Mardi 15 octobre 2024

Société

Région centre/Gitega : En attendant le payement, les dettes s’accumulent

Région centre/Gitega : En attendant le payement, les dettes s’accumulent
Chef-lieu de la commune Gitega

Dans la commune Gitega, les personnes dont les propriétés seront affectées par le traçage d’un chemin de fer en perspective s’impatientent pour n’avoir pas encore touché leurs indemnités. Les prêteurs d’argent en profitent pour distribuer des crédits à qui veulent les prendre moyennant un taux d’intérêts exorbitant.

Ils sont des centaines à attendre les indemnités qui leur seront versées par le Projet du chemin de fer Uvinza-Gitega à la suite du déplacement des ménages, des pertes de terres, des espèces forestières et agroforestières situées dans la bande concernée par le projet. Même s’ils ne savent pas encore combien d’argent ils vont toucher, l’espoir est grand pour ces futurs bénéficiaires qui estiment qu’ils vont devenir des millionnaires, pourquoi pas des milliardaires.

Interrogés sous couvert d’anonymat, ils sont en effet très sûrs que le budget alloué à ce projet est énorme. D’où ils espèrent qu’ils vont toucher des indemnités conséquentes. La question qui reste sur toutes les lèvres à Gitega est celle de savoir à quand cet argent sera versé sur les comptes respectifs. En attendant, des familles entières s’endettent auprès des prêteurs d’argent qui exigent pourtant des intérêts énormes.

« Comme on est dans le besoin et qu’on ne sait pas à quand cet argent sera sur nos comptes, nous n’avons pas beaucoup de choix. Il faut donc accepter leurs conditions ou laisser tomber », raconte un homme de 75 ans, probable futur bénéficiaire. Il trouve qu’il faut profiter au maximum de cette manne qui viendra du ciel. Il indique en outre que son âge avancé ainsi que le fait qu’il n’a pas d’héritiers masculins le poussent à accepter cet argent disponible de peur que les autres n’en profitent après sa mort.

« Si je meurs avant l’arrivée de cet argent, tant pis. J’aurai au moins utilisé l’argent issu de ces dettes et personne ne viendra réclamer après. Mon prêteur lui aussi le sait. C’est un risque qu’il a pris. Je ne serai pas là pour lui rembourser », a-t-il ajouté.

Même son de cloche chez un autre probable futur bénéficiaire qui souligne qu’il s’est entretenu avec ses deux fils avant de prendre le crédit. Il fait savoir qu’il a contracté un prêt de 5 millions auprès d’un commerçant et qu’il va lui payer 10 millions lorsque les indemnités seront disponibles. Il estime en outre que le temps d’attente est long alors qu’il doit vivre.

« Comme je ne peux pas vendre et qu’aucune banque ne peut me donner un crédit, je me débrouille avec ceux qui ont des moyens et qui acceptent de patienter. A vrai dire, eux aussi ne gagneront pas beaucoup. Peut-être en effet qu’ils pourraient avoir gagné même le double au moment où les indemnités nous parviendront s’ils avaient investi dans d’autres choses », estime-t-il.

Une tactique risquée

Selon plusieurs personnes interrogées, les préteurs d’argent se sont spontanément manifestés après que des propriétaires ont été signifiés que telle ou telle autre partie de leurs terrains est concernée par la pause des rails du chemin de fer en projection.

Ils ont alors mandaté des intermédiaires pour qu’ils puissent sonder les concernés s’ils sont preneurs de crédits en leur promettant des facilités. Ils pensent aussi qu’ils vont être payés en dollars. Surtout que même les Tanzaniens qui ont déjà eu ce genre d’indemnités ils les ont touchées en dollars américains.

« J’ai estimé qu’en termes d’indemnité je vais avoir à peu près 400 millions de FBu. Si je prends un crédit de 20 millions, cela ne me causera pas de problème. L’indemnité est tellement énorme si bien que tout le reste de ma vie je serai à l’abris de tout besoin. Profitons de la vie pendant que nous sommes encore vivants », clame un autre futur probable bénéficiaire de Ceru en commune Gitega. Lui et ses enfants n’ont pas manqué d’avancer que leur terrain était infertile. Gagner alors un tel pactole est un miracle. En plus de disposer de l’argent pour aller acheter ailleurs des terres cultivables plus fertiles à moindre coût, ils estiment qu’ils garderont une grosse somme pour d’autres investissements.

Quand on interroge les contrats de prêt qui lient les commerçants prêteurs avec leurs emprunteurs, on trouve notamment des clauses qui stipulent que X accepte de recevoir un crédit de la part de Y tout en hypothéquant une partie de son terrain et que si le délai convenu venait à expirer sans être remboursé, l’hypothèque reviendra d’office aux prêteurs.

Nulle part n’est marqué malheureusement les intérêts à payer. Ce qui inquiète plus d’un parmi les emprunteurs. Par ailleurs, des mésententes commencent à éclater au grand jour. Certaines familles commencent en effet à décrier cette tactique synonyme d’expropriation et de vol.

« Ils cherchent à cacher qu’il y’a des intérêts à payer égaux aux crédits donnés. Comment pourriez-vous expliquer qu’un simple paysan doit 10 millions à quelqu’un alors qu’aucun membre de sa famille n’a signé ce papier. Il s’agit d’une escroquerie pure et simple », appelle Faustine de Rutegama. Quant aux prêteurs, personne ne veut assumer d’avoir concocté ce genre de contrat. Tout ce qu’ils laissent entendre c’est qu’il s’agit d’un risque comme pour tout autre investissement à long terme.

« Que cet argent vienne seulement. Le reste sera facile à gérer. Ce sera pile ou face », aiment-ils avancer.

Forum des lecteurs d'Iwacu

5 réactions
  1. Stan Siyomana

    1. Vous ecrivez:« Même s’ils ne savent pas encore combien d’argent ils vont toucher, l’espoir est grand pour ces futurs bénéficiaires qui estiment qu’ils vont devenir des millionnaires, pourquoi pas des milliardaires… »
    2. Mon commentaire
    a. Meme si ces gens esperent devenir millionaires ou milliardaires dans une, deux, trois ou cinq annees, je crois que la sagesse voudrait qu’aujourd’hui ils exercent beaucoup de caution dans leurs depenses et les dettes qu’ils amassent a gauche a droite a des taux d’interets tres eleves.
    La regle de 72 dit que si vous empruntez 1 million a un taux d’interet de 24% par exemple, vous devrez rembourser 2 millions apres 3 ans.

    • hakizimana jean Pierre

      Stan,

      J’avais soumis une response à la video de l’économiste Burundais vivant en Afrique du Sud mais pour une raison qui m’est inconnues, elle n’a pas été postée. Dans cette conversation, ils(les deux Mrs) ont discuté de bien bcp de sujet très complexes, souvent connectant bien bcp de choses et comme, je me dis le, la personne qui pose des questions n’est peut être pas familier du sujet/secteurs en question, l’audience reste à sa fin. Peut être aussi j’ai pas tout compris du au fait que mon Kirundi est un peu rouillé. Afin vous voyez ce que je veux dire. Bref: le model Monzambicain n’est pas applicable au Burundi car ce dernier n’a pas de petrol. Je viens de poster un papier de Jaw montrant l’importance du Petrol parmis toutes les resources naturelles. Ex. la Tanzanie qui a prix le credit que vous venez de poster, pour exploiter le cuivre, a déjà restructuré cette dette car le cour du cuivre a chuté. Comme vous savez, l’économie Chinoise est au relenti depuis 2021 du a la bulle immobilière.

  2. Stan Siyomana

    1. Une banque de donnees sur les prets chinois aux pays africains pour la periode entre 2000 et 2022 montre que le Burundi a eu 9 prets d’une valeur de 159 millions de dollars;
    le Rwanda a eu 14 prets d’une valeur de 663 millions de dollars;
    la Tanzanie a eu 21 prets d’une valeur de 2,5 milliards de dollars;
    l’Ouganda a eu 30 prets d’une valeur de 4,4 milliards de dollars;
    et le Kenya a eu 48 prets d’une valeur de 9,6 milliards de dollars.
    2. De la on peut conclure que le Burundi a un petit produit interieur brut (PIB) par habitant (jusqu’a etre classe dernier dans le monde) PARCE QUE L’ETAT N’INITIE PAS ASSEZ DE PROJETS.
    Boston University Global Development Policy Center. 2023b. Chinese Loans to Africa Database.
    Retrieved from http://bu.edu/gdp/chinese-loans-to-africa-database.

  3. Stan Siyomana

    1. Vous ecrivez:« Ils pensent aussi qu’ils vont être payés en dollars. Surtout que même les Tanzaniens qui ont déjà eu ce genre d’indemnités ils les ont touchées en dollars américains… »
    2. Mon commentaire
    a. Je ne vois pas comment le gouvernement burundais qui a lui-meme besoin de ces dollars va les distribuer a ces citoyens. En general on utilise la monnaie burundaise dans les transactions operees sur le territoire national.
    b. Dans l’avenir, il sera difficile que le citoyen burundais se rejouisse a l’annonce de grand projets de developpement (comme l’exploitation de la mine de cassiterite de Busoni ou du nickel de Musongati?) si l’Etat burundais peut mettre des annees avant de payer les indemnites des proprietaires des terrains.
    c. J’ai entendu un expert burundais qui expliquait dans une reunion avec les membres de la diaspora burundaise que le Burundi pourrait mettre sept ans (a raison de 100 millions de dollars par an) pour rassembler la somme qu’il doit contribuer dans le projet de chemin de fer. Esperons que les gens ne devront pas attendre sept ans avant d’etre indemnises pour leurs terres.

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