Jeudi 28 mars 2024

Politique

Interview exclusive | Stany Niyimbona: « Je rêve de porter ma commune à un autre degré de prospérité »

Interview exclusive | Stany Niyimbona: « Je rêve de porter ma commune à un autre degré de prospérité »
Stany Niyimbona

Rutegama est une des localités du pays touchées par les différentes crises qui ont endeuillé le Burundi. Actuellement, elle se développe de plus en plus. A la rencontre de Stany Niyimbona, le nouvel administrateur communal.

Vous êtes nouveau à la tête de cette commune. Quels sont vos projets ?

On puise tous nos projets dans le Plan communal de développement communautaire (PCDC). Nous comptons d’abord construire un abattoir moderne. Avec l’extension du centre communal, cette infrastructure s’avère nécessaire. Elle doit remplir les conditions hygiéniques requises. On va poursuivre aussi la construction de l’Université de Rutegama. Certains travaux sont déjà réalisés.

Par exemple ?

L’assainissement du site et des contributions sont en train d’être faites. Aujourd’hui, nous avons déjà 31 millions BIF. Nous prévoyons aussi de construire un réseau d’eau potable, éclairer les centres de Kabuguzo, Nkonyovu, Kururenda, et le Lycée communal Mushikamo. Côté culturel, le club folklorique de Rutegama va être redynamisé. Nous projetons installer un terrain polyvalent. Rutegama n’a aucun marché moderne. Ainsi, il est prévu la modernisation des marchés de Gasange et celui de Gitaramuka (Kw’i Buye).

Quelles sont les sources de financement de ces projets ?

Très difficile de préciser d’où proviendraient les moyens. Car, nos prédécesseurs pouvaient utiliser les 500 millions BIF octroyés aux communes. Aujourd’hui, il y a une nouvelle orientation.

C’est-à-dire ?

Les communes n’en bénéficient plus directement. Une partie est orientée dans le secteur des fertilisants et 10 millions BIF pour les coopératives Sangwe. Un autre montant est destiné à la Banque d’Investissement des jeunes (BIJ). Bientôt, une autre partie sera affectée dans celle des femmes. Dans ces conditions, c’est difficile de préparer de grands projets.

Alors quel est votre plan B ?

Ces projets ne peuvent pas être exécutés sans l’appui extérieur. Nous lançons un appel aux natifs, aux amis de la commune pour soutenir financièrement nos programmes. La contribution de la diaspora est aussi sollicitée. Ce serait vraiment regrettable pour moi de laisser cette commune comme je l’ai eue. Je rêve de la porter à un autre degré de prospérité. Je dois laisser des traces positives.

Quid des recettes communales après la destitution des anciens percepteurs ?

Cette destitution a été bénéfique. En mars, les recettes ont été de 28.088.800 BIF alors qu’en mars 2020, c’était seulement 16.825.300BIF. En avril, on est arrivé à 31.534.600BIF pour atteindre 36.699.250BIF en mai.

Des signes de développement se remarquent dans votre commune, malgré qu’elle ait été beaucoup affectée par les différentes crises…

Oui. La population a été beaucoup touchée par les crises qui ont endeuillé le pays. Elle a beaucoup appris du passé douloureux. La réconciliation entre les ethnies est à une étape avancée. En témoigne les mariages mixtes très fréquents entres Hutu et Tutsi, Hutu et Twa, et vice-versa.

Qu’en est-il de la cohabitation politique plus d’une année après les élections de 2020 ?

La cohabitation entre les partis politiques est restée bonne durant la période pré-électorale, électorale et post-électorale.

Néanmoins, les membres du Cnl disent qu’on les empêche de tenir des réunions dans leurs permanences.

A vrai dire, il n’y a pas de conflit entre les partis. Cela se comprend qu’en cas de prévision de rencontres dans un endroit, l’accord revient à ceux qui ont informé le premier. Honnêtement, les réunions des partis politiques se tiennent bel et bien sans aucune entrave.

Toutefois, ce parti donne l’exemple de la colline Munyinya, zone Mushikamo, où ses militants ont été interdits de tenir une réunion dans leur permanence. Un comportement consécutif, selon eux, aux cas d’insécurité à Mwaro et à Muramvya.

Je n’en ai pas été informé. Mais je vous le confirme, la cohabitation est très bonne. Même son représentant était ici dernièrement dans mon bureau.

A Rutegama, quelle est effectivement la situation sécuritaire après ces attaques ?

Grâce à la bonne collaboration entre la quadrilogie et les comités mixtes de sécurité, la sécurité est là. Mais, avec ces attaques, nous avons redoublé d’efforts pour veiller à la paix et la sécurité. Ces comités sont à l’œuvre. La population vaque normalement à ses activités quotidiennes.

Ces comités sont-ils hétérogènes ?

Tous les partis politiques y sont présents. Il arrive des cas d’absence ou de sabotage mais cela n’empêche pas à ceux qui sont présents de travailler.

Dans ce cas, que faites-vous?

On multiplie des réunions. Normalement, ceux qui s’absentent devraient se justifier et nous dire pourquoi ils ne participent pas dans ces comités. C’est seulement compréhensible quand quelqu’un est malade ou pris par d’autres engagements. Notre souhait est de voir la participation de tous.

Côté développement, qu’est-ce qui est déjà fait?

Bureau communal de Rutegama.

Nous avons un bureau communal en étages (deux niveaux). Il a été construit par la population et les natifs et amis de la commune. Aucun sou des 500 millions BIF que le gouvernement a octroyé aux communes n’y a été affecté. Seulement, nous avons reçu une assistance en matériels de construction, comme les fers à bétons et le ciment de la part de la présidence.

De quoi vit votre population ?

Ils sont à plus de 90% agriculteurs. Et comme nous sommes dans la région naturelle de Kirimiro, nous cultivons le haricot, le manioc, la patate douce, le maïs, etc. Toutes les cultures vivrières poussent bien.

Néanmoins, on se lamente que le prix de la farine de maïs a monté. Pourquoi ?

On le dit. Peut-être qu’ils se réfèrent à cette décision du gouvernement pour limiter le gaspillage de la production. Car, au moment de la récolte, les producteurs avaient l’habitude de vendre presque toute leur production. Malheureusement, sur un prix dérisoire. Mais, aujourd’hui, le prix a été fixé par l’Etat à 680 BIF par kg. Je pense que ces lamentations ne sont pas fondées.

Combien de tonnes avez-vous pu collecter ?

Sur deux sites de vente, nous avons eu environs 17 tonnes. En effet, le maïs fait aussi partie des denrées consommées quotidiennement par notre population. Pour le moment, toute la production vendue est dans un stock. Nous attendons la décision du gouvernement pour la suite.

Qu’en est-il des cultures d’exportation ?

A Rutegama, c’est le café. Avec le retour de l’Etat dans cette filière, la population s’intéresse de nouveau à cette culture. D’ailleurs, on a déjà commencé à préparer des pépinières pour renouveler leurs anciens vergers ou installer de nouvelles plantations caféicoles.

On parle aussi de l’anacardier à Rutegama…

C’est vrai. Il y a un site d’essais de cette nouvelle plante d’exportation. Mais, je ne peux pas dire que c’est déjà connu par un grand nombre. C’est encore tôt. Le site se trouve sur la colline Camumandu. Si ça réussit, des plants pourront être distribués à la population.

Et l’élevage ?

La population élève des vaches, des chèvres, des porcs, des poules, des cobayes, etc. Dans ce domaine, nous apprécions la contribution de certaines organisations en distribuant du bétail à la population.

Les éleveurs sont-ils prêts à adopter l’élevage en stabulation ?

Nous menons des sensibilisons pour le changement des méthodes pastorales. Ils sont au courant de loi de 2018 instituant l’élevage en stabulation. Le deadline est fixé le 4 octobre prochain. Les éleveurs sont préparés. Ils ont planté des herbes et plantes fourragères. On attend que ce rendez-vous arrive pour voir si la mesure sera effectivement respectée.

Parlons du secteur sanitaire…

Rutegama a quatre centres de santé (CDS) publics et deux privés. Ce qui signifie que la population a un accès facile aux soins de santé. Nous avons aussi deux pharmacies. Mais, pour avoir une bonne santé, il y a beaucoup de facteurs comme l’accès à l’eau potable. Ce qui permet d’être propre corporellement et au niveau vestimentaire.

L’eau potable est-elle suffisante ?

Pas du tout. L’extension du centre communal crée un déséquilibre entre l’offre et la demande. A voir le rythme d’installations de nouvelles habitations, les besoins en eau montent alors que l’offre est restée la même.

Que faites-vous dans ces conditions ?

On est contraint de pratiquer les délestages. On ouvre pour un quartier ou une partie, et on ferme les robinets pour un autre. Vice-versa. Au niveau des collines, la population recourt aux puits installés dans les marais (Za Rusengo) et sur les quelques robinets déjà existants. C’est vraiment urgent d’augmenter la quantité d’eau potable à commencer par le centre communal et puis dans les collines.

Côté éducation, qu’est-ce qui est déjà fait?

Nous avons 34 écoles dont 23 Ecoles fondamentales, huit établissements post-fondamentaux et trois centres de métiers. Globalement, nous avons 60.776 élèves dans ces différents établissements.

Mais Rutegama enregistre beaucoup de cas d’abandon scolaire…

Malheureusement oui. On dénombre 370 cas d’abandons dont 200 garçons et 170 filles.

Quelles sont les causes ?

La principale raison est la pauvreté. Ce qui est fréquent surtout chez les enfants Batwa. D’autres abandonnent pour aller chercher de l’argent. D’autres n’ont pas encore compris l’importance de l’école. Les cas liés aux mariages précoces ne sont pas nombreux. Seulement, certaines filles sont victimes de grossesses non désirées.

Quelles sont vos actions pour inverser la tendance ?

Nous essayons de sensibiliser surtout les parents pour les inviter, à leur tour, à montrer à leurs enfants l’importance de l’école. Il arrive que ces enfants se sentent découragés par le chômage de leurs grands frères ou grandes sœurs diplômés. Mais, nous leur disons qu’il serait mieux d’être sans emploi étant diplômé. Car, si une opportunité se présente, on cherche ceux qui ont des diplômes et non ceux qui ont abandonné l’école en cours de chemin.

Quels sont les autres défis dans ce secteur ?

C’est, par exemple, l’insuffisance du personnel. Nous avons seulement 416 enseignants dans toute la commune. Pour le matériel, normalement, deux enfants devraient partager un banc-pupitre. Mais aujourd’hui, on se retrouve avec trois enfants par banc-pupitre. Côté manuel scolaire, deux élèves devraient partager un livre, mais là aussi, c’est au moins trois élèves par livre. Mais, nous demandons au gouvernement de nous donner d’autres enseignants. En tout, nous avons besoin environs 4 mille bancs pupitres. Nous remercions le gouvernement de nous avoir accordé dernièrement 700 bancs pupitres. Nous demandons aux natifs et aux amis de la commune de contribuer pour rendre disponible ce matériel.

Quid de l’enseignement des métiers ?

Pour les écoles de métiers, nous avons deux centres qui enseignent surtout l’agriculture et l’élevage. Malheureusement, ces filières n’ont pas été très fréquentées. Nous avons presque manqué de candidats. Nous avions alors demandé qu’on puisse y mettre d’autres filières, comme la soudure, la couture, la mécanique, etc.

Uniquement cela ?

Nous avons aussi des lycées techniques à Ku Mugogo intégrant la filière d’électricité industrielle et un autre lycée technique communal à Mushikamo avec la filière électromécanique. Là, nous avons beaucoup de candidats. Seulement, le matériel pédagogique est insuffisant. Ce qui ne permet pas aux élèves de bien faire leurs exercices pratiques. Les natifs et les amis de la commune sont interpelés pour nous épauler.

Les communes trouvent une partie de leurs moyens dans les taxes et impôts des commerçants. Mais tout autour de la RN2, des boutiques sont en train d’être démolies. Qu’est-ce qui se passe ?

Pour ceux qui connaissaient cet endroit, il est aujourd’hui défiguré. Il y avait beaucoup de boutiques, de kiosques. Mais, ils étaient érigés dans l’espace public, une partie intégrante de la route. Bref, il n’était pas autorisé à y construire. Aujourd’hui, le gouvernement a pris la décision que ce genre de constructions soit démoli. Rutegama ne peut pas déroger à la règle.

N’est-ce pas aussi une perte pour la commune ?

Oui, car ces commerçants payaient l’impôt annuel. Ce qui sous-entend, que peut être, l’année prochaine, il peut y avoir une baisse des recettes. Mais, nous sommes en train de voir comment aider ceux qui n’auront plus de place. On va leur trouver d’autres endroits pour poursuivre leur commerce.

Mais ils disent qu’ils n’ont pas été avisés…

Nous avons tenu une réunion avec les commerçants et le gouverneur de Muramvya. Nous avons recueilli leurs doléances. Nous allons traiter au cas par cas. Parce qu’ils n’ont pas les mêmes moyens financiers.

Qu’en est-il du combat contre les boissons prohibées ?

Mon prédécesseur a fait un travail extraordinaire. Je peux affirmer que depuis mon arrivée, je n’ai jamais entendu parler de ces boissons comme le Kanyanga. Seulement, il y a une boisson que l’on appelle « Karibu » qui cause beaucoup de problèmes.

Comment ?

Comme c’est une boisson alcoolisée qui n’est pas chère, la population consomme beaucoup ce produit. Quand les gens sont en état d’ivresse, c’est vraiment une source de conflit. Nous avons déjà soumis cette question, lors des réunions, à nos supérieurs hiérarchiques. On attend la décision qui sera prise. On a demandé, par exemple, que l’on baisse son degré d’alcool.

Quand un centre se développe, certains comportements comme la prostitution suivent. Quelle est la situation à Rutegama ?

Dans notre commune, la population, en général, se comporte bien. Mais quand une localité évolue vers un centre urbain, certains comportements, comme la prostitution, les cas d’adultère… s’invitent. Il arrive des cas où l’on trouve un homme marié à Bujumbura ou à Gitega qui vient s’installer ici avec une autre femme. On les arrête, puis on met fin à ce mariage illégal. On les sépare. Ils paient aussi des amendes. Mais les cas ne sont pas encore très fréquents.

Propos recueillis par Rénovat Ndabashinze & Fabrice Manirakiza


La commune Rutegama est une des communes de la province Muramvya. Elle est limitée à l’Est par les communes Giheta et Bugendana, au Nord, il y a la commune Mbuye. Au Sud, on y trouve la commune Ndava, de la province Mwaro. Et à l’Ouest, il y a la commune Kiganda. Elle est composée de deux zones : Rutegama et Mushikamo. Elle comprend 17 collines de recensement et 60 sous-collines. Sa population est estimée à 52.241 habitants avec une densité de 625,3 hab/km2.

Forum des lecteurs d'Iwacu

2 réactions
  1. arsène

    Monsieur l’administrateur a de beaux rêves:
    « Construire un abattoir moderne, extension du centre communal, construction de l’Université de Rutegama, construire un réseau d’eau potable, éclairer les centres de Kabuguzo, Nkonyovu, Kururenda, et le Lycée communal Mushikamo, installer un terrain polyvalent, modernisation des marchés de Gasange et de Gitaramuka (Kw’i Buye) » et aussi payer les salaires du personnel.
    Tout ceci sans disposer de fonds, il ne fait pas autre chose que tirer des plans sur la comète.
    Ça rappelle d’autres projets qui ont été présentés aux Burundais:
    – Le plan de Bujumbura en 2045:
    https://www.youtube.com/watch?v=oCWS7Dz_rHw
    – Le projet « Come and see Burundi:
    https://www.facebook.com/comeandseeburundi/
    – Construction d’un mall sur la parcelle de l’ancien marché central de Bujumbura:
    http://akeza.net/bientot-la-construction-dun-mall-a-la-place-de-lex-marche-central-de-bujumbura/
    Les autorités (burundaises) manquent trop souvent de pragmatisme et rares sont ceux qui arrivent à admettre que les choses ne marchent pas.

    • James

      @Arsène : je suis en désaccord avec toi. Quand je regarde le bâtiment communal construit déjà, je vois quelqu’un qui rêve, mais qui sait aussi mobiliser les partenaires pour réaliser ses rêves. Il a peut-être besoin d’aide pour établir ses priorités, mais c’est l’administrateur est un visionnaire, il mérite d’être promis au poste de gouverneur.

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