Samedi 27 avril 2024

Environnement

Littoral du lac Tanganyika : le code de l’eau peine à assurer sa protection

Littoral du lac Tanganyika : le code de l’eau peine à assurer sa protection
Un espace terrassé pour de nouvelles constructions sur le littoral du lac Tanganyika à Kajaga

Une récente alerte est faite par les pêcheurs qui exercent au petit port de pêche de Kajaga sur le lac Tanganyika. Une partie de la commune de Mutimbuzi en province de Bujumbura où des activités de terrassement sont en cours. Un activiste plaide pour le respect du code de l’eau.

Un grand espace est terrassé au bord du lac Tanganyika à cette plage de Kajaga. De nouvelles constructions sont attendues en tout cas sur ce littoral du lac. « Nous voyons des camions qui y déchargent de la carrière. Nous nous sommes confiés à l’administration locale, mais celle-ci reste silencieuse », déplore Innocent Nikombambereye, membre du comité des pêcheurs au port de pêche de Kajaga.

Les pêcheurs ignorent même les genres de bâtiments qui seront érigés sur leurs plages où ils accostent leurs pirogues. Ils déplorent que l’espace soit, pour le moment, très exigu, à cause des travaux en cours.

Innocent Nikobambereye : « L’espace de 150 est interdit de construction, est ce que la loi a été modifiée ? »

M. Nikombembeye se demande comment des personnes ont pu même violer les 150 m à partir des eaux du lac où les constructions sont normalement interdites par le code de l’eau.

Les pêcheurs et d’autres habitants qui exercent le petit commerce ignorent aussi les genres d’activités qui y seront exécutées après la fin des travaux de terrassement. Ils ne savent pas même la personne qui fait exécuter les travaux de terrassement dans une zone interdite de construction.

Néanmoins, ils soupçonnent un homme d’affaires très connu au Burundi. « L’espace des 150 est interdit de construction, est ce que la loi a été modifiée ? », se demandent les pêcheurs en colère. Certains parmi eux craignent d’être chassés de la plage alors qu’ils ne vivent que de la pêche. « C’est grâce au lac que nous scolarisons nos enfants, que nous achetons leurs cahiers, que nous les nourrissons ».

D’après les pêcheurs, quand l’homme d’affaires prendra tout l’espace, 1500 à 2000 pêcheurs ne pourront plus travailler. « Sans oublier des commerçants de poissons qui n’auront plus à quel saint se vouer ».

Pour les pécheurs, la plage de pêche de Kajaga est un domaine de l’Etat très utile à la population. Ils demandent alors au gouvernement de faire respecter les 150 à partir des eaux du lac comme le stipule la loi. « Nous n’avons aucune autre source de revenu à part le lac », lance Benjamin Bigirimana, pêcheur à Kajaga.

Si le gouvernement a besoin de cette plage, propose-t-il, qu’il nous accorde alors une autre plage qui est sur le lac Tanganyika dans la commune Mutimbuzi. « Nous voulons rester chez nous ».

« Le code de l’eau est violé »

Un activiste de la protection de l’environnement parle d’une violation flagrante du code de l’eau de mars 2012. « Le code de l’eau spécifie que quiconque voudrait exploiter le littoral doit impérativement respecter les 150 m à partir du lac », rappelle d’emblée Innocent Banigwaninzigo, expert consultant en matière de l’environnement et président de l’association « Ensemble pour la Protection de l’Environnement ». D’après lui, c’est ce code en son article 5 qui montre comment gérer et utiliser les littoraux des lacs, mais aussi comment gérer les rivières affluentes.

Innocent Banigwaninzigo : « La situation de l’exploitation du littoral du lac Tanganyika est alarmante »

A part Kajaga, M. Banirwaninzigo affirme que les 150 m ne sont pas respectés sur le littoral du lac Tanganyika. « Partez de Gatumba tout le long du lac Tanganyika et la route menant vers Uvira, vous vous trouverez que des constructions en matériaux durables poussent comme des champignons alors que la loi l’interdit », déplore celui qui est à la tête d’une plateforme de 25 organisations qui travaillent dans le domaine de l’environnement.

Innocent Banirwaninzigo dénonce des constructions en dur dans cette partie du littoral interdit notamment à l’endroit appelé « Ku mase » au quartier Ngagara, le côté proche du terrain tempête au quartier Kabondo, aux environs de Zion Beach dans le même quartier et à Kibenga alors que la zone avait été délimitée comme une zone à ne pas exploiter.

Normalement, explique notre source, pour quelqu’un qui veut exploiter le périmètre inférieur à 150 m à partir du lac, doit impérativement demander des autorisations et il y a des exigences notamment faire des études environnementales et sociales pour voir que le projet ne va pas nuire à la biodiversité du lac. « Mais, aujourd’hui, cela ne se fait pas », déplore-t-il.

Pour lui, la situation de l’exploitation du littoral du lac Tanganyika est alarmante. Quand il analyse les constructions qui y sont érigées, il constate que nombreuses sont celles qui polluent le lac Tanganyika : « Elles déversent les déchets dans le lac. C’est une exploitation anarchique, car elle ne respecte pas le code de l’eau. » Ce qui, pour cet activiste, a beaucoup de retombées négatives sur la biodiversité du lac.

L’administration pointée du doigt

Innocent Banirwaninzigo estime que la faute est à l’administration de la base au sommet : « Moi, je pointe du doigt l’administration qui devrait scrupuleusement mettre en application le code. » Et d’éclairer de plus que la Constitution en son article35 stipule que : « C’est le gouvernement qui gère les ressources naturelles dont dispose le pays. Donc il vient avant dans la gestion des affaires environnementales. »

Il affirme, par ailleurs, avoir constaté qu’en matière d’environnement ou de la sauvegarde des ressources naturelles, la réaction de l’administration n’est pas spontanée.
Dans la plupart des cas, accuse-t-il, l’administration est complice dans l’octroi de ces lieux interdits. « C’est le constat que nous avons fait dans nombre d’endroits ». Il cite, par exemple, que son association a dénoncé une construction illégale dans les environs de Zion Beach à Kabondo, dans le passé, mais que cela n’a abouti à rien. « La construction a détruit tout un nid d’oiseau, mais l’administration n’a pas réagi ».

Le code de l’eau est vieux de dix ans. Le président de l’association « Ensemble pour la Protection de l’Environnement » regrette qu’après tout ce temps, même des textes d’application qui devraient rendre opérationnel le code n’ont pas été mis en place. « Seuls 8 sur 24 ont été mis en place », détaille-t-il.

Un des textes qui devrait être mis en place, c’est notamment celui qui institue le fonds national de l’eau. Celui-ci allait gérer toute question relative à l’eau au Burundi.
L’activiste cite encore un texte qui organise la politique de pollueur-payeur qui n’a pas encore été élaboré.

Il lance un appel à l’administration pour faire respecter le code de l’eau de 2012, qui a été élaboré avec des fonds du trésor public : « Ne pas l’appliquer constitue une perte énorme. »

Le gouvernement constate une anarchie en 2022

Dans un communiqué de presse sorti au terme du Conseil des ministres du 16 mars 2022, il a été constaté que malgré le code de l’eau de 2012 qui prévoit une bande de 150 mètres de largeur à partir des eaux du lac qui fait partie du domaine public, le littoral du lac Tanganyika est géré d’une manière anarchique et irrationnelle.

Afin d’y remédier, le ministère en charge de l’Environnement a produit un plan d’aménagement intégré du littoral du lac Tanganyika qui tient compte des aspects environnementaux, touristiques et économiques.

Ce document, précise le communiqué, a pour mission d’orienter les décideurs ainsi que les investisseurs pour que le littoral du lac Tanganyika soit valorisé et protégé.

Après l’avoir adopté, le Conseil des ministres a par la suite décidé que le document constitue une référence pour une bonne planification dans la gestion du littoral du lac Tanganyika et que « même les immeubles déjà construits dans les zones identifiées doivent se conformer à ce plan ».

Néanmoins, selon un observateur avisé, ce plan est un document nouveau qui n’est pas encore utilisé. « Il a été tout simplement validé », a-t-il conclu.

Forum des lecteurs d'Iwacu

3 réactions
  1. Jean Marie NDUWIMANA

    Nous,dans l’association « Jardin Villageois Ami de Bon Climat, JVABC en sigle  » ,nous déplorons l’inaction des autorités habilitées dans cette situation alarmante !

    • Stan Siyomana

      Hamwe batubwira ko dufise RETA MVYEYI RETA NKOZI, ko Uburundi bugiye kuba pays emergent muri 2040, hanyuma hakibonekeza aka kajagari.
      Jewe ndumiwe kabisa: abarundi nibemere bibere muri anarchisme kuko n’ubundi amategeko arashirwaho mugabo ntakurikizwe..

  2. Jean Marie NDUWIMANA

    C’est vraiment choquant !Il faut le respect du code de l’environnement burundais car bcp d’autorité ne considèrent pas l’importance de la protection de l’environnement.
    Les unes pensent que c’est un travail des autres.
    Ce n’est pas seulement le littoral du Lac Tanganyika,il ya des rivières qui causent des dégâts à savoir Rusizi,Gasenyi,Gikoma,Murago,Muzazi et autres.Ces rivières se font justice.
    Levons -vous protéger l’environnement en passant par des textes juridiques en la matière !

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