Mardi 16 décembre 2025

Société

La boisson Fungus suscite des doutes

La boisson Fungus suscite des doutes
L’administration locale en train de renverser les cuves pleines de Fungus

Depuis un certain temps, dans plusieurs coins de la ville de Bujumbura, s’observent des cabarets improvisés qui vendent une boisson communément appelée Fungus. La grande majorité des consommateurs sont ceux qui se disent convertis au protestantisme, et sont contre l’alcool. Mais les effets témoignent d’autres choses que de la lucidité.

Autour d’une petite table en plastique, des hommes discutent au tour des verres dans lesquels sont plongées des pailles. Dans ces verres, un liquide brunâtre : « C’est du Fungus, nous sommes des chrétiens protestants, donc pas d’alcool », fait savoir l’un d’eux.

Les quatre hommes autour de la table affichent une bonne humeur et discutent avec entrain. Dans leur discussion, des versets bibliques et chacun commente sur les bienfaits de Dieu : « Ils sont l’effet de cette boisson, leurs tons augmentent au fur et à mesure qu’ils boivent », témoigne un passant qui les observait.

Ce dernier fait savoir que la boisson est fermentée et provoque souvent des effets hallucinogènes. Il raconte que son petit frère s’est converti au protestantisme, et que, depuis, il ne consomme que cette boisson et rentre toujours dans un état second. « La première fois après sa rupture avec la bière, il est rentré ivre, sans aucune haleine de bière, et a passé presque toute la nuit à parler sans s’arrêter « .

Une mixture plus ou moins douteuse

Un ancien producteur témoigne et met à nu les produits qu’il utilisait. Le sucre et le champignon sont essentiels : « La boisson Fungus est multiforme, il y a ce qu’on appelle Kargasoke, Umuruturutu, ou ce Fungus en soi, mais toutes ces boissons se produisent presque de la même façon, le sucre et le champignon interviennent partout ».

Il fait savoir qu’il a arrêté la production parce que sa conscience lui rappelle qu’il est en train de faucher des vies: « Bouillir 40 litres d’eau avec du thé et après, ajouter 10 kilos de sucre et un champignon qui va se multiplier pendant 10 jours de fermentation, cela doit forcément avoir des conséquences sur la santé. »

Un autre élément qui l’a poussé à abandonner est l’argent qu’il était tout le temps obligé de verser auprès de l’administration locale pour qu’il puisse continuer de travailler. En plus de cela, il avoue que la majorité des producteurs de cette boisson ne respectent pas les consignes d’hygiène : « Chaque vendeur a une chambre derrière dans laquelle il fermente ce breuvage, que les récipients soient propres ou pas, personne ne s’en soucie. »

Une vieille dame convertie au protestantisme et ancienne consommatrice de Fungus témoigne ses effets: « Avant que j’abandonne la consommation de cette boisson, j’ai passé trois jours sans dormir jusqu’à ce que je me mette à supplier le bon Dieu pour qu’il me vienne en aide. »

Elle fait savoir que depuis qu’elle a abandonné sa consommation, elle n’a jamais cessé de penser pourquoi on la boit : « C’est bizarre de voir un homme, seul, consommer 2 voire 3 carafes de Fungus. »

Un autre consommateur converti fait savoir qu’il a abandonné par peur : « Un produit dont on ne connaît pas le mode de fabrication laisse des doutes quant à la santé. Le vendeur sort toujours de la chambre de derrière avec une carafe sans savoir. »

Il demande aux consommateurs de toujours faire attention à ce qu’ils consomment : « Je ne parle pas seulement de ce que nous buvons, je le dis aussi pour ce que nous mangeons. »  

Une distraction sur l’authenticité du jus Fungus

Sur le terrain, plusieurs consommateurs expriment leur inquiétude face à la prolifération des produits portant le nom de Fungus, une boisson de plus en plus populaire. Beaucoup se demandent comment distinguer l’original du faux alors que ces deux jus ont le même goût. « Nous avons besoin d’éclaircissements pour différencier le vrai jus Fungus des imitations. Le problème revient à nous les consommateurs. », explique un habitant rencontré dans la commune Ntahangwa.

Il évoque également les récentes interventions des autorités qui ont saisi et renversé des fûts de jus jugés impropres à la consommation. « Dernièrement on a vu des futs pleins de jus de sorte de Fungus être renversés par l’administration et le BBN, car mal produits. C’est une bonne chose. Mais avant ces interventions, certaines personnes ont déjà consommé ce jus provenant des entreprises non certifiées. Est-ce que cela ne met pas leur santé en danger ? »

Les consommateurs demandent une meilleure traçabilité des produits avec des points de vente reconnus. Car au-delà de la concurrence déloyale des entreprises, c’est surtout la santé qui est en jeu. « Il y a une administration de base. Pourquoi attendre pour qu’une entreprise passe plus d’une année sans autorisation alors qu’elle est implantée dans un quartier qui a un chef ? le trésor public en perd également car la plupart des entreprises qui travaillent en cachette ne paient pas d’impôts. Le gouvernement devrait agir pour la protection de sa population. »

D’amour Désiré Habonimana « Les autorités doivent intensifier les contrôles

Face aux interprétations diverses autour du nom « Fungus », D’Amour Désiré Habonimana, directeur commercial d’Arise and Shine Burundi, tient à apporter des précisions : « Le nom ‘Fungus’ est un nom commercial que nous avons choisi en référence aux bienfaits de certaines plantes. Cela ne signifie en aucun cas que notre boisson est à base de champignons ».

Il appelle les consommateurs à ne pas se laisser induire en erreur et à se référer uniquement aux produits certifiés et identifiés clairement comme provenant de l’entreprise Arise and Shine Burundi.

Pour lui, le nom ‘Fungus’ est une marque déposée et légalement protégée. « Il est important que les autres producteurs trouvent leurs propres noms pour désigner leurs boissons. Le nom Fungus est strictement réservé à nos produits officiels ».

Il  demande au gouvernement de mettre en place un renforcement de la régulation dans le secteur des boissons localement produites. « Les autorités doivent intensifier les contrôles pour protéger non seulement la santé publique des citoyens en danger mais également les entreprises légalement reconnues. »

Quid de la certification ?

Un restaurant-bar où la boisson est exclusivement Fungus

Samuel Ndayiragije, directeur général du Bureau burundais de normalisation et contrôle de la qualité fait savoir qu’il est grand temps que les entreprises qui produisent localement se conforment aux normes : « Nous allons nous occuper de ces entreprises qui ne veulent pas suivre tous les processus de certification. »

Il lance un appel à toutes les entreprises de se faire enregistrer pour pouvoir opérer en toute légalité et payer les impôts relatifs tout en évitant de s’approprier les marques.

Pour les boissons Fungus, il fait savoir que le premier producteur court un grand risque de voir son marché d’écoulement diminuer et continuer à payer des impôts d’un produit qu’il n’aura pas vendu à cause de ses producteurs locaux.

Signalons que depuis quelques jours, l’administration et le BBN ont déjà commencé une descente dans plusieurs quartiers de la ville de Bujumbura pour décourager ces boissons produites clandestinement.

Pour l’administrateur de la commune Ntahangwa, la production clandestine doit être éradiquée

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