La télévision panafricaine Afrique Média a projeté officiellement le film documentaire « Réparation, la dette coloniale », réalisé par le Sénégalais Ibrahim Sow à Bujumbura samedi le 13 septembre 2025. Diplomates, chercheurs, étudiants et militants panafricanistes étaient réunis pour cette première, marquée par des interventions et des prises de position claires en faveur de la justice réparatrice.
Parmi les personnalités présentes figuraient notamment le Haut représentant de l’Union africaine dans la région des Grands Lacs ainsi que les ambassadeurs de plusieurs pays africains, dont le Maroc, l’Algérie et l’Égypte.
Ce film documentaire plonge dans les tréfonds de l’histoire coloniale en retraçant des ’’siècles de pillages, de violences et d’asservissements’’. Le réalisateur, Ibrahim Sow, met en lumière la manière dont les puissances coloniales européennes Grande-Bretagne, France, Belgique, Portugal, Allemagne et autres – ’’ont méthodiquement dépouillé l’Afrique de ses ressources naturelles et de sa force vitale’’.
À travers des archives historiques et des témoignages documentés, le film démontre que ce passé a laissé un continent meurtri, des économies ruinées et un avenir mutilé. Au-delà du rappel historique, l’œuvre soulève une question concernant des réparations dues aux pays africains.
L’appel de la Commission Vérité et Réconciliation du Burundi

Pierre Claver Ndayicariye, président de la Commission Vérité et Réconciliation (CVR) du Burundi, a salué la portée pédagogique et mémorielle du documentaire. Selon lui, « ce film rappelle le passé colonial violent qui a marqué les années de douleurs du continent africain dans les différentes contrées ».
Il a souligné qu’à travers l’Afrique, des peuples entiers ont souffert et ont été injustement traités. « Il faut reconnaître ce mal, il faut réparer », a-t-il martelé.
Pour M. Ndayicariye, ce documentaire dépasse la simple production audiovisuelle. « Il devient un livre ouvert, à lire et à relire, tant par les générations actuelles que futures. Ce documentaire devient une sorte de carillon, qui sonne, qui rappelle que lorsque le passé n’est pas traité, il ne passe jamais ».
Pierre Claver Ndayicariye a également rappelé que la CVR avait publié en 2022 un rapport sur les crimes commis durant la période coloniale (1896-1962). Le document faisait état de crimes économiques et d’atteintes graves aux droits de l’homme perpétrés par les colonisateurs allemands puis belges, avec la complicité de missionnaires catholiques.
Le rapport pointait aussi du doigt la Belgique dans l’assassinat, en octobre 1961, du Prince Louis Rwagasore, Premier ministre du Burundi indépendant. Selon la CVR, il s’agissait d’un ’’assassinat politique organisé et planifié’’ par l’ancienne puissance coloniale.
L’Union africaine en soutien à la cause des réparations
Sghair M’Bareck Saïd, Haut représentant de l’Union africaine dans la région des Grands Lacs, a quant à lui salué un « excellent film qui pose le problème dans toutes ses dimensions ».
À ses yeux, ce documentaire constitue la voie la plus légitime et la plus autorisée pour exprimer, au nom du continent, la revendication des réparations.
Il a rappelé la position du président de la Commission de l’Union africaine, Mahamoud Ali Youssouf, qui n’a cessé de plaider pour la justice réparatrice.
Lors d’un sommet réunissant à Addis-Abeba des nations africaines, des États caribéens et la diaspora africaine mondiale, ce dernier avait appelé les anciennes puissances coloniales à reconnaître leurs crimes, à offrir des réparations significatives et à s’attaquer aux injustices structurelles et systémiques qui continuent de peser sur l’Afrique et sur les communautés caribéennes.
Pour Sghair M’Bareck Saïd, la revendication africaine n’est ni symbolique ni utopique. « Elle est légitime, légale et conforme aux principes universels de justice sociale. Reconnaître les crimes coloniaux et accorder des réparations substantielles constituerait un pas essentiel vers une réconciliation véritable entre l’Afrique et les anciennes métropoles ».
Au-delà des interventions officielles, les participants à cette projection ont exprimé leur gratitude envers le réalisateur Ibrahim Sow et ses collaborateurs.
Plusieurs d’entre eux ont insisté sur l’importance de lire et relire les pages de l’histoire coloniale, non seulement pour comprendre les racines de nombreux maux actuels : pauvreté, conflits ethniques, fragilité institutionnelle. Selon ces derniers, il faut redonner au continent la dignité qui lui a été confisquée.
« Je voudrais dire bravo et merci à toutes les personnes qui ont pris cette initiative et aux réalisateurs. Il faut lire les livres d’histoires coloniales, il ne faut pas les fermer sans les lire, sinon cette histoire que nous voulons paisible, nous ne l’aurons jamais. La paix ce n’est pas un mot, disait le président Félix Houphouët-Boigny, la paix c’est un comportement de nous Africains mais aussi de nos partenaires, qui hier ou peut-être aujourd’hui ont dominé son continent », a souligné le président de la CVR.
Ce documentaire est un outil pédagogique et militant. Elle vise à éclairer une mémoire collective trop souvent occultée, à susciter des débats publics et à interpeller les décideurs politiques. Le film appelle les sociétés africaines à s’approprier leur histoire, à ne pas laisser les récits coloniaux écrits par d’autres occulter leurs propres voix et leurs propres souffrances.
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