Jeudi 10 juillet 2025

Société

Karusi : Les Batwa plaident pour l’accès aux terres

09/07/2025 0
Karusi : Les Batwa plaident pour l’accès aux terres
Les Batwa de la commune Buhiga, colline Buhinyuza : « Nous demandons à l’Etat de nous accorder des terres à cultiver »

Les membres de la communauté Batwa estiment que la poterie longtemps considérée comme leur activité principale ne suffit plus pour assurer leur survie. Ils éprouvent des difficultés à trouver de la matière première, à savoir l’argile. Ils réclament un accès réel aux terres cultivables.

Malgré les discours officiels promettant aux Batwa l’accès à la propriété foncière, plusieurs se disent encore être des laissés pour compte. Réputés depuis des années pour leur savoir-faire en poterie, ils affirment que cette activité ne leur permet plus de subvenir aux besoins de leurs familles. La cause principale étant la difficulté croissante d’accéder à l’argile, matière première indispensable.
« Avant, pendant la saison des pluies, on profitait pour fabriquer des pots afin de subvenir aux besoins de nos familles. Mais, aujourd’hui, c’est devenu presque impossible. On ne trouve plus l’argile car, on nous interdit d’en extraire en arguant que ce sont des terres privées. Parfois, on est même obligé d’en voler pour continuer à produire. », témoigne Floride Niyonizigiye, habitante de la colline Buhinyuza.

Selon Daniel Banyankirubusa de cette même colline, la poterie ne peut plus constituer une source de revenus fiable pour eux. Il fait remarquer qu’avec la modernité, la majorité des gens délaissent de plus en plus l’usage des pots traditionnels pour cuisiner.
« Les gens n’ont plus besoin de nos pots, car ils utilisent désormais des ustensiles de cuisine modernes, plus durables que ceux que nous fabriquons. C’est pour cela que le métier de potier perd petit à petit son importance. »

Vers l’agriculture sans accès aux terres

Alors que la poterie ne leur suffit plus pour vivre, ils souhaitent se tourner vers l’agriculture. Mais, ils se heurtent à l’absence des terres, malgré les promesses de l’Etat d’octroyer des terres à la communauté Batwa.

Le président de la République avait par exemple promis d’octroyer à chaque ménage de la famille Batwa un hectare de terre arable de la part du gouvernement en vue de promouvoir le développement agro-pastoral de cette classe sociale.

« Avec le temps, la famille s’agrandit. Les enfants naissent. Et très vite, on devient nombreux à devoir se partager un espace très restreint. Ici, nous sommes environ vingt-sept ménages à vivre sur cette petite parcelle. Vous voyez bien qu’elle est loin d’être suffisante pour nous tous ! D’ailleurs, même cette petite parcelle , nous l’avons reçue à l’époque du president Bagaza. Cela remonte à très longtemps », précise Daniel Banyankirubusa.

Audace Bavakure, représentant de l’Uproba à Karusi : « Si aucune parcelle n’est disponible dans la province de Karusi, nous serons prêts à être relocalisés dans d’autres provinces. »

Ils affirment faire face à de nombreuses difficultés au quotidien, principalement à cause du manque de sources de revenus. Ils attendent toujours la concrétisation des promesses faites par l’État.
« Nous n’avons pas de terres à cultiver. On nous avait dit que des parcelles allaient nous être attribuées.Mais jusqu’à présent, rien n’a été fait. Nous vivons dans l’attente, sans aucun espoir concret. Même l’argile est devenue introuvable. Dans ces conditions, comment nous allons survivre ? », s’interroge Floride Niyonizigiye.

Selon Audace Bavakure, représentant de l’association Uniproba (Unissons-nous pour la Promotion des Batwa) dans la province de Karusi, la question de l’accès à la terre reste complexe dans cette province. Bien que des promesses aient été faites par le chef de l’État, notamment concernant l’octroi des terres cultivables, aucune mesure concrète n’a été mise en œuvre jusqu’à ce jour.
« Des équipes sont venues constater la disponibilité des terres afin de prendre des mesures appropriées. Mais, aucune suite concrète n’a été communiquée. Par après, ces terrains ont été utilisés pour la culture du café, à l’initiative du parti au pouvoir. »
Il ajoute que seule l’agriculture pourrait leur permettre de sortir de la pauvreté, dans un contexte où la poterie, autrefois source de revenus, est de moins en moins pratiquée. Et même s’ils ne souhaitent pas abandonner totalement leur métier traditionnel, la rareté de l’argile constitue un obstacle majeur à sa poursuite.

Il faut une inclusion sociale effective

Les membres de la communauté Batwa insistent sur le respect total des engagements pris par les autorités. Ils souhaitent vivement que les promesses concernant l’accès à la terre soient mises en œuvre pour leur inclusion sociale et leur développement durable.
« Nous demandons à l’État de nous accorder des terres à cultiver afin de pouvoir nourrir nos enfants. Sans alimentation suffisante, ils ne peuvent pas étudier correctement, ni tout simplement fréquenter l’école. », confie Odette Nshemezimana.

Quant à Daniel Banyankirubusa, il est temps que le president se souvienne de la promesse qu’il avait faite de leur octroyer des terres qui, à l’époque, avait été accueillie avec beaucoup d’enthousiasme par la communauté Batwa.
« Nous étions très contents. On se disait que comme le président l’a dit, cela allait se réaliser très vite. Certains avaient même acheté des houes. On nous avait inscrit au stade mais rien n’a suivi. Alors, nous demandons au président de se souvenir de sa promesse et de parler avec ses subalternes afin qu’ils agissent car, nous sommes fatigués et nous voulons nous aussi avoir de quoi vivre comme les autres citoyens. »

Le représentant de l’Uniproba plaide lui aussi pour que l’annonce du chef de l’Etat relative à l’octroi de terres aux Batwa de Karusi soit effectivement mise en oeuvre. Il souligne que si aucune parcelle n’est disponible à Karusi, ils seront prêts à être relocalisés dans d’autres provinces où des terres seraient accessibles.

Il interpelle les membres de la communauté Batwa à ne pas se contenter uniquement de la poterie même s’il est difficile d’abandonner un métier.
« Il faut que les Batwa puissent s’ouvrir à d’autres activités professionnelles comme le font les autres citoyens. Et je les encourage également à chercher dans la mesure du possible, des terres à cultiver par leurs propres moyens en attendant la concrétisation des promesses du chef de l’Etat. »

Contacté sur la question, le ministère en charge de la solidarité nationale, via son porte-parole, a reconnu que les terres ne sont pas encore disponibles, mais qu’elles seront attribuées aux communautés Batwa le moment venu.

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