Le Burundi s’est doté d’un nouveau gouvernement composé de 13 ministres, dirigé par un nouveau Premier ministre, Nestor Ntahontuye, ancien ministre des Finances. Seuls trois ministres du précédent gouvernement ont été reconduits. De la crise persistante du carburant aux tensions diplomatiques, en passant par l’urgence des réformes macroéconomiques indispensables à la relance d’une économie moribonde, les défis sont nombreux. Pour nombre d’observateurs, ce nouveau gouvernement n’a tout simplement pas droit à l’échec.
Une investiture éclair
Le 5 août 2025, les événements se sont enchaînés à un rythme inhabituellement rapide. Dans l’après-midi, la candidature de Nestor Ntahontuye a été soumise aux deux chambres du Parlement pour approbation. À peine trois heures plus tard, il prêtait serment devant le président de la République, les parlementaires, des diplomates et consuls, les corps de défense et de sécurité, ainsi que de nombreux invités.
À l’issue de la cérémonie, Rosine Gatoni, porte-parole de la Présidence, arborait un air énigmatique, comme si d’autres annonces importantes étaient imminentes. Elle quitta rapidement les lieux, laissant les journalistes — y compris ceux de la RTNB — sans réponse. Ces derniers, confrontés comme la population à la pénurie de carburant, attendaient un véhicule pour les ramener. Faute de moyens de transport, certains ont dû marcher ou emprunter un cangancanga (taxi collectif) pour regagner leur rédaction. Ils ignoraient alors que la suite des événements se déroulerait sur les ondes de la RTNB.
Ce n’est qu’à 20h, trois heures après la prestation de serment, que Rosine Guilène Gatoni annonça, au journal télévisé de la RTNB, la composition du nouveau gouvernement. Deux faits majeurs ont marqué cette déclaration : la réduction du nombre de ministères, passant de 15 à 13, et la nomination inédite d’une femme civile, Marie-Chantal Nijimbere, à la tête du ministère de la Défense nationale.
Portraits des membres du nouveau gouvernement
Nestor Ntahontuye : Une ascension fulgurante
Originaire de l’ancienne commune de Gisuru (aujourd’hui Buhumuza), le nouveau Premier ministre est diplômé ingénieur statisticien de l’Université du Burundi, avec une spécialisation en suivi-évaluation. Il a travaillé pour plusieurs ONG internationales (GIZ, PSI Burundi, Oxfam, IFDC…).
Proche du couple présidentiel, sa montée en puissance est fulgurante. Avant sa nomination comme ministre des Finances en décembre 2024, il était député élu dans la province de Ruyigi et président de la commission permanente des Finances à l’Assemblée nationale.
Léonidas Ndaruzaniye : L’homme du président
Général-major de police mis à la retraite anticipée en décembre 2024 pour convenance personnelle, Léonidas Ndaruzaniye est ensuite devenu gouverneur de la province de Ngozi. Proche du président Evariste Ndayishimiye, il était pressenti pour présider l’Assemblée nationale. Il prend aujourd’hui les rênes du ministère de l’Intérieur, du Développement communautaire et de la Sécurité publique.
Marie-Chantal Nijimbere : Une nomination historique
Ancienne ministre du Commerce, Marie-Chantal Nijimbere devient la première femme à diriger le ministère de la Défense nationale et des Anciens Combattants, avec un budget de plus de 670 milliards de BIF. Sa nomination suscite de nombreux commentaires, notamment dans le contexte sensible de la présence des troupes burundaises à l’est de la RDC.
Arthémon Katihabwa : Un représentant Twa à la Justice
Spécialiste de droit international public, Arthémon Katihabwa, issu de l’ethnie Twa, a été nommé ministre de la Justice, des Droits de la personne humaine et du Genre. Il était jusqu’ici cadre au Secrétariat permanent du Conseil supérieur de la magistrature. Il hérite d’un secteur critiqué pour sa corruption et ses dysfonctionnements chroniques.
Édouard Bizimana : Un diplomate déjà controversé
Né en 1968 à Kinyonzo, Édouard Bizimana est titulaire de plusieurs diplômes en lettres et relations internationales. Il a occupé divers postes diplomatiques avant d’être nommé ministre des Affaires étrangères. Toutefois, ses prises de position hostiles envers le Rwanda sur les réseaux sociaux font déjà polémique, dans un contexte diplomatique très tendu. Bon intellectuel, il a déjà publié plusieurs ouvrages dont » Quelle diplomatie pour les pays postconflits »?
Alain Ndikumana : L’architecte de la Vision 2040–2060
Économiste statisticien, Alain Ndikumana dirigeait le Bureau des Études Stratégiques à la Présidence. Considéré comme le concepteur de la Vision 2040–2060 du chef de l’État, il est désormais chargé de relancer une économie en crise, à la tête du ministère des Finances, du Budget et de l’Économie numérique.
Hassan Kibeya : Le jeune espoir
Ingénieur en génie électrique (Université de Sfax), Hassan Kibeya était responsable de l’entrepreneuriat des jeunes au PAEEJ. Il prend la tête d’un ministère vaste et complexe, englobant Ressources minières, Énergie, Industrie, Commerce et Tourisme, confronté à une multitude de défis.
Calinie Mbarushimana : Une figure autoritaire
Originaire de Karusi, biochimiste de formation, Calinie Mbarushimana a été gouverneure de la province de 2015 à 2022, puis secrétaire permanente à la Sécurité au ministère de l’Intérieur. Militante influente du Cndd-Fdd, elle est nommée ministre de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Élevage. Son défi majeur : assurer la distribution des fertilisants aux agriculteurs à temps.
Jean-Claude Nzobaneza : L’inconnu
Ingénieur, Jean-Claude Nzobaneza dirigeait l’antenne de l’OBUHA à Ngozi. Il devient ministre des Infrastructures, des Logements sociaux, des Transports et de l’Équipement. Il devra gérer des dossiers complexes, dont la reconstruction du Marché central de Bujumbura et la crise du transport due au manque de carburant.
François Havyarimana : L’intellectuel reconduit
Docteur en sciences agronomiques (ULB, Belgique), François Havyarimana est reconduit au ministère de l’Éducation nationale et de la Recherche scientifique. Ancien recteur de l’Université du Burundi, il est réputé pour son sérieux et sa rigueur.
Lydwine Baradahana : La discrète
Médecin, nommée ministre de la Santé publique en octobre 2023, Lydwine Baradahana conserve son poste. Elle devra faire face à l’exode des médecins et à la pénurie chronique de médicaments.
Gabriel Nizigama : Le retour en grâce
Lieutenant général de police, Gabriel Nizigama a déjà occupé plusieurs postes de haut niveau, dont ministre de l’Intérieur. Tombé en disgrâce après l’arrestation de Bunyoni, il revient comme ministre du Travail, de la Fonction publique et de la Sécurité sociale.
Lydia Nsekera : Une figure du sport
Issue de la noblesse burundaise, Lydia Nsekera est une figure respectée du sport international. Première femme à siéger au comité exécutif de la FIFA, elle devient ministre de la Jeunesse, des Sports et de la Culture.
Gabby Bugaga : Du journalisme à la politique
Diplômé en communication, ancien journaliste à la RTNB, Gabby Bugaga a gravi les échelons au sein des institutions avant d’être nommé ministre de la Communication et des Médias. Il est réputé proche de Révérien Ndikuriyo, secrétaire général du Cndd-Fdd.
Réactions au nouveau gouvernement : entre scepticisme, réserves et lueurs d’espoir
Alors que le Burundi vient de se doter d’un nouveau gouvernement resserré à 13 ministres, les réactions de la classe politique, de la société civile et des observateurs affluent. Si certains saluent des profils prometteurs, la majorité dénonce un simple changement de façade dans un système jugé verrouillé, partisan et inefficace. Tour d’horizon des principales prises de position.
Agathon Rwasa (CNL) : « Un simple changement de figures dans un système verrouillé »
Pour le leader de l’opposition, ce gouvernement arrive dans un contexte de dérive autoritaire, marqué par des élections sans crédibilité. Il fustige un système en place depuis vingt ans qui, selon lui, a sapé les fondements de la réconciliation nationale fixés à Arusha, notamment le partage du pouvoir.
« Même si certains profils peuvent susciter un peu d’optimisme, je reste sceptique. Car tout se décide au sein du Conseil des sages, et non dans les institutions républicaines. Tant que ce conseil conserve son pouvoir informel, rien ne bougera. »
Il critique le clientélisme dans les recrutements ministériels et considère la Vision 2040–2060 comme un mirage : « Tant que le système de gouvernance n’est pas réformé, on peut mettre les meilleurs acteurs dans le décor, mais la pièce restera vide de sens. »
Kefa Nibizi (CODEBU) : « Un gouvernement excluant, mais composé de profils rassurants »
Le président du CODEBU estime que ce gouvernement exclut l’opposition tout comme les autres institutions issues, selon lui, d’une fraude électorale. Cependant, il reconnaît la compétence de certains membres : « Beaucoup ont une solide expérience administrative. Cela peut rassurer. »
Il appelle à recentrer l’action du gouvernement sur la relance économique et la réconciliation nationale, tout en dénonçant un système où la corruption et l’enrichissement personnel dominent : « On doute de l’efficacité d’un gouvernement formé dans un système dont la priorité n’est pas le développement, mais l’intérêt personnel. »
Abdul Kassim (UPD-Zigamibanga) : « Ce n’est pas un gouvernement d’austérité »
Pour Abdul Kassim, la réduction du nombre de ministères ne répond pas à un impératif budgétaire :
« Vu le budget de l’État, il ne s’agit pas d’un gouvernement d’austérité. Attendons de voir les résultats. »
Il exprime peu d’espoir, tant les attentes de la population sont énormes : « Les priorités doivent être claires : résoudre la pénurie de carburant, la hausse des prix, et les coupures d’eau et d’électricité. »
Patrick Nkurunziza (Sahwanya Frodebu) : « Le même système, les mêmes résultats »
Le président de la coalition Burundi Bwa Bose ne voit aucune nouveauté dans ce gouvernement : « Depuis 2005, le CNDD-FDD a formé plusieurs gouvernements, tous ont échoué. C’est la continuité d’un système inefficace. »
Il déplore la persistance de l’exclusion politique et conclut : « Ce gouvernement ne servira qu’à préparer les élections de 2027. »
Térence Manirambona (CNL) : « Le patriotisme sacrifié au profit du militantisme »
Le porte-parole du CNL considère ce gouvernement comme le fruit de la fraude électorale de juin 2025. Derrière une vitrine technocratique, il voit une mainmise du parti au pouvoir : « Les nominations sont fondées sur l’allégeance au parti. Le patriotisme et l’intérêt général passent au second plan. »
Il dénonce un système marqué par l’opacité, la corruption, l’échec des sociétés étatiques, une inflation galopante et une insécurité fiscale : « Ce n’est pas un problème de discours, mais de pratiques. Rien ne changera tant que le système reste le même. »
Il espère toutefois que cette nouvelle équipe saisira l’occasion pour changer les choses.
Aloys Baricako (RANAC) : « Un gouvernement multicolore à observer pendant 100 jours »
Le président du RANAC salue la diversité de profils : « Il y a des jeunes, des femmes, des représentants de toutes les ethnies. La nomination d’une femme à la Défense est historique. » Tout en regrettant l’absence de l’opposition dans la composition, il estime que la société civile est bien représentée.
« Il faut lui accorder le bénéfice du doute. Attendons les 100 premiers jours pour évaluer les premiers changements. » Il recommande des actions urgentes sur la stabilisation monétaire, la résolution des problèmes d’énergie et la lutte contre l’exportation illicite des minerais.
Gaspard Kobako (AND-Intadohoka) : « Moins de ministères, mais des méga-portefeuilles ingérables »
Le président de l’AND salue la réduction progressive du gouvernement, mais avertit : « Si cette compression n’est pas accompagnée d’une réorganisation budgétaire cohérente, les ministères risquent d’être débordés. »
Il dénonce un clientélisme persistant, une concentration économique entre quelques privilégiés, des pénuries récurrentes (sucre, boissons, carburant), et un système éducatif en crise. « Il faut des serviteurs de la République, pas des ministres qui se servent eux-mêmes. »
Faustin Ndikumana (PARCEM) : « Ce gouvernement joue la survie du premier mandat présidentiel »
Le directeur national de PARCEM rappelle que c’est le troisième gouvernement du président Ndayishimiye, après deux échecs reconnus : « S’il échoue, c’est tout le premier mandat présidentiel qui sera remis en cause. »
Il alerte sur l’instabilité structurelle créée par la fusion et la reconfiguration permanente des ministères : « Le ministère Énergie, Mines, Industrie, Commerce et Tourisme est un monstre administratif. »
Il plaide pour une réforme macroéconomique profonde, la lutte contre l’impunité, la généralisation de la déclaration de patrimoine, l’indépendance de la Cour des comptes, une meilleure décentralisation financière et l’organisation d’états généraux de l’économie.
Hamza Venant Burikukiye (CAPES+) : « Un choix basé sur la compétence technique »
Le représentant de CAPES+ se montre optimiste : « Le Premier ministre est expérimenté. Les membres du gouvernement sont reconnus pour leur intégrité morale et intellectuelle. »
Il insiste sur la mise en œuvre rigoureuse de la Vision 2040–2060, via une bonne mobilisation et gestion des fonds publics.
Libérat Ntibashirakandi (MAP-Burundi Buhire) : « Une crise de leadership empêche toute réponse aux défis »
Pour ce responsable du Mouvement d’Actions Patriotiques, le gouvernement est formé dans un contexte de crise profonde : « Le pays est confronté à une situation jamais vue. Même le président a reconnu que l’État est menacé de faillite. »
Il regrette l’absence d’un véritable gouvernement de crise, et dénonce la faiblesse du projet porté par cette nouvelle équipe. « Le président doit assumer son rôle de décideur, pas seulement de dénonciateur. »
Il appelle à évaluer les résultats des 100 premiers jours, avec des indicateurs clairs : stabilisation économique, lutte contre la corruption, disponibilité des devises, réforme de la gestion publique. Il alerte sur un slogan vide autour de 2040–2060 : « Un pays ne se construit pas avec des slogans mais avec un trésor bien géré, de la discipline et une vraie planification. »
La majorité des réactions expriment du scepticisme ou des doutes profonds. Peu voient dans ce gouvernement une rupture véritable. Plusieurs saluent néanmoins la compétence technique de certains ministres et appellent à leur donner une chance, tout en posant des exigences précises.
Je ne connais aucune des personnes citées; j’apprécie votre présentation PROFESSIONNELLE. Ça change de ce que je vois et entend sur les réseaux sociaux : des gens qui souvent croient savoir, dont les sarcasmes et les sous-entendus restent incompréhensibles pour des non-initiés comme moi.
Si je devais comparer notre pays à une entreprise, je dirais sans hésiter que cette dernière est sur la pente raide de la faillite. Dans ce cas, je vois ce nouveau gouvernement comme un comité à triple objectif:
1) si l’entreprise peut être sauvée, ils vont nous proposer un plan de redressement. Ils vont mettre sur pied des stratégies innovantes pour approvisionner le pays en tout ou partie de ce dont il a besoin. Par quelles ressources vont-ils réussir là ou les gouvernements précédents ont échoué? Mystère, pour le moment.
2) dans une entreprise, si cette mission de redressement devient impossible, on propose un plan de cession où est prise la décision de confier la gestion de l’entreprise défaillante à une organisation tiers disposant de ressources suffisantes pour sauver les meubles.
3) si cette 2ème option échoue, on en vient à la liquidation pure et simple. Mais ce qui est spécial avec les états, c’est que la notion de faillite est toute relative. Un pays ne dépose pas de bilan. Un gouvernement ne peut pas jouer le rôle de comité de liquidation. Il peut simplement continuer à gérer le pays même si celui-ci est en état moribond. Celui qui a le pouvoir peut tout se permettre, jusqu’à preuve du contraire.
Le nouveau gouvernement burundais, dirigé par le Premier ministre Nestor Ntahontuye, présente à la fois des éléments de continuité et de rupture, mais soulève également des questions sur sa cohérence, sa représentativité et sa capacité à relever les défis du pays dans un contexte de monopartisme marqué.
1. Cohérence et compétence technique
Points forts :
Certains ministres ont des profils techniques solides (Ntahontuye en finances mais sans résultats palpables prouvants, Ndikumana en économie mais non encore éprouvées cette vision 2040-2060 reste un rève virtuel que l’on brandit comme slogan ,mais où les prémisses restent faibles(depuis trois ans le Burundi souffre d’un problème de manque d’énérgie et autres problèmes de gestion macoéconomiques, Havyarimana en éducation,malgè sa gestion calamiteuses des milices Imbonerakure à l’Université, mais a-t-il la force d’arrêter cela puisque le barycentre du pouvoir se trouve ailleurs), ce qui pourrait renforcer la gestion sectorielle.?????
La nomination de Marie-Chantal Nijimbere (Défense) et d’Arthémon Katihabwa (Justice, issu de la communauté Twa), Lydie Nsekera montre une volonté de symbolisme progressiste, bien que ces choix restent sous contrôle du régime. Que pourra faire Marie Chantal ,qui est restée plus de trois ans au Commerce ,impuissante sur l’inflation et la spéculation. Que pourra t-elle faire avec la Grande Muette en décomposition minée par des problèmes internes avec une intervention à l’Est du Congo très controversées et les généraux issus de la rébellion qui sont aux manettes, et les généraux isus des ex-fab exclus dans beaucoup de décisions et le Président qui est finalement le véritable patron des forces de défense . Et Katihabwa une justice délabrée depuis beaucoup d’années mème avant l’arrivée du système CNDD qui n’a fait que l’achever et l’instrumentaliser !!!! Et Lydia Nsekera au Sports et Culture malgRè sa carrière riche internationale en matière de sports, aura-t-elle les mains libres où sera elle une sous-traitante de généraux CNDD qui ont accaparé ce secteur dont Réverien Ndikuriyo patron du parti au pouvoir et le Général Muyenge patron de la Fédération Burundaise du Footbal,et toutes les autres fédérations sous la direction des personnes liées au système CNDD
La réduction du nombre de ministères (de 15 à 13) pourrait indiquer une tentative de rationalisation, mais elle s’accompagne de super ministères aux défis démesurés (ex. Kibeya qui cumule Mines, Énergie, Industrie et Tourisme).Il ne pourra pas malgré toute la bonne foi ,il aurait fallu le seconder par un Secrétaire d’Etat chargé de l’Industrie et du Tourisme.
Points faibles :
Plusieurs nominations semblent guidées par la loyauté politique plutôt que par l’expertise (ex. Léonidas Ndaruzaniye à l’Intérieur, un général proche du président).
Des secteurs clés (Justice, Infrastructures) sont confiés à des personnalités peu expérimentées ou inconnues (Jean-Claude Nzobaneza), ce qui risque d’aggraver les dysfonctionnements existants.
La reconduction de ministres critiqués (Baradahana à la Santé, malgré la crise des médicaments) et Havyarimana à l’Education interroge sur la volonté de rupture.
2. Vision politique et exclusion des autres partis
Monopartisme et clientélisme :
Le gouvernement est dominé par des fidèles du CNDD-FDD et du cercle présidentiel, sans inclusion d’autres forces politiques (même symbolique). Cela confirme la fermeture de l’espace politique, déjà critiquée par les opposants et les observateurs internationaux.
Des figures comme Calinie Mbarushimana (Environnement) ou Gabby Bugaga (Communication) incarnent cette logique de récompense partisane plutôt qu’une méritocratie.
Vision économique et réformes :
Alain Ndikumana, promoteur de la « Vision 2040–2060 », incarne une approche planificatrice, mais dans un contexte de crise aiguë (pénurie de carburant, inflation), les priorités devraient être à court terme.
Aucune mesure audacieuse n’est annoncée pour libéraliser l’économie ou attirer les investisseurs, ce qui laisse craindre une continuation des politiques étatistes inefficaces.
Diplomatie et tensions régionales :
La nomination d’Édouard Bizimana (Affaires étrangères), connu pour ses positions anti-rwandaises, risque d’envenimer les relations avec Kigali, alors que la présence des troupes burundaises en RDC exige au contraire du pragmatisme. Ceci est un mauvais signal pour la région que l’on aime et/ou ne pas l’aimer il faut rester lucide. Les régimes passent mais les pays restent.
3. Conclusion : Un gouvernement sous haute pression
Ce gouvernement reflète un équilibre entre technocrates et loyalistes, mais reste prisonnier d’un système monopartisan qui limite son ouverture et sa crédibilité. Si certains ministres ont le potentiel pour impulser des réformes, leur marge de manœuvre sera contrainte par :
-L’absence de pluralisme (aucune voix alternative pour corriger les erreurs).
-La priorité donnée à la sécurité du régime plutôt qu’à la transparence ou à la participation citoyenne.
-Des défis structurels (économie, carburant, corruption) qui nécessiteraient des mesures radicales, peu probables sans pression externe.
En résumé : Ce cabinet pourrait apporter une gestion plus technique que le précédent, mais il manque de souffle réformateur et reste un outil du CNDD-FDD, ce qui réduit ses chances de sortir le Burundi de ses crises multidimensionnelles.