Le manque de suivi et de soutien parental dans l’éducation des enfants est de plus en plus cité parmi les causes des problèmes de comportement et de délinquance observés dans les écoles et la société burundaises. Enseignants, parents et psychologues s’accordent à dire que la famille reste le premier lieu d’apprentissage du respect, de la responsabilité et de la stabilité émotionnelle.
Rémy Nsengiyumva, président du Syndicat des travailleurs de l’Éducation du Burundi (STEB), constate une évolution inquiétante. Les élèves ne respectent plus les règles comme avant. Il explique que les punitions corporelles ont été abolies, même pour les petits enfants. Mais certains parents s’opposent désormais à toute forme de sanction. « Certains vont jusqu’à injurier les enseignants qui tentent de discipliner leurs enfants », déplore-t-il.
Le syndicaliste observe également des signes de négligence parentale : absentéisme répété, mauvais comportement ou encore des enfants retirés de l’école pour aller travailler dans les champs. « Les cahiers de suivi montrent l’évolution de la discipline. Mais certains parents ignorent ces signaux ». À ses yeux, la polygamie, le manque de supervision et les difficultés économiques aggravent le phénomène.
Pour tenter d’inverser la tendance, il plaide pour un travail collectif entre enseignants, parents et autorités locales. Le STEB, dit-il, a déjà engagé des actions dans la lutte contre le travail des enfants. « À Rukaramu, nous avons ramené 536 enfants à l’école sur 900 absents ; à Gihanga, 404 sur 1 600 ; et à Ndava 500 sur 1 060. Les résultats sont également positifs. » Ces initiatives, menées en collaboration avec les communautés locales, visent à renforcer la sensibilisation et la responsabilisation des parents.
Cependant, les obstacles restent nombreux. « Les parents négligents ne comprennent pas l’importance de l’éducation et certaines autorités ne font pas appliquer la loi », déplore M. Nsengiyumva, qui rappelle que tout enfant a droit à l’éducation et à la protection contre le travail précoce.
« Les enfants apprennent davantage par l’exemple que par les mots »
Du côté des familles, certains parents reconnaissent une perte de repères dans la manière d’éduquer. G.M., parent, estime que le problème réside dans le fait que les parents d’aujourd’hui cherchent souvent une vie facile. Selon lui, beaucoup refusent d’abandonner leur mode de vie de jeunesse et oublient leurs responsabilités. « L’éducation des enfants se construit à deux, avec la participation active du père et de la mère. Les enfants apprennent davantage par l’exemple que par les mots. »
Ce parent regrette que le manque de communication et la course à la réussite matérielle éloignent les parents de leurs enfants. « Si vous ne créez pas une relation solide avec votre enfant, ne vous étonnez pas ensuite s’il ne vous parle pas, ne vous écoute pas ou vous fuit », avertit-il. Il appelle à mieux gérer son temps et à savoir dire non aux fréquentations inutiles et aux distractions qui nuisent à la famille.
Des causes socioculturelles et économiques
Pour le psychologue Justin Mugisha, les causes de la négligence parentale sont à la fois socioculturelles et économiques. Il explique qu’autrefois, la famille élargie : grands-parents, tantes, oncles, jouait un rôle essentiel dans l’éducation. Aujourd’hui, avec la vie urbaine et la recherche de revenus, les parents passent moins de temps avec leurs enfants.
Il cite aussi l’ignorance de certains parents face aux besoins affectifs de leurs enfants, aggravée par les conflits familiaux ou la consommation d’alcool. Même les parents bien intentionnés, dit-il, « reproduisent parfois les modèles éducatifs qu’ils ont subis, trop durs ou trop laxistes par peur de blesser leurs enfants comme ils l’ont été ».
Le psychologue regrette également le comportement de certains parents qui changent trop souvent leurs enfants d’école dès qu’il y a une légère augmentation de frais ou par désir de prestige.
Selon lui, cette instabilité nuit au développement de l’enfant : il perd ses repères, ses amitiés d’enfance et devient vulnérable aux mauvaises influences. Il souligne aussi que beaucoup de parents inscrivent leurs enfants dans des écoles de luxe sans évaluer tous les aspects de ce changement. Par exemple, dit-il, « avec vos moyens, vous pouvez donner 20 000 FBu d’argent de poche à votre enfant, alors qu’il étudie avec ceux qui en reçoivent 200 000 FBu par jour ». Cela peut créer un déséquilibre qui pousse l’enfant vers des comportements d’imitation ou de frustration.
Il insiste que, pour un parent, être présent ce n’est pas seulement être là physiquement, mais écouter, guider et accompagner l’enfant dans ses choix et ses difficultés. Pour lui, l’éducation est la base du développement humain et social. Elle doit rester une priorité nationale.
« Des parents présents et bienveillants »
Le psychiatre Jean-Luc Nkengurutse, directeur général de la Clinique Saint Jean, résume la question ainsi : « L’enfant n’a pas besoin de parents parfaits, mais de parents présents et bienveillants. » Il définit la négligence parentale comme le fait de ne pas répondre aux besoins essentiels de l’enfant affectifs, éducatifs ou sociaux. Ce manque, dit-il, « crée un vide émotionnel qui perturbe son développement ».

Les conséquences sont multiples : faible estime de soi, anxiété, troubles de l’attachement, dépendance affective ou conduites à risque. « Rien n’est irréversible », tempère-t-il. « Un accompagnement psychologique et la reconstruction d’un lien affectif sécurisant permettent souvent à l’enfant de retrouver confiance ».
Il avertit aussi que la négligence parentale perturbe le développement cérébral et émotionnel de l’enfant en raison du manque de stimulation et de sécurité. Chez l’adolescent, cela se traduit par une instabilité émotionnelle, une impulsivité et des troubles du comportement.
Le psychiatre attire enfin l’attention sur la dépendance aux réseaux sociaux que les jeunes négligés cherchent souvent en ligne la reconnaissance qu’ils ne trouvent pas à la maison. Mais, cet excès d’exposition accentue l’isolement et la fragilité émotionnelle, entraînant parfois du cyberharcèlement ou une perte de repères.
Selon lui, enseignants, psychologues et travailleurs sociaux doivent unir leurs efforts pour repérer et accompagner ces enfants en rétablissant un cadre bienveillant et sécurisant. Ils peuvent ainsi renforcer l’estime de soi des jeunes et prévenir les comportements à risque.




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