Vendredi 26 septembre 2025

Société

L’objectif « zéro enfant mal assis » reste illusoire

L’objectif « zéro enfant mal assis » reste illusoire
Des enfants suivent les cours assis à même le sol dans un des établissements du nord-ouest du pays

Des enfants qui suivent les cours assis à même le sol ou qui partagent un banc-pupitre à 3 voire à 4 s’observent toujours malgré l’annonce de « Zéro enfant mal assis » du ministère de tutelle. L’apprentissage et l’évaluation restent difficiles pour les enseignants. Une situation qui n’augure rien de bon quant à l’avenir de l’éducation.

Lors du lancement officiel de l’année scolaire 2025-2026, le 15 septembre, au lycée Buhiga de la commune Ngozi dans la province de Butanyerera, le ministre François Havyarimana a annoncé qu’il n’y aura aucun enfant mal assis dans les salles de classe au cours de cette année scolaire. « Le budget général de l’Etat, exercice 2025-2026, a déjà fixé la source des fonds qui serviront à cette fin »

Deux semaines après la rentrée, la réalité semble ne pas cadrer avec la promesse du ministre. Au sud du pays dans l’ancienne province de Cibitoke, des centaines d’élèves sont contraints de suivre les cours assis par terre. A peine franchi le portail des écoles fondamentales Karurama I et II, le constat malheureux saute aux yeux : des dizaines d’élèves entassés dans des salles surchauffées, assis par terre, tentant tant bien que mal de suivre les explications de leur enseignant.

Dans une seule classe de deuxième année, on compte jusqu’à 196 enfants. L’enseignant lui-même peine à trouver un espace pour se tenir debout. « Nous essayons d’enseigner, mais c’est presqu’impossible. Rien ne change d’une année à l’autre. On a l’impression que le ministère nous a abandonnés », confie un instituteur, le visage ruisselant de sueur sous un soleil accablant.

Des élèves épuisés, des parents désespérés

Les enseignants ne sont pas les seuls à tirer la sonnette d’alarme. Les parents constatent eux aussi les conséquences directes sur leurs enfants. « Ils rentrent fatigués, avec des uniformes déchirés et des cahiers abîmés parce qu’ils ont passé la journée assis par terre. Ils se plaignent des douleurs au dos à force d’écrire en se courbant. C’est une situation insoutenable », explique un père rencontré devant l’école de Karurama I, très fâché. La promesse d’une école fondamentale pour tous, censée améliorer la qualité de l’enseignement, est loin de la réalité dans ce quartier populaire.

« Nous n’avons pas assez de bancs pupitres, pas assez d’enseignants, pas de sanitaires suffisants, pas d’eau courante et autres éléments nécessaires dans cet établissement. Les besoins sont immenses », lance Manassé Nsabiyaremye, directeur de l’établissement.

Du côté des autorités, le constat est partagé. Jérémie Sibomana, responsable communal de l’Education, admet que de nombreuses écoles de la région connaissent des problèmes similaires. « La surcharge des classes est une réalité. Mais une nouvelle organisation du système éducatif est en préparation. Nous demandons aux directeurs d’écoles de faire preuve de patience en attendant les mesures qui seront prises par l’État. »

Le manque d’infrastructures menace directement la qualité de l’apprentissage. A Karurama I et II, beaucoup redoutent que l’école censée offrir un avenir meilleur aux enfants devienne plutôt un lieu de découragement et d’échec.

Un déficit de plus de 4 500 bancs-pupitres

Bénigne Nintunze, directrice de l’Education de l’ancienne commune Rumonge fait savoir qu’un manque de plus de 4 500 bancs-pupitres est observé pour que l’objectif « Zéro enfant mal assis » soit atteint.

Elle souligne que des efforts sont en train d’être consentis pour l’atteinte de cet objectif louable avant de préciser que des campagnes de mobilisation des fonds pour la fabrication des bancs-pupitres se multiplient auprès des confessions religieuses, des ressortissants de cette commune, des commerçants et de la diaspora burundaise. Elle fait savoir que des résultats commencent à se manifester.

Elle remercie un ressortissant du pays d’Oman qui est né et qui fait ses études à Rumonge d’avoir offert au mois d’août de cette année un don de 2 000 bancs- pupitres à la commune Rumonge.

Mme Nintunze estime que la clé du développement est une bonne éducation. Raison pour laquelle elle lance un appel à tous les ressortissants de la commune Rumonge afin de donner leurs contributions nécessaires à la fabrication des bancs-pupitres pour les écoliers.

Elle tranquillise toutefois les parents et les élèves que l’objectif du ministère de tutelle sera atteint en commune Rumonge car, l’Office burundais pour la Protection de l’Environnement, OBPE, a rendu disponibles des arbres se trouvant dans les réserves naturelles et dans les aires protégées afin que la commune passe leur à la coupe pour avoir des planches qui serviront à fabriquer des bancs-pupitres.

Augustin Minani, administrateur communal de Rumonge, rassure quant à lui qu’au cours de cette année scolaire il n’y aura plus d’écoliers qui s’assoient sur des pierres dans sa commune. Comme explication, un budget d’appui à l’éducation sera voté par le Conseil communal et la fabrication des bancs-pupitres sera une priorité.

Il demande aux responsables scolaires, aux enseignants et aux élèves d’entretenir ces bancs-pupitres pour en faire un bon usage afin de servir même les générations futures.

La ville de Bujumbura n’est pas mieux nantie

Dans la zone Ngagara, les écoles du quartier II Ngagara ne font pas l’exception. Les élèves doivent se serrer pour pouvoir suivre les cours. Trois à quatre élèves se partagent un banc-pupitre.

Yvonne Ndikumana, directrice de l’une de ces écoles fait savoir que même s’ils ont des bancs-pupitres, ils sont usés et se cassent facilement. « Nous avons été obligés de limiter les inscriptions à cause de ce problème de manque de banc. Trois à quatre élèves sont obligés de se partage un banc. Ce qui n’est pas du tout confortable pour les enfants surtout quand il s’agit de prendre des notes et pendant les évaluations en classe. »

Elle explique aussi qu’un banc qui supporte plus de deux élèves ne peut pas durer. « Un banc-pupitre ne peut pas passer plus de deux semaines sans se casser. Les bancs commencent par grincer, puis finissent par se casser. »

Une enseignante à cette école trouve qu’une aide en bancs-pupitres leur serait d’une grande utilité. « C’est très difficile pour nous d’évaluer des enfants assis à 4 ou à 3. Chaque enfant voit ce que l’autre écrit. »
Elle a dans sa classe plus de cent élèves. Quatre élèves se partagent un banc et ils sont collés l’un sur l’autre. Celui du milieu n’arrive même pas à bouger. Il leur est très difficile de prendre des notes parce que leurs mouvements sont limités.

Dans la classe, ils sont tellement nombreux que le passage dans les rangées est très difficile.
Conjuguer les efforts

Les associations qui militent en faveur de la promotion d’une éducation de qualité déplorent que dans certaines salles de classe les écoliers s’assoient à trois voire à quatre. La qualité de l’apprentissage en dépend.

Antoine Nsengiyumva, représentant de l’association Bafashebige en commune Rumonge fait observer qu’un élève mal assis ne peut pas bien assimiler la matière, surtout pour les écoliers des premières années de l’école fondamentale.

Il demande aux autorités scolaires, aux autorités administratives et à la communauté sur les collines de conjuguer les efforts pour que la campagne lancée par le ministre ayant l’éducation dans ses attributions soit une réalité dans leur commune. Il trouve que c’est faisable et que le développement humain durable en dépend.

Pour rehausser la qualité de l’enseignement à Rumonge, et ailleurs, tout doit commencer par la disponibilisation des bancs-pupitres en quantité suffisante dans les salles de classe, a-t-il indiqué.

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