Dimanche 28 avril 2024

Société

Le « Cardinal » de Carama

06/12/2023 8
Le « Cardinal » de Carama
Ferdinand Bankuwiha

La prolifération des églises au Burundi fait que certaines d’entre-elles se croient tout permis et font tout pour impressionner les fidèles et en attirer d’autres. A côté des prédications, certains pasteurs de ces églises protestantes s’arrogent d’autres droits comme porter des vêtements liturgiques qui ne reflètent pas l’image de leurs croyances.

Dans le quartier Carama de la zone Kinama, Ferdinand Bankuwiha, pasteur d’une église protestante et quelques-uns de ses servants apparaissent en chasubles, des vêtements liturgiques portés par les prêtres catholiques pendant leur sacerdoce.

« Il a exagéré en portant les chasubles et en les faisant porter à sa femme, c’est pour les catholiques », s’exclame un ancien chauffeur du pasteur. Une autre apparition de ce pasteur le montre habillé comme un cardinal de l’Eglise catholique.

A côté de ces apparitions surviennent des prédications sur sa télévision en ligne « No Repentance No Heaven TV » qui suscitent à leur tour des tollés sur les réseaux sociaux.

Certains vont même jusqu’à les qualifier d’incitation à la prostitution aux jeunes jolies filles de son église. Quand il s’agit de le chercher pour qu’il puisse faire de la lumière sur les mobiles de ses agissements, il est introuvable.

Il est sous mandat d’arrêt et son église a été mise sous scellés par la police. Son ancien chauffeur affirme que le pasteur est revenu, mais reste injoignable : « Personne ne croyait à son retour, le dieu qu’il prie est vraiment grand », témoigne un fidèle de l’église « Repentance and Holiness for the Revival ».
Devant l’église, personne ne veut parler du pasteur. Un monsieur sur une chaise à côté du portail de l’église cadenassée ne répond à toutes les questions que par « je ne sais pas ».

Mais le chef de quartier prénommé Alexis, très ouvert, donne l’adresse et précise que le pasteur ne peut pas être dans les parages : « Sa maison se trouve à l’avenue Budwedwe, mais il est sous mandat d’arrêt et il reste introuvable », précise-t-il.

Le Colonel Nkurunziza, le chef de poste de la zone Kinama, qui a mis les scellés sur l’entrée de l’église, dit qu’il a un mandat d’arrêt sur lui et qu’il a l’ordre de l’arrêter et le mettre sous les verrous : « J’ai des ordres venant du commissaire provincial de fermer l’église et de l’arrêter et je ne peux rien dire d’autre ».

« L’extraordinaire vitalité religieuse »

Dans son intervention concernant le pasteur qui porte des vêtements liturgiques et se fait montrer en habit des cardinaux, Nicodème Bugwabari assure qu’il a entendu dire qu’il avait échoué comme novice dans une congrégation religieuse à Gitega et avait été renvoyé.

Il affirme, mais avec des pincettes que ce pasteur n’a peut-être pas accepté son renvoi de l’ordre du noviciat ou peut être a des problèmes d’ordre psychologique.

N’étant pas au courant des prédications du pasteur Ferdinand Bankuwiha, le professeur Nicodème Bugwabari affirme qu’aujourd’hui, des gens mal préparés, qui n’ont pas fait la théologie, deviennent des aventuriers : « Serait-ce un de ces aventuriers qui inventent comment bien vivre en ayant des fidèles qui versent la dîme ? »

Pour ce professeur d’université, les gens mal préparés théologiquement ne peuvent que dire des bêtises au niveau théologique et au niveau de l’enseignement de la morale.

Il ajoute que sur ce qui concerne le vêtement, le pasteur qui le porte cherche une certaine légitimité religieuse. Il veut être accepté par les fidèles et leur faire penser que c’est un prêtre comme un autre, selon ce professeur d’université.

Nicodème Bugwabari : « Un être humain qui arbore la tenue d’un évêque est un malade qui s’ignore. « 

Et de mentionner que ce pasteur peut distraire un grand nombre de personnes. Le vêtement, selon Bugwabari, est un acte de légitimation religieux : « C’est de sa part une croyance parce que la quête de la légitimité n’aboutit pas nécessairement au fait d’être accepté ».

Sur un même ton, le professeur Nicodème Bugwabari affirme que le pasteur est un déviant social parce qu’il met des vêtements de prêtre en ayant une femme.
Pour lui, le pasteur se rend en déviant aussi parce qu’il n’y a pas d’évêque qui lui a imposé des mains et qui l’a sacré évêque : « Peut-être qu’il s’est sacré lui-même, et cela relève de la déviance sociale, de la déviance au niveau religieux, c’est un marginal parce qu’il vit en marge de la société ».

Et de s’interroger : « Comment de tels comportements peuvent advenir suite à la situation que nous vivons ? Je crois que là où règne la faim, la pauvreté, la misère, de tels comportements religieux peuvent exister et probablement que ce pasteur cherche à manger ».

Le professeur mentionne que pour qu’un être humain ose arborer la tenue d’un évêque, même un protestant, il s’agit d’un malade qui s’ignore : « Dans nos sociétés africaines, nous suivons souvent des malades, cela peut être des chefs de parti, des chefs religieux, vraiment malades », fait-il remarquer. Et de comparer le cas de ce pasteur à celui d’un autre pasteur qui se faisait appeler « Migurumiko », il se disait Dieu.

Il assure que des gens comme ce pasteur vivent dans un monde autre que le nôtre un monde de l’imaginaire qui leur sert en leur procurant de l’argent qui est un capital économique et leur procure aussi une autre forme de capital qui est la respectabilité parce qu’ils se considèrent comme légitime au niveau religieux.

Le professeur fait savoir que cette maladie peut leur être curieusement utile, parce que pour lui, ce sont des gens qui vivent dans le délire messianique : « Ils pensent qu’ils sont des messies, que ce soit au niveau politique ou religieux parce que le politique et le religieux ne sont pas si différents que cela ».

Selon lui, ce sont des systèmes symboliques qui produisent du sens donc ici les gens vont chercher du sens, la signification à leur vie. « Ce pasteur a certainement trouvé chez quelques fidèles un terrain propice, des attentes ».

Mais aujourd’hui comme les fidèles ont ce besoin, note-t-il, demain ils vont chercher ailleurs et vont faire continuellement de la transhumance religieuse et c’est ce que font beaucoup de gens ici au Burundi.

« Ils quittent l’Eglise catholique pour l’Eglise pentecôtiste, de l’Eglise pentecôtiste à l’Eglise des Témoins de Jéhovah et ainsi de suite », conclut ce professeur d’université.

Forum des lecteurs d'Iwacu

8 réactions
  1. TOM

    je pense qu’il faut un ministère de regulation des affaires sociales et religieuses comme c’est le cas dans certain pays ( pays musulman). Aujourd’hui le ministere de l’interieur est dépassé car son personnel n’est pas outillé en la matière, ca leur depasse.

    ORCR ( organe de regulation) a été un échec car leurs membres étaient plutot des politiciens et non de techniciens avec acceptance des pairs. il faudrait s’inspirer des expériences des autres pays pour arriver à contenir le fléau.
    En occident, les pasteurs sont payés par l’Etat.

  2. Gugusse

    L’habit ne fait pas le moine. Sorry. Est-ce une apple watch à son poignet?

  3. Voltaire Kaziri

    Dans toutes les civilasations depuis l’aube des temps, les puissances de l epoque ont imposé leur religions.
    Il n’ya que les fiers Hindiens, Japonais et Chinois qui n’ont jamais abandonné leurs croyances (*Meme aux pires moments dre la colonisation occidentale).
    Et voyez ou ils sont.
    Avec tout le respect que je dois a l’eminent professseur Nicodeme, ses explications sont celles d’un catechistes quin plaide pour sa chapelle.
    PS: I am a born again and somehow I am proud of it

    • Giant

      Ariko ko gusenga Imana abarundi bari babizi kuva isi iremwa, ubwo ntitwopfuma twambaza Kiranga kirumwero gitanga inka n’ibibondo!!!
      Peut-être que ce n’est pas actuellement très vendeur mais il n’en demeure pas moins authentique et profond.

  4. Kami

    Merci pour l’article.
    Néanmoins, l’auteur est penchant en ce qui concerne l’église et s’il n’était pas penchant il aurait discuté de ce que le « cardinal » prêche mais pas se pencher sur les habits car la loi burundaise ne réserve aucune tenue aux prêtres catholiques ou cardinal!Ce n’est pas tenue militaire ou policière!
    Parlez nous de ce qui constitue le pénal et non vos opinions avec Bugwabari! Ce qu’il a dit n’est pas scientifique mais il a parlé de ses émotions comme croyant catholique.

  5. Mafero

    Pourquoi s’en prendre a ce serviteur de Dieu dans un pays ou on L’a mis en avant? Chaque Jeudi de fin du mois, tout le pays est mobilise pour des seances de prieres et je crois que ce qu’on preche la ne differe en rien des predications de ce Cardinal.

  6. Nzoyisaba Innocent

    L’affaire religieuse est devenue un business rentable pour les leaders et la voie de disparition pour les fidèles.

  7. RIRIKUMUTIMA

    Si porter des vetêments peut faire venir plus de clients (pardon je voulais parler de fidèles), laissez les brebis venir.
    Plus fondamentalement, les religions sont construites sur une histoire de foi.
    Que signifie la foi? Professeur Nicodème.
    PS: J’ai fait des études scientific dans mon cursus scolaire

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