis 2014, dans le but notamment de réduire les abandons scolaires.

L’école fondamentale Gahise de la commune Musigati est l’un des établissements bénéficiaires de ce programme. Se trouvant près d’un grand village des Batwa, elle compte beaucoup d’enfants de cette population démunie.
Depuis que cet établissement est intégré dans ce programme alimentaire en 2015, l’effectif des élèves a augmenté. Il est passé d’environ 300 écoliers à plus de 420, d’après Alexis Misigaro, directeur de cette école qui se limite à la 6e année. « La dernière fois qu’ils ont bénéficié de la cantine, c’était le 3 décembre 2021. Mais avant cette date, ils n’ont mangé que durant la première semaine de novembre».

Ce responsable affirme que cette situation est en train de provoquer de lourdes conséquences d’autant plus que l’établissement compte des enfants très démunis, surtout les Batwa.
D’après lui, au premier trimestre de cette année en cours, cet établissement a enregistré 40 abandons scolaires, dont 25 Batwa. L’établissement a un effectif de 424 écoliers, dont 53 Batwa. « Qu’en sera-t-il à la fin de l’année? », s’interroge-t-il.

Les deux dernières années, l’effectif des abandons scolaires était de trois et quatre abandons par an. Ce directeur ne doute pas de la rupture des cantines scolaires comme principale raison de ces abandons.

De surcroît, ce responsable confie que le taux de réussite a chuté ce dernier trimestre. Il est passé à 65% alors que les autres années, il ne va jamais en dessous de 70%.

Des enfants démotivés

Estella Dushimirimana, enseignante en 2e année fondamentale à l’Ecofo Gahise, affirme que depuis qu’il y a rupture de stocks des cantines scolaires, les enfants s’absentent beaucoup en classe ou tombent souvent malades. « Lorsque j’enseigne, je me retrouve devant plusieurs écoliers qui somnolent car ils se présentent en classe sans avoir mangé chez eux».

Le matin, témoigne cette enseignante, certains vomissent à cause de la faim. L’après-midi, ils dorment en classe. « Parfois, nous nous voyons obligés de les renvoyer chez eux pour chercher de quoi mettre sous la dent et revenir».
Aujourd’hui, les enseignants éprouvent de très grandes difficultés à dispenser les cours car les enfants ne peuvent pas bien suivre avec le ventre vide, insiste Mme Dushimirimana.

Depuis la rupture de la cantine, cette éducatrice se trouve tous les jours devant une classe incomplète. Chaque jour, elle constate que cinq à dix élèves sont absents. « Quant aux Batwa, c’est une autre affaire». Cette classe de 2e année comptait six Batwa. La moitié a abandonné. « C’est aujourd’hui que nous comprenons combien la cantine scolaire était importante pour les élèves », estime l’enseignante.

Le directeur communal de l’enseignement de Musigati corrobore. Pour lui, le projet des cantines scolaires s’est avéré très utile. Il a amélioré les conditions de vie des élèves et a boosté la réussite. Il affirme que le taux de réussite a augmenté, surtout sur les écoles bénéficiaires du programme d’alimentation. « Au cours de la précédente année scolaire, la dernière école a eu 95% au concours national, pour les écoles à cantines scolaires. »

Sur 58 écoles que compte la commune Musigati, 32 sont bénéficiaires de ce programme.

Des chiffres éloquents

Le directeur communal de l’enseignement de Musigati parle de près de 1.000 abandons au premier trimestre, dans sa commune.

Le DCE Musigati, Sylvestre Banzubaze, parle de 949 abandons scolaires dans cette commune, depuis ce premier trimestre, dont 546 dans les écoles à cantines et 403 sur les autres établissements. La commune Musigati compte autour de 25 mille élèves, dont plus de 16 mille dans les écoles bénéficiaires des cantines.

Selon ce DCE, les écoles à cantines scolaires connaissent un engouement car beaucoup de familles sont pauvres dans cette commune. « Certains parents préfèrent envoyer leurs enfants à une école à cantine d’une distance d’une heure à pied au lieu de celle sans cantine se trouvant à 5 min de la maison».

Ce directeur redoute davantage d’abandons scolaires et la chute du taux de réussite, si rien n’est fait.

Le directeur provincial de l’éducation (DPE) à Bubanza, Claude Badugaritse, indique que le problème de rupture de stocks des cantines scolaires n’est pas nouveau. L’année dernière, sur 198 jours de classe que comptait l’année scolaire 2020-2021, les élèves n’ont mangé que pendant 96 jours.

Contacté, le Programme alimentaire mondial (PAM), qui met en œuvre ce programme au Burundi, a indiqué qu’il ne gère pas au quotidien les stocks des cantines scolaires : « Le PAM ne s’occupe que de l’aspect technique et financier.»

Le directeur national des cantines scolaires, Liboire Bigirimana, a souligné que les coopératives dans lesquels le PAM s’approvisionne ont fourni du maïs avec un taux d’humidité très élevé et qui ne peut être consommé par les élèves au risque de mettre en danger leur santé. Ils ont cherché d’autres fournisseurs de maïs, mais n’ont pas encore réussi à s’entendre sur le prix d’achat, selon ce porte-parole du ministère de l’Education. Ce problème, fait-il savoir, est en train d’être résolu.

Un programme utile qui doit être pérenniséPour une des organisations de la société civile actives dans le domaine de l’éducation, la coalition Bafashe bige, nul ne doute que la principale cause des abandons scolaires est la pauvreté des ménages. « C’est d’ailleurs l’un des motifs de la mise en place de ce programme national d’alimentation scolaire pour retenir les enfants à l’école », estime le président de cette coalition, Me Jean Samandari.

Pour ce promoteur de l’éducation, ce programme est donc une très bonne initiative car il avait déjà affiché un impact positif dans les sept provinces bénéficiaires (Bujumbura, Bubanza, Cibitoke, Gitega, Kirundo, Ngozi et Muyinga). Les effectifs des abandons scolaires ont diminué. Le taux de réussite a augmenté car les enfants étudiaient dans de bonnes conditions de santé. « C’est dommage que le pays affiche encore une régression».

Me Samandari estime que ce programme devrait atteindre toutes les écoles du pays. « Un objectif toutefois très difficile à atteindre car l’Etat n’arrive même pas à couvrir toute la cible de ce programme». L’année dernière, sur un total de 2,4 millions d’élèves qui devaient bénéficier des cantines par jour, 550 mille ont été nourris, soit 23%, fait-il remarquer.
Il demande à l’Etat et ses partenaires de faire feu de tout bois pour pérenniser ce programme et éviter à tout prix que la faim soit une barrière à l’éducation.

A nos chers lecteurs

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, mais une information rigoureuse, vérifiée et de qualité n'est pas gratuite. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à vous proposer un journalisme ouvert, pluraliste et indépendant.

Chaque contribution, grande ou petite, permet de nous assurer notre avenir à long terme.

Soutenez Iwacu à partir de seulement 1 euro ou 1 dollar, cela ne prend qu'une minute. Vous pouvez aussi devenir membre du Club des amis d'Iwacu, ce qui vous ouvre un accès illimité à toutes nos archives ainsi qu'à notre magazine dès sa parution au Burundi.

Editorial de la semaine

Gitega a-t-il convaincu ?

Au moment où nous mettons sous presse, se tient à Bujumbura une Table ronde regroupant investisseurs privés et partenaires de développement. Les attentes au sein de l’opinion publique sont mitigées. Pour les optimistes, cet événement témoigne d’une volonté politique forte (…)

Online Users

Total 2 075 users online